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Christian Bastien :
interview exclusive 2012
CONTINUED FROM PART
1
Une relance
Début des années 80, à l’ouest, il y a aussi le park de La Roche-sur-Yon. Tu y vas parfois ?
Mon premier souvenir avec La Roche-sur-Yon est un rendez-vous raté. Je suis venu en train de Paris et j’ai cherché le park dans toute la ville sans le trouver ! Je suis reparti sans l’avoir trouvé ! Les boules ! (Rires)
Plus tard, j’ai passé une année à La Roche pour ce stage de formation sur les métiers autour de la pêche. Je pensais avoir un poste à la marée, aux Sables d’Olonne ou à St Jean de Luz.
À la Roche, j’ai retrouvé la sensation d’un skatepark en béton, c’était super. J’avais une Mc Gill et je skatais parfois avec la bande de La Rochelle et celle de Bourges qui venaient. C’était un des lieux où des scènes de toute la France pouvaient se retrouver sur un spot. L’ambiance était géniale. J’ai le souvenir de sessions de nuit extraordinaires. L’accès au skatepark était possible en bagnole. On les garaient autour et on allumait les phares pour skater ! (Rires) Moi, j‘y allais avec ma 404 Peugeot !
Je me souviens également d’un passage de skaters anglais, avec Shane Rouse qui nous avait impressionné. On pensait être bons, mais eux étaient loin devant nous à cette époque. Ils faisaient des airs de partout. Ils avaient défoncé le wall ! En fait, ils avaient l’énergie des punks et toute la mythlogie qui allait avec. Ils amenaient ça dans le skate. En France, on était vraiment loin de ça…
Ton surnom “Fishman“ date de ce moment-là ?
Non, c’est plus tard lorsque j’ai pris mon premier poste à la marée de Rungis ! Mais je pense que c’était parti de l’odeur caractéristique de poisson qui restait dans ma caisse. Lorsque l’on se déplaçait sur des spots j’avais toujours du mal à faire du covoiturage !
Et à Paris, vous ne pensez pas à faire quelque chose sur le modèle de La Rochelle ?
L’idée et l’envie étaient là, bien sûr, mais on y arrivera pas tout de suite. Ce sera Choisy et après Sainte-Géneviève. Mais le relais va d’abord passer par les mecs de Bourges autour de Nicolas Malinowski, son frère Christophe, Frédéric Moreau, etc. En 1983, a lieu le premier Caverneous Contest dans une sorte de vieux hangar désaffecté, avec une rampe. Il y en aura un autre en 1984, puis les fameux camps de Bourges prendont le relais en 1985… À partir de là, les choses vont s’accélérer.
En France, j’ai su bien plus tard que Jean-Marc Lalondrelle avait aussi fait une rampe à Bordeaux, mais à l‘époque, je n’en savais rien.
À Paris, les choses vont commencer à se débloquer lorsque Nicolas Malinowski vient vivre pendant un moment chez moi pour chercher du boulot, en 85. On a travaillé sur l’organisation des camps de Bourges depuis Paris. Nicolas y est resté plusieurs mois et c’est à ce moment-là qu’il m’a aidé à monter une rampe à Paris, celle du Stade de Choisy. On a passé pas mal de temps à chercher des matériaux à droite à gauche, de manière plus ou moins légale… On allait à ma maison de campagne en Seine et Marne pour bricoler et couper du bois dans un vieux hangar. Ce bois, c’était de l’orme massif que l’on possédait sur pied mais que l’on devait abattre en raison d’une maladie de la sève. Donc, au lieu de vendre ce bois ou d’en faire des meubles, on a monté la première rampe en orme massif ! Le modèle était la rampe de Bourges avec 2,80 mètres de rayon sur 7,50 m de large. Elle a vu défiler pas mal de skaters comme Gator, Hosoï et consorts. Du beau monde !
Où était-elle installée ?
Boulevard Masséna dans les 13e, en plein quartier chinois. Plus tard, le maire du 13e nous a demandé de quitter les lieux pour faire un practice de golf. En revanche, il promettait de nous construire une rampe plus importante sur un autre stade. Le problème c’est qu’il y avait des habitations à proximité et qu’on a rapidement dû dégager car les riverains se plaignaient du bruit… On est parti dans un autre stade dans les 13e, le Stade Boutroux où on était plus tranquille. On a enfin pu se poser et y rester peinards…
Tu fais partie de la génération qui a vu apparaître le ollie comme figure de verticale ? Comment l’as-tu découvert ? Par Alan Gelfand ?
Non. C’est “Manix” qui me le fait découvrir.
Sur le plat ?
Oui. En street, autour du Troca. Sur des marches, pour passer d’un bassin à l’autre…
Tu essayes de l’apprendre sur le plat ?
Un peu.
Et en courbe ?
Franchement, non, ça ne m’a pas attiré plus que ça de l’apprendre en courbe. En tant que ramp-rider, la vraie grosse impulsion après le drop-in est lorsque on tape le coping pour s’envoler ! On décolle vraiment grâce au pop du coping, c’est ce qui donne la plus grosse impulsion. Dès que tu maîtrises ce principe, tu ne te préoccupes pas du ollie…
Tu participais à des compétitions en rampe ?
On organisait déjà des compètes, à l’époque de La Rochelle ou Bourges, mais c’était plus un prétexte pour se réunir entre potes. Je pense que je me classais dans les dixièmes, un truc comme ça… Faut dire qu’on n’était pas des centaines ! (Rires)
Tu as l’esprit de compétition ?
Non. J’avais plutôt l’état d’esprit “Skate & Built” de Transworld. J’étais intéressé avant tout par construire le plus de rampes possible ! Même si les municipalités ne voulaient pas nous aider, on ne baissait pas les bras et on essayait d’y arriver par nos propres moyens. On ne pouvait pas se permettre d’attendre une aide extérieure, sinon on attendrait toujours ! Le revers de la médaille, c’est que j’ai souvent passé plus de temps sous les rampes à bricoler que de rouler dessus ! (Rires)
C’est Gérard Riou qui m’a ouvert les yeux sur l’intérêt de se regrouper en association pour pouvoir obtenir des équipements et faire avancer les choses…
Lorsque tu t’investis dans la construction d’une rampe, si tu veux en profiter sur la durée, ça demande forcément de l’organisation, trouver du fric, des gens motivés pour bosser avant de skater, etc. Mais le fait d’avoir à gérer des licences et s'occuper de la vie du club pour obtenir des subventions n’attirait pas grand monde…
D’une certaine manière, on peut dire que je n’étais pas fan de street, car de mon point de vue, ces skaters n’étant pour la plupart pas licenciés, ne faisaient rien pour nous aider dans notre démarche.
Nous voulions des rampes, point barre ! (Rires)
T’es un ayatollah !
(Rires) Non, mais je considère que la vraie culture du skate en France, ce sont les “Castors” de Bourges, La Rochelle, Rouen avec Bruno Rouland, Benoit Rougon à Ste Geneviève-des-Bois, Stéphane Bonneau au club de Versailles, etc. Des mecs qui n’ont pas hésité à mettre la main à la pâte, à donner de leur temps, de leur énergie pour que d’autres puissent skater ce qu’ils construisaient. Skater ce qui se présente dans les rues, c’est à la portée de tout le monde ! Par contre, va trouver des mecs motivés pour travailler à - 5° C… Ce n’est pas la même chose, faut faire des sacrifices. Aujourd’hui, si on est en retard en France, au niveau des équipements de rampes notamment, c’est parce que quelque part nous n’étions pas assez mobilisés dans la construction.. Il n’y a pas de miracle. Je me souviens de Grenoble par exemple où il y a eu une bonne scène à un moment parce qu’il y avait une sacrée équipe avec les frères Hardouin-Duparc. Ou Annecy avec des mecs comme Terence Bougdour, à Cholet avec Platoon ou encore Franck Boistel, mais egalement l'équipe de Versailles avec "Rambo" dans un ancien camp militaire près du château, c’était royal.
La rampe est une discipline qui ne peut tenir que grâce à l’obstination de quelques personnes.
Summer Skate Camp en Suède, 1984
Comment étais-tu au courant de ces camps ?
Toujours par Pierre-André qui y était allé seul dès 1981.
Tu y vas en quelle année toi ?
1984, l’année du championnat d’Europe à Rouen.
Avec qui montes-tu ?
Bruno Rouland, Jean-Marc Vaissette, Pierre-André Sénizergues, José de Matos, Jean-Paul Alavoine, Christophe Mounin et Daniel Bourqui.
Vous aviez loué un minibus ?
Non, nous sommes montés en train. On avait pris une carte “Europe” jusqu’à Hägernnäs. En arrivant sur les lieux du camp, on a vu la grande rampe en train de se monter : 3, 20 mètres de rayon, sans verticale !
Où logiez-vous ?
On logeait pas loin des rampes, dans des espèces de chalets/cabanons rustiques en bois. L’aire de free était aussi à proximité, dans un hangar désaffecté. Tout était concentré sur un petit périmètre.
Les Suédois étaient réputés pour être très bon dans l’organisation.
Oui, grâce notamment à Jani Soderhall, tout était pensé pour les skaters par des skaters. L’intendance était parfaite également, nos repas étaient préparés, servis à l’heure… Le seul problème des camps Suédois, c’était ces putains de moustiques qui nous bouffaient ! L’horreur intégrale !
Le site était assez loin d’une agglomération, comment vous déplaciez-vous sur place ?
Il y avait un petit train en bois pour aller en ville à Stockholm !
Vous le preniez pour aller draguer les Suédoises le soir ?
(Rires) Non ! Quoi que… Je ne m’étendrai pas sur le sujet ! Elles traînaient autour des rampes à mater le spectacle ! On essayait de butiner à droite à gauche ! (Rires)
À part les Suédoises, qu’est-ce qui a fait le succès de ces camps ?
Les Suédois étaient partis du constat qu’il était trop cher pour les skaters Européens d’aller en Amérique. Ils avaient donc décidé de faire venir les Américains en Europe !
Le concept s’est avéré intéressant pour les deux parties…
Tu fais combien de camps ?
Je n’y suis allé qu’une année, en 1984.
Quel le skater qui t’a le plus impressionné sur ces Summer Camps ?
Christophe Mounin dit “Moumoun“ ! (Rires) Il a eu son heure de gloire en faisant un transfert “à l’envers”. Au lieu de monter sur le bord de canyon, il est parti pleine balle à travers le canyon pour finir dans l’herbe, à l’extérieur de la rampe !Transword en avait même parlé dans un article !
As-tu été surpris par le niveau ?
De “Moumoun”, oui ! (Rires) Avec leur bon niveau Européen, ce sont les freestylers français qui voulaient aller en Suède se mesurer aux autres et ils n’ont pas été déçu lorsqu’ils ont vu Mullen !
Ceux qui étaient intéressés par la verticale comme moi étaient déjà très contents de rouler sur une bonne rampe à un moment où il n’y en avait si peu dans l’hexagone…
Nous avions vu quelques riders anglais comme Shane Rouse venu en France à La Roche-sur-Yon pour nous monter leur niveau. En Suède, le niveau des européens présents était très haut avec Frank Messmann, Hans Puttis Jacobsson, Günter Mokulys, Gogo, Yoyo Schultz, Stefan Lillis Akesson, etc.
La rampe avait-elle des extensions cette année ?
Elle disposait d’un canyon et d’une extension d’un mètre environ ! Les pros ont pu négocier un triple incroyable !
Étais-tu présent le jour où Mike a passé son Mc Twist ?
Oui, c’était un soir après la bouffe. Lui n’avait pas mangé, il s’entraînait toujours. On était à table à l’intérieur des chalets et tout à coup, on a entendu un boucan invraisemblable ! Ça gueulait de tous les côtés !
Quels sont les autres pros qui avaient été invités cette année ?
Avec Mike Mc Gill, il y avait Lance Mountain et Claus Grabke pour la rampe et Rodney Mullen en free. Je dois dire que même si je n’étais pas venu pour le free, Rodney m’a vraiment impressionné. C’est la première fois que je le voyais en vrai et j’avais l’impression que ses pieds ne touchaient jamais le sol ! J’ai eu le sentiment qu’il venait d’une autre planète…
Même Jean-Marc Vaissette, qui était pourtant très bon, ne comprenait pas tout ce que Rodney faisait. Il me disait : « Oh putain ! Je pensais être le seul à faire cette figure et il vient de la faire sous mes yeux avec une rapidité et une précision insensés ! ».
Au niveau relationnel, c’était facile de communiquer avec lui ?
Oui, je n’ai jamais eu de problème de ce côté-là. Il était assez timide mais ça n’était pas un soucis. Je me souviens, le matin, on partait faire un footing avec lui en forêt pour s’entraîner. Ce sont de sacrés souvenirs !
En rampe, ça te fait quel effet de skater tout d’un coup avec les meilleurs ?
Le pied intégral ! Un mec comme Lance Mountain était assez timide. Très sympa, mais il pouvait aussi être assez sec parfois. Claus est venu plusieurs fois chez moi après le camp. C’est un mec qui a beaucoup d’humour, bon photographe avec qui on rigole bien. Quand à Mc Gill, sa rencontre a été déterminante pour la suite. En effet, en discutant, il me fait part de son désir de pouvoir venir en France un de ces jours. On a sauté sur l’occasion et on lui a proposé de venir à Rouen où allait se dérouler les Championnats d’Europe, cette année-là !
De retour en France après le camp, je préviens tout le monde que Mc Gill va se pointer. On a donc préparé sa venue avec quelques skaters de Rouen et de Paris. Je pense que Mike a été le premier pro américain de cette génération à venir skater en France sur une compétition de cette ampleur.
Comment a-t-il été accueilli à Rouen ? On l’attendait pour le Mc Twist ?
Tout le monde était très excité par sa venue, mais ça ne s’est pas passé au mieux pour lui puisqu’il s’est twisté le genoux sur la rampe ! On a été obligé de l’emmener à l’hôpital pour le plâtrer ! Et à cause de cet accident, je n’ai pas pu assister à la fin du contest ! J’avais commencé à filmer les runs, mais je n’ai pas pu terminer. En plus de Mc Gill, il y avait les meilleurs Européens, Sean Geoff, Danny Webster et surtout Nicky Guerrero que j’adorais voir skater. Je trouve que c’est l’un des meilleurs skaters européens, un des plus stylés et fluides en tous cas. Je me demande même s’il n’avait pas gagné le contest…
Les camps de Bourges 1985-86
C’est le camp Suédois qui vous donne envie de faire un truc à Bourges ?
Oui, on s’est dit qu’on pourrait faire pareil et qu’on n'avait peut-être pas besoin d’aller en Suède si on montait un truc similaire en France.
Nicolas Malinowski s’est lancé là-dedans avec les Castors de Bourges, Moon, Fred Moreau, Christophe Malinowski, etc. En partant de zéro. On avait jamais organisé un événement de cette ampleur en France… Il a copié le modèle Suédois en l’adaptant à la sauce française. Moins de rigueur, mais un petit grain de folie en plus !
Nicolas a essayé de trouver du fric et heureusement qu’on avait le contact avec Mc Gill pour amorcer les choses car personne n’avait l’argent pour avancer les billets pour faire venir les pros. Et Pierre-André lui, des states, faisait le relais. On a mis un an pour concrétiser ce projet.
Quel a été ton rôle ?
Tu sais, tout a été improvisé au fur et à mesure. On nous demandait un truc et on répondait : « Pas de problème, on va vous le trouver ! ». Ça a marché comme ça. Aujourd’hui, on ne pourrait certainement plus faire des choses de cette manière. Les gens nous faisaient confiance alors que nous n’avions pas d’expérience et pas de gros sponsors. J’étais sur Paris avec Nicolas et nous travaillions à l’organisation du camp depuis la capitale.
Professionnellement, quel travail as-tu trouvé après tes études ?
J’avais intégré ma première affection aux services vétérinaires de la marée de Rungis. Je travaillais la nuit ce qui me laissait le temps de skater les après-midi. Ainsi, j’ouvrais le club le mercredi après-midi, le samedi et le dimanche à tour de rôle.
À Paris, je skatais déjà la rampe de Sainte-Geneviève et de Choisy. Les pros commençaient à la connaître et lorsqu’ils venaient en France, on les emmenait la skater.
En skatant ces rampes, peu avant d’aller au premier de camp de Bourges, je me suis malheureusement pété la malléole ! Mon pied était tordu à 45° et je l’ai redressé à la main en serrant les dents… Direction l’hôpital où on m’a plâtré. Et c’est avec le pied dans le plâtre que je me suis pointé à Bourges, sans pouvoir skater alors que j’avais bossé à sa préparation pendant des mois…
En plus, c’est moi qui me suis tapé la corvée de pain avec mes béquilles ! (Rires)
Finalement quels américains avaient répondu présents à votre invitation la première année ?
Mike Mc Gill, Kevin Staab et Per Welinder. C’est Mc Gill qui avait venir Staab que nous ne connaissions pas. Et on ne l’a pas regretté ! Kevin a vraiment apporté un état d’esprit délirant à Bourges. C’est un rigolo de première. Je me rappelle qu’en voyant son pro-model de board, je lui avais demandé comment il l’avait fait. Il m’avait répondu : « C’est facile, j’ai pris la passoire de cuisine de ma mère et je m’en suis servi comme patron pour dessiner le nose ! Je l’ai proposé à Sims et ils m’ont sorti la board telle quelle ! » (Rires)
Tous les soirs, Kevin venait me voir et me disait : « I need to take a shower ! ». Et il disparaissait… Sous la douche pendant deux heures ! Il ne logeait pas dans les chambres de l’ancien internat avec les autres participants du camp. Il vivait chez Nicolas et il profitait de ce luxe pour passer une partie de ses soirées sous l’eau ! La flotte finissait par suinter des murs ! (Rires)
Rentrez-vous dans vous frais la première année ?
Il me semble qu’on avait reçu de l’aide de la mairie, une subvention de 2 à 3000 francs. On avait aussi quelques petits sponsors… Je ne me souviens pas d’une catastrophe financière…
Rien de la part de la fédé !
Non. Ce n’était pas un contest et donc ça ne les intéressait pas. C’était bien loin de l’esprit de compétition et de résultats !
C’est toi qui amène Dan Bourqui à Bourges ?
Il nous suivait tout le temps ! Je l’ai connu en Suède, et à partir de là, il était souvent avec nous, à Paris, à Bourges, etc.
Il parlait toutes les langues et il naviguait entre la Suisse où étaient ses grand parents, l’Europe et le Brésil, où il habitait en alternance. Sa sœur travaillait à la “Lufthansa”, ce qui lui a permis de voyager dans le monde entier à prix réduits… Grâce à ça, il a eu des opportunités incroyables, il était toujours dans tous les bons plans en Europe et en Amérique, du Nord et du Sud !
Par exemple, Daniel a été le seul autorisé par Powell-Peralta, à filmer des vidéos pendant le tournage d’Animal Chin ! Il avait des connexions partout ! Et avec ça, un très bon niveau en skate. Tu le voyais shooter sur la plate-forme avec ses protecs ! (Rires)
Quels skaters français des années 70 viennent à Bourges ?
Parmis les vedettes de cette époque, seul José de Matos était encore présent en free avec “Popol” et Pierre-André. En revanche, je ne me souviens plus d’avoir vu Remy Walter. Durant cette période, je n’ai plus vu non plus des gens comme T. Dupin ou X. Lannes. Ils n’étaient plus avec cette génération, ou ils avaient décroché de ce mouvement à cette époque, ou comme Xavier travaillait aux States.
À part la rampe, qu’elles étaient les disciplines ?
Un peu de free et de street. Pas de slalom, le site du Stade du Prado ne si prêtait pas. On était vraiment axé sur la rampe.
Quelle était l’ambiance entre ces skaters de différents pays ?
Une ambiance de colonie de vacances ! Il faut préciser que le Prado est situé quasiment en centre-ville devant une gare routière. L’évènement suscitait pas mal d’intérêt de la part des habitants de Bourges qui venaient discuter avec nous en attendant leur bus. Stratégiquement c’était au top.
Mc Gill faisait un peu la gueule car il était venu de Floride avec des gamins de Tampa et il en avait la responsabilité. Eux, bien sûr, ne pensaient qu’à faire la fête ! Ils goûtaient à la liberté, ils hallucinaient de nous voir boire de l’alcool dehors, sans être emmerdés par quiconque ! (Rires)
Faillait faire le flic pour tenir tout ce monde ?
Tu ne crois pas si bien dire ! En fait, on gérait aussi des problèmes de vols… Avec Jean Terrisse et d’autres, on avait chopé des Canadiens en train de piquer des trucs. Ils n’ont jamais voulu rembourser. Fallait surveiller les vols d’argent, ce qui n’était pas la partie la plus drôle…
Comment est arrivé le délire de MC Gill et son vélo de course Peugeot ?
Il avait la totale, la casquette et le maillot ! (Rires) On se foutait de sa gueule en le traitant de beauf ! C’était en complet décalage avec les squelettes de la Bones Brigade ! Je crois qu’il avait tout simplement flashé sur le Tour de France…
Vous logiez dans les dortoirs de l’ancienne École Normale et vous y preniez aussi les repas ?
Oui. Tout était organisé au rez-de-chaussée. On était simplement chargé d’amener des baguettes, ma corvée ! Nos repas étaient préparés par une cantinière, midi et soir.
Combien de camps fais-tu ?
Seulement deux. Et je n’ai skaté que sur le deuxième, à cause de mon pied plâtré la première année !
Est-ce que les camps étaient des moments où tu te sentais vraiment progresser ?
Oui. Lorsque tu vois des skaters rentrer des figures, toi sur la plateforme, tu es forcément motivé. En voyant Tony Hawk faire des Mac Twist sans protecs, tu n’as pas beaucoup d’excuses si tu ne tentes pas un trick alors que tu es complètement protégé ! (Rires)
J’ai des témoignages émouvants à ce sujet. Un skater, Frank Sabouret, qui m’a contacté sur “facebook“, me racontait qu’il était venu à Bourges alors qu’il était jeune. Il avait l’impression d’être comme dans un rêve au milieu de tous les pros. Sa mère avait fait des photos de lui avec Tony Hawk. Il faisait un grind et Tony passait en air au-dessus de lui !
Sur les camps, on partageait vraiment la vie des pros. Pour le meilleur et le pire… Je me rappelle d’une soirée avec Mark Gonzales, Pier Welinder et Kevin Staab. Ils voulaient absolument aller en boîte faire la fête avec nous. On part à Vierzon, on fait la fête, on picole, mais comme souvent, les Américains ne tiennent pas la boisson et ils finissent par s’effondrer… Je les ai ramenés dans ma bagnole ! Mark était affalé sur le levier de vitesse, la tête sur mon épaule, il ronflait comme un porc et moi, je ne pouvais pas changer de vitesse ! On a fait 35 km comme ça ! L’enfer ! (Rires)
Au niveau du skate, quels sont tes meilleurs souvenirs de Bourges ?
Il y en a tellement… Ce que je trouvais génial par exemple, c’est que certains pros profitaient de la période des camps de Bourges pour passer un moment de l’été en France. Tu voyais débarquer du jour au lendemain, sans crier gare, des skaters comme Chris Miller, Nicky Guerrero, Billy Ruff, Frank Messman, le photographe Brittain, etc. Ils ne faisaient pas partie du camp, mais ils s’arrêtaient quelques jours pour skater et faire la fête. C’était très spontané !
C’est un âge d’or pour toi ?
Oui. Je me demande souvent pourquoi personne ne se lance pour organiser à nouveau ce genre de rendez-vous…
L’époque a changé et on ne pourrait sûrement pas mobiliser les skaters de cette manière autour d’une big !
Certes, mais je trouve ça triste. L’abandon de la rampe par les jeunes repose souvent sur des prétextes un peu cons : « C’est trop dur ! », « J’ai pas de protecs ! » ou « C’est à cause des horaires d’ouverture ! ». En tous cas, c’est le genre d’arguments de ceux de mon club. Ce n'est quand même pas bien difficile de comprendre que si tu veux progresser en rampe, il faut être un minimum protégé… Ça me sidère comme attitude !
En même temps, il y a un mouvement vers les skateparks qui commencent à être autre chose que des mares à canards. La verticale refait son apparition…
Oui. À Paris, le bowl de la Muette est pas mal. Sa forme est assez étonnante, mais finalement les skaters ont l’air satisfaits. Le problème lorsque j’y suis allé, c’était l’affluence. C’était bourré de trottinettes ! Des sessions sont organisées pour limiter cette affluence.
Et l’EPG ?
Je n’ai pas eu l’occasion d’y aller. Le bowl a l’air intéressant et très agréable à rouler, très lisse.
Paris a enfin des équipements en béton, ça a pris du temps !
Moi, j’ai toujours continué à skater des rampes à droite à gauche. Donc, je n’ai jamais été en manque de verticale dans les années 80 et 90. Mais c’est bien que les nouvelles générations redécouvrent ces sensations aujourd’hui, à travers le béton.
Certaines municipalités ont bien compris qu’il fallait investir dans cette matière d’autant que des constructeurs de skatepark en béton ont maintenant pas mal d’expérience.
Post-Bourges
Après le camp de Bourges, quels sont les événements auxquels tu participes ?
À la fin du premier camp, avec la fédé dissidente, la FFSB, autour de Nicolas Malinowski, on nous a contacté pour participer à un événement autour du skate et de la musique au Cap-Ferret, un festival qui s’appelait : “Cap Song“. Le concept était de mixer des démos de skate et des concerts de musique. Finalement, le festival s’est déroulé à Biarritz. Une fois sur place, on s’est retrouvé dans un gros événement avec des groupes qui étaient connus à l‘époque comme America. Côté skate, il n’y avait pas de rampe. On faisait des démos axées sur le freestyle avec José de Matos, Jean-Paul Alavoine, etc.
Racontes-nous cette histoire selon laquelle tu aurais fait passer V7, José et PAS à l’émission de Jacques Martin “Dimanche Martin“ ?
Il s’agissait de lancer “Cap Song“ et l’organisateur avait trouvé un moyen de promouvoir cet évènement à cette occasion.
Comment ça s’est passé ? Qui connaissais-tu pour y entrer ?
Comme la plupart des démos que l’on te proposait, tu n’avais pas grand-chose à faire sinon amener des skaters sur le plateau.
Pendant cette période, où nous représentions la Fédération “dissidente” avec Nico et Dr Skate, les occasions ne manquaient pas !
Dans un autre domaine, nous avions reçu une demande d’étude pour un park en Australie par exemple. Un autre jour, arrivait un colis d’une nouvelle planche norvégienne. Le paquet était tellement léger que l’on croyait à une plaisanterie ! À l’ouverture, il n’y avait pas une, mais deux planches de la marque “Utopia”. Elles étaient fabriquées en mousse sur une armature en bois. Hallucinant ! Elles n’ont pas résisté longtemps…
Et Bercy, peux-tu nous raconter l’épisode du Méga Free ?
Après le deuxième camp de Bourges en 1986, les skaters de Bourges ont été sollicités pour construire une rampe à Bercy ! De la folie !
À cette époque, un mag qui s’appelait “Freestyle Mag” si je me souviens bien, nous a demandé de faire quelques photos. Je rencontre Olivier Fontana, dit “Mégaton“, qui cherchait quelqu’un pour faire un article autour des relations entre le milieu skate et celui des graffitis, le sien. Il commençait à être assez connu à ce niveau sur Paris. Nous avons fait quelques photos avec Jean-Luc Sahnes sur le toit d’un immeuble et dans la foulée, je lui ai proposé d’intervenir pendant le “Méga Free“ à Bercy. Sa performance de peinture a été totalement intégré à l’événement. Le “Méga Free“ a eu un gros impact médiatiquement. Ça a été retransmit sur FR3, Pierre-André était revenu des États-Unis pour faire une grosse démo de free… Tous les Américains étaient là. Paris a été la capitale du skate pendant ce week-end.
Je peux de te dire que les mecs de Bourges ont vraiment fait un travail de titan sur ce coup ! On n’en a pas forcément conscience en voyant la rampe montée, mais le boulot que ça demande derrière est énorme. Ils n’ont pas beaucoup dormi pendant le montage…
Tu as d’autres plans de ce genre avec “Mégaton“ ?
Oui. Olivier m’a proposé d’aller avec lui à Genève dans un festival qui s’appelait “Hot Point Festival“. Là encore, l’événement tournait autour de performances de graffiti associées à des démonstrations de skate. Il y avait également des concerts le soir. Les deux marchaient très bien ensemble. Jean-Luc Sahnes était parti avec nous. Le midi, on arrivait à côtoyer les musiciens comme Willy Deville et la chanteuse, Siouxie. Très forts ces suisses !
Vous vous faîtes du fric là-dessus ?
Un peu. Pour Olivier, les choses ont vraiment commencé à s’accélérer à partir de là. Il a commencé à travailler avec Jean-Baptiste Mondino, Luc Besson. Il était dans d’autres sphères… Et je viens de lire qu’il est aujourd’hui, un des réalisateurs français à avoir fait le plus d’entrée au box-office avec “Taken 2“ ! Sans parler des autres succès d'“Exit“, “Colombiana“, “Transporteur 3“ !
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