Christian Bastien :
interview exclusive 2012


CONTINUED FROM PART 2


Fanzines/Docteur Skate

Comment est né la lettre d’information “Skate infos“ ?
Mon histoire avec les fanzines commence avec ce bulletin de la fédération dissidente FFSB, “Skate Info“, que l’on éditait avec Robert Mérilhou, le fameux “Docteur skate”. Je faisais des photocopies au boulot de ce bulletin et d’un autre côté, je photocopiais un fanzine qui était plus délire, avec les potes des “Mazo Rats“.

Tu as bien connu “Docteur skate” ?
Autant qu’on peut connaître quelqu’un d’aussi complexe ! Il était à la fois psychiatre, psychanalyste, prêtre, docteur… Il était aussi dans une association de Brésiliens à Paris. Je ne sais même pas tout ce qu’il faisait !

Comment s’était-il engagé dans le skate ?
Il a pris le virus du skate grâce à José de Matos. Ça a été le déclencheur pour lui. Sa vie était passionnante, il avait ce rôle de vieux plein de sagesse qui a toujours quelque chose à t’apprendre, un conseil à te donner. À sa mort, on a vraiment été très tristes.

Le fait qu’une personne comme lui s’intéresse au skate, y porte une telle attention et intérêt, c’est quand même assez improbable…
Oui. Il nous a défendu quelles que soient nos difficultés. Dans son église, il connaissait beaucoup de personnes et parfois, il faisait jouer ses relations pour nous aider. Je me souviens d’une anecdote. On devait organiser une compète au Troca. Ce que peu de gens savent, c’est que le Troca est divisé en deux parties, chacune dans un arrondissement différent, le 8e et le 16e ! Les deux allées ne dépendent pas de la même mairie. On a eu l’autorisation d’une seule, pour la descente et il nous a aussi fallu obtenir celle qui nous permettait de remonter de l’autre côté… Il nous avait aidé pour ce coup-là !

Il se déplaçait avec vous sur les compétitions ?
Sur des événements qu’on organisait, il passait parfois nous voir. Bon, après, il n’allait pas à Münster ! (Rires)

De quoi parliez-vous en dehors du skate ?
De la vie ! C’était un confident. Sans aller jusqu’à la psychanalyse, il était à l’écoute de chacun de nous et de ses problèmes. Il donnait de bons conseils. C’est probablement Pierre-André et José qui ont été les plus proches de lui.
De mon côté, quelqu’un a été très important dans ma vie et m’a beaucoup appris, il s’agit de Gérard Riou. Il a eu une vie assez incroyable, président du club de skate “Paris 13” et entraîneur national de tir à l’arc ! C’était un mec complètement dévoué à ce qu’il faisait. C’est parce que j’ai rencontré des gens comme Gérard ou l’équipe du CNS de Douai qui s’engageaient personnellement au service des autres que j'ai été motivé pour entretenir et conserver ce milieu associatif au lieu de skater simplement dans la rue juste, pour moi.

Qu’est-ce que tu reproches aux skaters qui ne sont pas en club ?
Il y a eu une génération qui ne pensait qu’à elle, sans se soucier des autres.
En réaction, j’ai eu envie de m’investir dans la formation vers 1990-91. J’ai intégré le CNS, Comité National Skate, avec des personnes comme Rémy Backés, Rémy Sardat, Thierry Dupin.
On a fait beaucoup de travail sur le terrain pour essayer de transmettre un autre état d’esprit que celui qui gangrenait le milieu. On a essayé de créer un certain état d’esprit Français avec des valeurs qui nous paraissaient perdues. On voulait aussi apporter des réponses à une situation démobilisatrice qui consiste à croire qu’ailleurs, en l’occurrence aux États-Unis, c’est toujours mieux…


Rock 

Grâce en partie aux fanzines des années 80, les skaters été imprégnés d’une culture allait avec le skate, des vêtements à la musique. Es-tu sensible à l’arrivée du skate rock par exemple ?
Tout à fait. Dans “Thrasher” magazine, tu trouvais toujours une page ou deux sur la scène californienne punk rock, hard core ou métal, très proche de la scène skate. Alors que les groupes de punk rock se montaient, on ne ressentait pas forcément cela au même moment en France. J’ai ramené pas mal de vinyles des States que j’écoute encore. Cab a fait plusieurs disques dans le groupe “Faction” mais d'autres également comme Ray Barbee, Adrian Demain, etc.

Tu écoutais du punk en 1977-78 au moment de l’explosion en France ou est-ce par le skate que tu y viens plus tard ?
Bien plus tard pour moi. Sur les camps de Bourges, on n’écoutait pas ce genre de musique, mais plutôt The Cure, Depeche Mode, Midnight Oil, etc. Je me souviens que Kevin nous a fait découvrir le groupe Sisters of Mercy, des amis à lui.

En Allemagne, tu connaissais le groupe de Claus Grabke, “Eight Dayz” ?
Je n’ai pas trop fait attention à ce qu’il jouait…

En France, as-tu connu des groupes dans la mouvance skate rock ? “Canal Sourd“ avec J.-P. Alavoine, F. Michel. Tu les connaissais ?
Non, malheureusement. En revanche, j’avais bien apprécié que les “Truckers” viennent jouer sur la compète de Valenton, au parc de la Plage Bleue.

Penses-tu que ça soit la meilleure musique pour skater ?
Chacun prend la musique qu’il souhaite, mais clairement je préfère celle des groupes des années 80 (Bad Religion, Lagwagon, 7 Seconds, Blag Flag, les Ramones, T.S.O.L., Gang of Four, New Model Army, etc.) que j’écoute encore aujourd’hui et que j’ai la chance de revoir en concert, 30 ans après. Lagawagon, cette année pour ses 30 ans, a sorti un t-shirt sur lequel est imprimé un skateuse ! C’est fort non ?

 

Californie


Tu connais les États-unis pour y être allé combien de fois ?
Je n’y suis allé qu’une fois, à l’occasion de l’Exposition Universelle, “Expo 86”, à Vancouver en Août 1986. Une compétition internationale de skate se déroulait pendant cet évènement.

Qui vous avait contacté ? Une fédération ?
Absolument pas ! C’était une démarche 100% individuelle.On s’est retrouvé à en parler avec J.-M. Vaissette, J.-P. Alavoine, J. de Matos, toujours la même bande, et on a pris la décision d’y aller de notre propre chef. Jean-Marc avait un pote près de Del Mar, un skater Irlandais, qui pouvait nous accueillir sur place. On a saisi cette opportunité pour partir !

Ça t’as fait quelle impression de fouler le sol de la Mecque du skate ?
Je vivais un rêve… Je me suis retrouvé dans des sessions avec Neil Blender et Chris Miller à écouter du punk rock à fond, alors que quelques jours auparavant, j’étais à Paris… C’est une grosse claque !
Je bénis le jour où j’ai acheté une caméra vidéo pour enregistrer des images de skate. Je l’avais prise avec moi pour ce voyage en Amérique. Je l’avais payé 10 000 francs, ce qui était une très grosse somme pour l’époque, mais je ne l’ai pas regretté. Jamais ! (Rires)

Quels skatepark as-tu filmé ?
Del Mar et Upland, les deux monstres sacrés !
 
Racontes-nous Del Mar. Il paraît que la surface des bowls était assez bosselée.
Oui. On ne s’en rendait pas forcément compte sur les photos et les vidéos, mais ce n’était pas facile à rider. En fait, il fallait desserrer les trucks et passer à fond pour pouvoir skater les bowls. Fallait pas se poser de questions, même si tes pieds tremblaient en roulant ! Tous ceux qui ne s’engageaient pas à fond n’arrivaient pas à sortir des airs car tu étais freiné, non seulement par les bosses et la rugosité du béton, mais aussi par certains rayons qui étaient vraiment bizarres.

Le skatepark te semblait un peu à l’abandon ?
Pas vraiment. Il était construit sur un ancien ranch, d’ou le nom “Skate Ranch” et le fer à cheval du logo. Il y avait plein d’animations à côté du skatepark comme du stock-car par exemple. Des haut-parleurs diffusaient de la musique toute la journée.

Comme à la Villette !
Ouais ! Sans les Bee Gees ! (Rires)

Quel skaters as-tu vu à Del Mar ?
Lance Mountain, Chris Miller, John Lucero et pas mal de locaux. Ils s’envolaient au-dessus du coping en béton que je trouvais énorme !
Beaucoup de skaters attendaient la nuit pour se pointer au park. Dans la journée, c’était plus calme à cause de la chaleur. Dans l’obscurité, avec l’éclairage, l’ambiance des sessions devenait encore plus fantastique…

Et Upland, dans quel état était-il ?
Une vraie savonnette ! Les rayons du combi-pool étaient parfaits mais je ne sais pas comment les mecs adhéraient sur le béton…

On voit sur certaines photos, la surface brille !
Oui. Pourtant, j’ai vu Steve Alba lorsque j’y étais et il n’était absolument pas gêné pour rouler à fond et sortir au dessus du coping ! Je ne sais pas comment il faisait !

Tu es arrivé à le grinder ?
Non ! Faut aussi se replacer dans le contexte. On arrivait sur le spots, crevés par les heures de route dans la chaleur de l’été. Et j’étais le seul skater de la bande des Français à vouloir aller dans les skateparks. Eux étaient freestylers ! Et je me retrouvais avec Steve Alba qui était dans son jardin… Donc, au bout de cinq minutes, j’ai sagement posé mon cul par terre, pris ma caméra vidéo et j’ai profité du spectacle ! (Rires)

Alba dit que la réplique du combi-pool à Orange, est beaucoup plus facile à skater que l’original !
Je veux bien le croire… C’est un des trucs les plus impressionnants que j’ai jamais vu !

Et le pipe de Mt Baldy, tu y as emmené les freestylers ?
Non ! Pas de pipe. (Rires)

Comment vous déplacez-vous ?
On avait acheté un van à San Diego. Notre but était de monter de San Diego à Vancouver par la route. On avait plus de 2 000 km à faire pour aller au Nord vers le Canada.

Vous dormiez dans le van ?
Oui, Parfois, on ne trouvait pas de plan douche. Je te laisse imaginer les odeurs au petit matin… (Rires)

Après Del Mar et Upland,  vous ne trouvez plus de skateparks ?
Non. Par contre vers San José, on a fait une compétition à Montrose. J’ai même gagné des trophées ! Je suis arrivé 2e en street dans la catégorie amateur !

Faut que tu ailles aux États-Unis pour faire des podiums !
(Rires) En fait, ils donnaient des récompenses à presque tous les participants ! J’avais rencontré Adrian Demain qui m’encourageait en me disant : « Allez Frenchie ! ». Il se demandait ce qu’on faisait là… L’ambiance était très sympa entre les skaters.
En  chemin, nous nous sommes arrêtés voir les constructeurs comme Madrid, Santa Cruz, Jimmy’Z et Tracker pour leur expliquer notre trip. Je crois que ça les a vraiment impressionnés. Du coup, nous avions rempli le van de matos ! Et pas De Matos ! (Rires)

Tu n’as pas eu l’occasion de skater des pools pendant ce séjour ?
Non, malheureusement. On avait de la route à faire.

Vancouver

En combien de jours faîtes-vous le voyage jusqu’à Vancouver ?-
3-4 jours il me semble.

C’est comment Vancouver par rapport à la Californie ?
Notre arrivée fut assez mouvementée… On roulait dans la nuit, je conduisais le van et tout à coup, j’ai vu des phares dans le rétroviseur. Jean-Marc Vaissette, à côté de moi, me dit : « Arrête, c’est les flics ! ». Comme je parlais anglais moins bien que Jean-Marc, on permute les places et il se met au volant pour parler avec les flics. Eux sont devenus fous ! Ils tapaient sur les vitres en me désignant et en hurlant : « You ! You ! Why did you switch ? ». Ils m’on emmené vers leur bagnole, revolvers pointés sur nous et nous ont demandé de mettre les mains le capot, comme dans les mauvaises séries ! Ils me fouillent. Je faisais semblant de ne pas comprendre. Lorsqu’ils ont vu que je ne cachais rien, ils se sont finalement calmés. Ils nous ont alors dit qu’ils nous avaient arrêtés parce qu’on avait un phare qui ne marchait pas ! Ces enfoirés nous ont bien fait flipper sur le moment…
Après coup, j’ai vraiment l’impression que les flics canadiens avaient eu autant la trouille de nous…

De manière générale, l’Amérique était-elle un modèle pour toi ? Tu n’as jamais eu envie de tenter ta chance là-bas ?
Tenter sa chance aux States, c’est véritablement avoir beaucoup d’audace ! Beaucoup en sont revenus. Ensuite, ça dépend aussi des états. Jean-Noël Felisot (Jeannot), un des mecs qui ridait avec nous les rampes de La Rochelle, s’est installé en Oklahoma et il a fait sa vie sur place. Il se retrouve aujourd’hui avec une ribambelle de nouveaux skateparks autour de chez lui et de bonne qualité !
La Californie, certains de ceux qui y sont restés le doivent à Pierre-André… Lui s’était lancé seul et il fallait vraiment y croire !

Revenons à Vancouver. Un championnat du monde de skateboard lors d’une expo universelle, comment ça se passe ?
Le thème général de l’expo était : “Transportation and Communication : World in Motion-World in Touch”. Dans le pavillon français par exemple, il y avait un TGV !
Côté skate, les organisateurs avaient les Jeux Olympiques comme modèle. Toutes les nations avaient leur tenue particulière…

Et les Français ?
Notre seule tenue était un accessoire : le béret ! On nous surnommait les “french berets” ! (Rires) Des mecs comme John Lucero qui refusaient cette idéologie “cocardière” venaient avec l’Équipe de France ! (Rires)

Quel est ton statut dans l’équipe de France ?
J’étais coach avec “Le jardinier” ! (Rires) Je n’étais pas là pour la compétition.

Quelles étaient les épreuves ?
Du slalom, du free et de la rampe si je me souviens bien…
Le site où se déroulait les épreuves était un énorme hall couvert à certains endroits. Il fallait un pass pour y entrer. Les skaters avaient des badges qu’ils devaient présenter pour qu’on les laisse passer. Bruno Peeters n’avait pas son badge et on lui a refusé l’entrée parce qu'il refusait de le montrer ! Les flics sont venus et il a été réexpédié à l'aéroport pour repartir en Belgique, illico !
À l’intérieur de l’enceinte, ils avaient installé d’énormes gradins, pleins à craquer.

Chez les Américains, qui avaient fait le déplacement ?
Quasiment tous. C. Miller, J. Lucero, T. Hawk, C. Hosoï, S. Cabellero, Craig Johnson et bien d’autres skaters moins connus, mais que j’aime beaucoup : Monty Nolder par exemple. Ou Adrian Demain, Rick Demontrond (Spidey).Ils avaient un niveau de fou !

Chez les Français, aucun n’avait fait le déplacement pour l’épreuve de rampe ?
Non. Ni Bruno Rouland ni Christophe Bétille, les deux meilleurs représentants français. En free par contre, les Français ont cartonné ! Bruno Hardouin et Pierre nous avaient rejoint ainsi que “le Jardinier“ alias Olivier Fontaine.

En slalom aussi puisque José de Matos avait battu Henry Hester, une légende !
Il me semble que ça avait été une formalité pour José.

En rampe, avec Hawk et Hosoï, tu as donc assisté à un de leurs affrontements légendaires !
Oui, ça aussi j’ai eu la chance de le voir et de le filmer. On peut le voir sur dailymotion, à cette adresse : http://www.dailymotion.com/

Vers lequel des deux étais-tu le plus porté ?
Ça dépendait… En compétition, avec le système de jugement, c’est Hawk qui avait logiquement gagné. D’ailleurs, devine qui était directeur des juges sur la compétition ?

Je ne sais pas…
Je te le donne en mille : Le père de Tony, Frank ! Le président de la NSA !

Sainte-Geneviève-des-Bois

Comment s’est monté le projet de faire une rampe à Sainte-Geneviève ?
Sainte-Geneviève est une commune assez riche. Il y a eu un budget pour couler une dalle en béton sur laquelle les gars de Sainte-Geneviève ont construit leur rampe, en bordure du stade. Son avantage a été la proximité avec Paris. Lorsque les pros étaient de passage dans la capitale, on se débrouillait souvent pour les amener là-bas.
Dans les années 80/90, on avait donc la rampe de Sainte-Geneviève et à Paris, celle du 15e avec Marc Duclos et la nôtre dans les 13e.

Est-ce un club qui gérait la rampe ? Fallait être au club pour la skater ?
Oui, bien souvent la municipalité, pour des questions d’assurance plus que pour un souci de popularité, souhaitait que les jeunes soient licenciés.

Une session ordinaire à Sainte-Geneviève ressemblait à quoi ? Vous étiez nombreux ?
Il y avait souvent les locaux. Chaque session apportait son lot de surprises. Je me souviens par exemple d’un skater qui avait installé son camping car à proximité de la rampe !

Il y a peu d’occasions aujourd’hui de réunir plusieurs skaters autour d’une rampe pour de grosses sessions. Qu’est-ce qui était le plus agréable là-dedans ? Le fait de faire monter la pression entre potes ?
Non c’est le fait de rider ensemble. Aujourd’hui, Edif Loutfi et Marc Haziza sont les rares ramp-riders à en faire encore sur Paris. Depuis plus de 10 ans, le roller a pris la place sur la big…
Pour notre club, il ne s’agissait pas d’un problème d’identité, roller/skate mais d’une question de survie. La rampe aurait été abandonnée à Paris XIII s’il n’y avait pas eu ces passages réguliers des rollers.

Quels sont les pros qui sont passés Sainte-Geneviève qui t’ont le plus impressionné ?
Je dirais Hawk, mais je n’étais forcément présent à chaque fois.

Tu te souviens de la mode de l’ellipse, l’article dans Thrasher sur les courbes cycloïdales ? En as-tu skaté ?
Les rampes elliptiques, de mémoire, étaient assez délicates à fabriquer. À Bordeaux, Jim Lalondrelle en avait monté une en indoor. Bruno Rouland a également repris ce concept, mais avec un bon rayon et de la vert.



Le cas PAS

On a beaucoup évoqué ton amitié avec Pierre-André Sénizerges. Quel est le moment où tu as senti qu'il avait quelque chose qui le pousserait plus loin que les autres ?
Je pense qu’il a toujours su qu’il irait faire sa vie là-bas.

As-tu suivi les débuts d’Etnics lorsque la marque a démarré ?
Les débuts d’Etnics ont commencé à Chollet, ville natale de Platoon. Son père travaillait avec les frères Rautureau ceux-là même qui ont eu l’intention de développer une marque de chaussures de sport aux États-Unis. Vous connaissez la suite…

Quel a été le rôle de Platoon (Alain Montigné) dans ce montage ?
À cette époque, Alain était investi dans son club. Vers la fin des années 80, il est monté à Paris pour bosser chez “Hawai Surf”. Je l’ai hébergé quelques mois chez moi. C’était quelqu’un de fondamentalement sympathique qui ne laissait pas entrevoir ses problèmes de santé. De retour à Angers pour des traitements, il a passé quelques jours avec Natas Kaupas, à la Rochelle ou à Chollet.

Gilles Le Bon Delapointe était aussi dans les premiers designers ?
Certainement, comme Frank Boistel de Cholet.

Tu as toujours été en relation avec Pierre-André, depuis qu'il est parti aux États-Unis. Comment as-tu suivi son évolution ?
Je me souviens qu’avec le décalage horaire, mon travail de nuit me permettait de lui téléphoner régulièrement pour lui apporter des news. Maintenant, c’est lui qui paye la com… (Rires)
Il vient de temps en temps à Paris et c’est l’occasion de se trouver dans un resto. C’est cool, rien a changé depuis plus de 25 ans…

A-t-il encore des liens avec la France ?
Ses parents déjà, qui habitent à 500 m de chez moi et ses potes bien sûr !

Sens-tu un glissement culturel chez lui ? Qu’est-ce qu’il a pris de la culture anglo-saxonne ?
Pour faire sa vie aux États-Unis, je pense qu’il faut forcément une accoutumance à la vie américaine. Monter une société comme “Sole technology”, c’est pas un boulot d’expat… Tu en prends pour 20 ans au moins !

Et toi, as-tu jamais travaillé pour le skate ? As-tu eu des offres ou des opportunités ?
J’ai été engagé par la mairie de Paris pour organiser des animations au sein de mon club. Plus tard, l’UCPA nous a proposé d’animer les bases de loisirs



Un engagement

Tu as aussi connu le skate à un niveau fédéral. Après l’épisode de la fédération dissidente dans les années 80, tu t’impliques de nouveau avec la fédération dans les années 90. Quel était ton rôle ?
J’ai intégré le CNS, Comité National Skate, avec des personnes comme Bruno Hardouin Rémy Backés, Rémy Sardat, Thierry Dupin. Emmanuelle Freyssange etait présidente.
Il s’agissait de reprendre de flambeau de ce que surf nous avait laissé, des miettes. Emmauelle par sa ténacité a réussi a montrer qu’un groupe de skaters motivés pouvaient mettre en place un circuit de compets, des initiations ou donner des conseils aux collectivités locales en matière de construction. On voulait aussi apporter des réponses à une situation démobilisatrice qui consiste à croire qu’ailleurs, en l’occurrence aux États-Unis, c’est toujours mieux…
Ce qui me semblait important était aussi l’aspect lié à la formation. Il nous fallait répondre à la demande récurrente de part des institutions, qui nous demandait, en plus des circuits de compétitions, que nous proposions quelque chose pour encadrer les jeunes. J’ai donc essayé de faire quelque chose qui puisse déboucher sur un diplôme et pourquoi pas, un métier. Je me suis battu pour ça. En compagnie de Rémy Sardat, j’ai eu envie de prouver qu’en organisant la discipline avec un calendrier régulier de compétition et une formation sérieuse, on pourrait transmettre quelque chose qui aiderait les skaters à trouver un job ou simplement faire vivre leur club.
Le Ministère de la jeunesse et des sports nous a soutenu à 100 % dans cette démarche.

Comment avez-vous mis ces formations en place ?
On a décidé de mettre en place le premier brevet d’État pour le skate.

C’était à l’intérieur du C. N. S. ?
Oui.

Concrètement, ça consistait en quoi ?
Tout d’abord, j’ai moi-même passé un brevet d’État afin de pouvoir former les skaters. Tous les lundis, j’allais à la DDJS (Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports) avec d’autres sportifs pour passer un tronc commun d’éducateur sportif et pouvoir officiellement mettre en place de brevet fédéral !

Avais-tu des épreuves écrites et sportives ?
Seulement écrites. Ce n’était que théorique. Il fallait aussi le brevet de secouriste.
À partir de cette base, avec Rémy Sardat, nous avons commencé à donner les premiers cours de formation 1er degré, consacrés à l'initiation. On avait un budget assez confortable du Ministère qui nous a permis de tourner dans toute la France en organisant des stages de formation. Les clubs étaient nos interlocuteurs privilégiés. Ils étaient pour la plupart très sensibles à notre démarche.

Prenais-tu ce temps sur tes week-ends ?
Oui, en dehors de la semaine car je travaillais tous les jours.Je me souviens être parti jusqu’à Bordeaux, Montpellier, Brest, Cap-Breton, Bourges, etc. J’ai lâché l’affaire à la naissance de ma fille en 1995. J’étais moins disponible pour ça.  L’équipe qui a repris le programme a été celle du club de Montpellier. Ça a encore bien marché car les municipalités et les clubs étaient très demandeurs.

Combien de moniteurs as-tu formé ?
Une bonne vingtaine par an je pense. Je suis assez fier de ce qu’on a fait pour les skaters car ça a contribué à renforcer leur position par rapport aux institutions. D’ailleurs, je viens d’apprendre que Frank Ballesta avait été nommé l’année dernière DTN (Directeur Technique National) pour le skate. C’est la première fois qu’un mec est payé pour s’occuper du skate à ce niveau. C’est une forme de reconnaissance importante pour la pratique et je pense que c’est un bon point pour l’avenir.

En même temps, le club, la fédé sont des modèles obsolètes pour la plupart des skaters…
Je sais et c’est bien dommage ! S’ils refusent ces modèles, alors je ne veux plus les entendre se plaindre qu’ils n’ont aucune aide des pouvoirs publics. Ça me semble être la seule voie d’une reconnaissance auprès des institutions pour avoir un peu d’argent. Organiser des compétitions, payer des voyages, etc.
Des clubs s’en sortent très bien et ont obtenus en plusieurs années la création d’un park couvert, une subvention pour l’animation et pas seulement en région parisienne. Le club de Plougastel est un bon exemple.

Mais le skate est aussi vécu comme un moyen pour sortir de ce système !
Oui, les skaters veulent toujours développer un certain anticonformisme. Mais refuser de se structurer les met en situation d’attendre qu’un éventuel sponsor ou que la municipalité te ponde un équipement qui sera souvent médiocre car les skaters ne se seront pas investis…

Un streeter aura toujours la ville pour s’exprimer et il ne sera pas forcément sensible à ce type d’arguments.
C’est vrai, mais je suis optimiste avec le mouvement qui apparaît dans lequel des skaters se prennent en main pour construire leurs spots en béton. C’est génial de voir comment ils perpétuent l’esprit des années 80, lorsqu‘on construisait nos rampes. L’avenir c’est eux !

C’est une des choses qui fait que le skate se régénère et reste toujours intéressant à voir évoluer…
Ça, et la FOSSJ ! (Rires)

Gaité Lyrique et Musée du sport

Tu as vu d’assez près deux expositions “Public Domaine” et “Béton Hurlant” qui viennent de se tenir sur le skate dans des institutions françaises. Quelles étaient les différences pour toi  ?
Ce sont deux expos remarquables que l'on ne sera pas près d'oublier, vu le travail accompli. “Public Domaine” à la Gaité Lyrique était une vitrine du développement culturel et artistique de ce sport alors que “Béton Hurlant” était un musée du sport et on y voyait le skate avec toute sa richesse d'objets d'époque. Tu te retrouvais plongé 30 ans en arrière comme des flash-backs et une impression d'être passé à côté de plein d’événements des années 70. Cette expo a très bien marché, ils tournaient à plus de 1000 entrées par mois !

As-tu suivi le montage de la skate-house de Gil Le Bon De Lapointe à la Gaité ?
Pas du tout, c'est un projet de longue date qu'avait Pierre-André en tête.

As-tu donné des choses de ta collection au CNRS ?
Oui, j’ai passé des planches de slalom qui ont servi durant plusieurs années pour les expositions itinérantes du Musée.

Comment as-tu collaboré à l’exposition “Béton Hurlant” ?
Simplement par l'apport de matos.

Pour finir, racontes-nous la dernière fois que tu es monté sur ta planche ?
Pas plus tard qu'hier ! J'ai la chance d'avoir une mini avec spine, en bas de chez moi. J'y vais en longboard. C'est cool car elle est située au milieu d'un parc, Petit-Le-Roy à Chevilly-Larue. Et la big est à 20 minutes…

Quels tricks n’arrives-tu plus à faire ?
Peut être les ollies.

Quel est celui que tu regrettes le plus ?
Tous ceux qui demandent de la vitesse et de la vert. Par manque d'entraînement et de souffle probablement. Mais rien ne se perd contrairement à la musique. Une fois que ta figure est bien rentrée et que tu en as bavé pour cela, elle reste “intacte” pendant quelques années…

 

Propos recueillis par Claude Queyrel, novembre 2012.

(Toute reproduction, même partielle, est interdite sauf autorisation)

 
“Fishman, Eats 'em All!”, dessin (fin des années 80).
“Mazo Rats Skate'Zine”, 1984.
 
Neil Blender, session nocturne à Del Mar Skate Ranch, 1986.
Expo'86, Vancouver, 1986.
Entrée du pavillon France, Expo'86, Vancouver, 1986.
Le TGV du pavillon France, Expo'86, Vancouver, 1986.
 
C. Bastien, J.-M. Vaissette, “Le Jardinier”, P.-A. Sénizergues, Vancouver, 1986.
C. Bastien et l'équipe de France sur la plage, Vancouver, 1986.
J.-M. Vaissette, “Le Jardinier”, J.-P. Alavoine, C. Bastien et P.-A. Sénizergues au Mac Do, Vancouver, 1986.
“Transworld Skateboarding”, couverture sur Vancouver, février 1987.
“Surface Magazine” n°4, 1986.
Tony Hawk à Sainte-Geneviève-des-Bois (milieu des années 80).
Bruno Rouland et Moumoun à Sainte-Geneviève-des-Bois (milieu des années 80).
Sur la plateforme de Sainte-Geneviève-des-Bois (milieu des années 80).
La rampe de Maison-Alfort (fin années 80).
La rampe de Cap Breton (fin années 80).

Christian Bastien, Villiers sur Marne (fin années 80).
(Photo : Dan Bourqui)

Christian Bastien, Backside air, Paris XV stade Suzane Lenglen, 1995.
Christian Bastien, invert (années 90).
Christian Bastien en train d'animer un stage de formation Porte d'Ivry, 1993.
Christian Bastien, la Roche-sur-Yon, French Old School Skate Jam, 2010.
(photo : Fred Ferand)
T. Dupin, C. Bastien, J. Boisgontier et J. de Matos, inauguration de l'exposition “Béton Hurlant”, 2011.
 
 
 
 

 

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