Christian Bastien :
interview exclusive 2012

Introduction

Pour évoquer Fishman, revenons en 1985 : le skate sortait d'une longue période pendant laquelle il n'avait eu aucune existence officielle et il commençait à refaire surface aux Etats-Unis. En France, c'était toujours le désert. Il y avait bien les De Matos et Sénizergues qui continuaient à courir les compétitions ici et là, mais où donc étaient passés ceux qui faisaient de la vert ? Aussi connus que des champions de billes ou de tir aux fléchettes…

Je commençais à me décourager quand un prospectus vantant les mérites du premier "Berrichon skate camp" me remit dans le bain. À coté du numéro de téléphone indiqué pour trouver des renseignements se trouvait le nom de Christian Bastien, qui avec ses deux ans de plus que moi et sa jambe cassée, faisait déjà figure de grand ancien.

Ce fut mon premier contact avec ceux qui étaient actifs sur la scène de l'époque, avant le prochain crash cinq ans plus tard. Entre-temps, il a eu le temps de se promener avec sa board et sa caméra vidéo dans les contests, au Pétro-ramp contest en 86, aux championnats du monde de Vancouver en 86, aux championnats de France FFSB (et non FFSS) à Bourges en 87, dans les méga-daubes de Bercy et bien sûr dans bien des sessions, concerts, fiestas et réunions de moustachus FFSS…

Bref, le grand Christian est un des authentiques chaînons manquants entre les années 70 et aujourd'hui. Et quand on le revoit à la French Old School Skate Jam, on sait qu'on va rigoler, car même s'il a tout connu du skate en France et à Paris en particulier, il n'est pas tombé dans l'aigreur ou le cynisme qui font tant de dégâts aujourd'hui.
Fishman, you rule !

Jean “Bad Prof” Terrisse

 

Détours

On commence par la naissance…
Trois chiffres : 29, 11 et 1960 !

Où es-tu né ?
À Paris, dans le 17e arrondissement, de père vosgien et de mère auvergnate.

Où habitiez-vous ?
Jusqu’a l’âge de 5 ans à la campagne en Seine et Marne à Changis (le village où on a découvert un Mammouth !). Puis à Paris dans le 8e arrondissement, à côté de la gare Saint-Lazare et 2 ans dans le 19e arrondissement.

Tu viens d’une famille plutôt aisée ?
Non, je ne crois pas.

Que font tes parents ?
Ma mère était institutrice et mon père, commis d’agent de change à la Bourse de Paris

Tu passes ton enfance à la campagne ?
En fait, c’est ma grand-mère qui m’a élevé en Seine et Marne. J’ai grandi au milieu des volailles ! J’étais dans une ferme avec une grange, un tracteur et des animaux. J’ai même fait un peu d’apiculture !

Tu étais scolarisé ?
Non, c’est ma grand-mère qui m’a élevé comme beaucoup d’enfants au début des années 60 et donc je ne suis pas allé à l’école maternelle. C’est au moment d’entrer à l’école élémentaire vers 1966 que je reviens à Paris.

Faut se refaire des copains !
Oui, je repars à zéro.

Quels étaient les jeux des enfants du quartier ? Je suppose que tu n’avais pas souvent l’occasion de te prendre pour Tarzan ?
Non, mais maintenant que tu le dis, dans une chambre au 5e étage, ça reste tout à fait possible ! (Rires)
Dans le quartier de centre-ville,où j'ai grandi, il y a une grosse activité dans la journée, surtout autour de la gare St Lazare. Par contre le week-end, la ville se vide et devient presque déserte. Je sortais surtout pour me balader sur les grands boulevards haussmanniens… Donc de très larges trottoirs, idéal pour commencer à rider !

Allais-tu jouer dans des parcs publics ?
Non, autour de chez moi, les parcs se résumaient souvent à quelques bacs à sable ! (Rires)
Mais j’ai eu la chance d’être en contact avec la nature car nous avions toujours une maison à la campagne, en Seine et Marne. Lorsqu’il faisait beau, on allait y passer des week-ends, en bord de Marne. Je pêchais, je me baladais, je coupais de l’herbe, etc. C’était très paisible.

Est-ce que tu te sentais appartenir à un quartier ? Ça représentait quelque chose pour toi ?
Non, ce n’est sûrement pas la même chose qu’en province. Ma vie tournait principalement autour des squares et des virées dans les grands magasins. Je regardais les nouveautés dans les vitrines, la mode était bien trop chère pour nous… Pas loin de chez moi, vivait Françoise Hardy ! On la voyait arriver dans sa Rolls Royce et entrer chez elle. Mais ce n’était pas une fille à se balader dans la rue.
À proximité, il y avait aussi une caserne de militaires et eux, on pouvait les voir dans la rue, mais à part les copains de classe ça reste très difficile de se faire des amis dans ces quartiers

Ça te plaît l’école ?
J’ai aimé jusqu’au collège, j’étais même assez bon. Au lycée, je me suis maintenu dans la moyenne. Je n’ai jamais été en tête de classe.
 
Quel personnage de fiction te fait rêver, enfant ?
Les super héros !

Est-ce qu'un personnage réel te fascinait ?
Difficile à répondre. En fait, je suis plus fasciné par les gens qui m’entourent que ceux que je découvre à la télé, dans les journaux ou dans d'autres médias.

Local à la Villette

Est-ce qu’un sport a une place dans ta vie avant le skate ?
Sans plus. J’ai pratiqué un peu tous les sports scolaires, le judo et le karaté. Enfant dans les années 60, j’ai le souvenir d’avoir vu un des premiers skates avec des roues en argile. Une planche bricolée avec des bases de patin à roulettes, mais je n’avais pas eu envie d’en faire pour autant.

À quel moment t’y intéresses-tu ?
Mon premier vrai contact avec un skate a lieu beaucoup plus tard, en 1978.
C’est intimement lié à des événements et des épreuves personnelles que j’ai traversés. En effet, j’ai dû faire face à la perte de mes parents, ma mère en 5e et mon père quelques années plus tard, avant le Bac. Ce furent des épreuves assez traumatisantes et je suis venu habiter chez ma sœur qui vivait dans le 19e, Porte des Lilas, tout près du skatepark de la Villette qui venait d’ouvrir.
Le premier contact avec un skate fut un cadeau d‘anniversaire de ma sœur, une planche jaune en plastique. Mais sur le coup, l’objet ne m’a pas passionné. C’était un de ces jouets “Made in Taïwan” assez merdique. Le seul attrait était ses roues en uréthane rouge qui donnaient envie de les croquer ! (Rires)

Tu en faisais où ?
Un peu dans les sous-sols de parking, quelques descentes dans les rue du 19e. On ne pouvait pas faire grand chose avec ce matériel, mais c’était un moyen de m’évader de la réalité, assez pratique… Après les épreuves personnelles que j’avais encaissées, le skate a été ma première vraie bouffée d’oxygène.

Tu as 18 ans en 1978. Si l’on regarde la manière dont le skate était présenté à cette époque, on a souvent l’impression que c’est un jouet.
Sentais-tu un décalage par rapport à ton âge ?
Bien sûr. J’étais déjà plus âgé que la moyenne de ceux qui en faisait à ce moment-là ! Je n’ai pas connu le début de la vague du skate des années 70, les pionniers comme Thierry Dupin, José De Matos, je les ai rencontrés plus tard. Le déclencheur a vraiment été la proximité de mon lieu d’habitation avec le skatepark de la Villette. Il était construit au pied des abattoirs désaffectés et c’était, je crois, le plus grand d’Europe en superficie !

Tu vas à la Villette avec ta planche en plastique ?
Non, elle est rapidement passée sous les roues d’une bagnole qui ne s’est même pas arrêtée ! (Rires) Ça l’a détruite ! Je n’ai rien dit à ma sœur et avec l’argent que j’avais de côté, je suis allé m’acheter une Santa Cruz. Je l’ai toujours d’ailleurs et c’est avec cette planche que j’allais à la Villette.

T’avais cassé ta tirelire par rapport au prix d’une planche en plastique !
Oui, et en plus je l’avais monté avec des Road Rider. Comme truck, j’avais acheté des Blackwing, qui étaient une imitation des fameux Gullwing !

Où l’avais-tu acheté ?
À la FNAC de RéaumurSébastopol qui avait un rayon skate à cette époque.

Tes amis réguliers faisaient-ils du skate avec toi ?
Non. Dans mon cercle d’amis, j’étais le seul à en faire. Il n’y avait pas “facebook” à l’époque et avant de fréquenter la Villette, je skatais seul. Tout a changé lorsque j’ai mis les pieds à la Villette. Il y a un avant et un après.
À partir ce moment-là, j’ai été immergé dans un monde nouveau que je trouvais idyllique. C’est le plus grand terrain de jeu que j’ai jamais connu.
Dès l’entrée, on était littéralement pris dans une ambiance particulière avec la musique qui sortait des haut-parleurs. Le matin, ça commençait en douceur par les Bee Gees ! Toujours la même K7 ! (Rires) J’ai des souvenirs vraiment fantastiques de lever de soleil sur ces grandes surfaces de béton… C’était irréel.

Fréquentes-tu aussi Béton Hurlant ?
Non. Je n’en avais rien à faire ! (Rires) J’avais la Villette à côté de chez moi et je n’avais pas envie d’autre chose. J’ai fini par y aller un jour, mais c’était juste avant la fermeture définitive…

Quelle était ta partie préférée du park à la Villette ?
L’espace était divisé en plusieurs parties distinctes et autonomes avec une signalisation sur des panneaux et les zones numérotés. Sur un grand panneau, il était écrit : “Aire expérimentale de planches à roulettes“.  Il y avait la “fosse”, le “snake”, le “slalom-descente“ et la zone “figures libres“.
Mes parties préférées étaient le grand bowl qui s’appelait la “fosse“ et surtout le grand snake. C’était le pied total, je prenais beaucoup de vitesse et en sortie je m’envolais en dehors du bowl.

Tu atterrissais sur la terre ou le béton ?
Sur la terre. Chacun essayait d’aller le plus loin possible en rouant sur les cailloux ! (Rires)

Tu ne fais pas de skate dans ton quartier ? Il a quand même pas mal de descentes dans le 19e ?
Tout à fait surtout sur les boulevards des Maréchaux où je me suis pris quelques bonnes tôles sur les trottoirs, à voir des étoiles devant les yeux, et ça m’a bien calmé… Non, je préférais définitivement skater en park, à la Villette.

Te servais-tu du skate comme moyen de locomotion ? Pour aller au lycée par exemple ?
Pas du tout. J’allais au lycée en mob. Je ne mélangeais pas les deux… Je faisais du skate le week-end, quelques soirs dans la semaine, mais assez rarement.

C’est étonnant. Tu es peut-être le premier skater que je rencontre qui n’a pas de spot dans son quartier. C’est comme si tu avais sauté une case…
Je sais ! (Rires)

Et les Buttes Chaumont ? Ce n’était pas très loin de chez toi ?
Effectivement, j’y suis un peu allé mais j’en ai très vite fait le tour. Ce n’était qu’une longue descente. En plus, c’était très fréquenté, le week-end, c’était surpeuplé.

Le skate était-il toléré par les gardiens ?
Oui. Je n’ai jamais eu, ni même vu de problème de ce côté-là. L’ambiance était tranquille dans cet environnement assez verdoyant…

Le Troca, n’est donc pas un point de ralliement pour toi ?
Non. J’y vais par la suite, dans les années 80, mais pas à la fin des années 70. Le grand boum du Troca était déjà passé.

Connais-tu les vedettes de cette époque : J. de Matos, A. Lepesteur, T. Dupin, les frères Almuzara, etc ?
Oui. Mais, surtout par les mags et quelques démos que j’ai vues. Comme beaucoup, celui qui m’impressionnait le plus était Alexis Lepesteur. J’avais également vu José en slalom et d’autres comme Xavier Lannes, Pascal Declerc dit “La chèvre” mais ils ne m’impressionnaient moins qu’Alexis sur les rampes. Il montait toujours plus haut que les autres !

Tu changes de planche lorsque tu ne skates plus que les courbes de La Villette ?
J’investis dans une planche plus large, la Benjyboard. C’était une marque anglaise qui produisait de superbes planches, de la véritable marqueterie. Leur seul défaut était leur poids, elles étaient beaucoup plus lourdes que les autres mais qu’est-ce qu’elles étaient belles ! (Rires)

Elles étaient assez chères non ?
Je m’en fichais, c’est leur beauté qui m’avait fait craqué !

As-tu assisté à la démo du team “Benjyboard” lorsqu’il était venu à la Villette ?
Non. Mais j’avais entendu parler de Marc Sinclair ou Jeremy Henderson.

Avais-tu acheté cette planche à la boutique du skatepark de la Villette ?
Non. Je n’y allais pas. Je préférais la FNAC, mais je fréquentais aussi un peu “Off Road” et plus tard “Skateboarder’s House“, le shop d’Éric Gros. Tout le monde trouvait ses produits chers, mais il faut dire qu’il importait des trucs qu’on ne trouvait pas ailleurs. À moins d’avoir un pote qui allait en Angleterre à Crystal Palace, c’était le prix à payer si tu voulais avoir du bon matos en France.
 
Tu adhères à un club au moment de la Villette ?
Non, pas à ce moment-là. Le seul club auquel j’ai adhéré plus tard, fut celui de l’APSAP de Gérard Riou. C’était au début des années 80, à un moment où le skate était tombé en désuétude. Plus tard, ce club s’est appelé “Paris 13 sur roulettes” ! C’est dans ce même club que je rencontrerai Pierre-André Sénizergues ou José par la suite. Il fallait en vouloir pour skater sur un genre d’enrobé ! On installait à chaque session les modules dans le stade et on les rentrait le soir : un gymnase n’est pas un skatepark, tout devait être modulable.

Dans les années 70, le skate se décline en plusieurs disciplines, tu essayes des trucs ?
Non. Le slalom par exemple, il fallait une board spéciale et je n’en avais pas. Mon engagement dans le skate est lié à la courbe. Si je n’y avais pas goûté, il est à parier que je n’aurais pas continué…

Qui était le meilleur skater à la Villette ?
Rémy Walter y passait pas mal de temps, donc il avait un bon niveau. Philippe Deschamps n’était pas mauvais non plus. Mais les meilleurs étaient encore les skaters du team “Free Former” qui étaient sur place. Dans la fosse, cette partie half-pipe en descente qui se terminait en bowl de 5 mètres de haut et 1 mètre de verticale, ils faisaient des edges sur les bords évasés, les premiers airs… Faut rappeler qu’il n’y avait pas de coping à la Villette ! On roulait sur l’arête arrondie et on replongeait dans la courbe. Ce sont des sensations que l’on ne peut plus retrouver sur les skateparks d’aujourd’hui…

Comment as-tu vécu la fin de la Villette ? Je suppose que ça a dû être terrible pour toi ?
C’était vraiment triste. Ceci dit, même fermé, on a continué à aller y skater en passant à travers le grillage ! J’y allais avec Philippe Guillou dit “Le traître“ et “Connors“. Il y avait des vélomoteurs qui roulaient dans le park et moi-même, j’avais essayé d’en faire avec mon 103 SP ! J’ai fait le snake à fond en sautant au bout et je suis revenu chez moi avec une fourche pliée en deux ! (Rires) Un gros délire ! C’était une sorte de terrain vague où chacun venait faire des conneries…

L’ambiance était-elle craignos parfois ?
Je n’ai pas de souvenirs d’une grosse embrouille. Quelques dealers, mais je n’ai jamais été agressé là-bas.



Le Jardin d’Acclimatation

As-tu connu les bassins de la Tour Eiffel vides à la fin des années 70 ?
Non. J’y suis allé dans les années 80 mais pas avant. Ceci dit, lorsqu’on parle des bassins, on pense toujours à ceux de la tour Eiffel, mais il y a aussi ceux du Trocadéro, beaucoup plus raides, qui peuvent être intéressants pour un streeter.
D’ailleurs, Paris possède pas mal de fontaines dont l’eau est coupé l’hiver. Celle de la Concorde par exemple, a un fond arrondi et je suis sûr qu’il existe encore pas mal de fontaines à découvrir lorsqu’on coupe l’eau à cause du gel…

À quel moment découvres-tu la piste du Jardin d’acclimatation ?
Vers 1979. Après avoir passé mon Bac, j’étais encore sur Paris. Je m’étais inscrit en “Pharma” et c’est à cette époque que j’ai commencé à y aller avec la bande avec laquelle je skatais la Villette : “Connors”, “Le Traître”, etc. Tous ces potes qui vont former la bande des “Mazo Rats” !

Qui était dans cette bande ?
C'était une mini bande que j'avais rencontré pour certains à la Villette, mais pas seulement. Il y avait Luc Barbier dit “Thrash Luc”, le “Traître”, “Connors”, “Daniel”, “Bens”, “Alva”, “Zébron”, “Chocorève”. “PAS” passait aussi de en temps en temps avec Gratton. La plupart venaient de Béton Hurlant.
Nous avions contacté Powell-Peralta et nous avions obtenu la fabrication d'une carte du team “Mazo Rats“. Nous étions rentrés dans la Bones Brigade division ! (Rires)

D’où vient le nom “Mazo Rats” ?
Je crois que c’est François Séjourné, dit “Zébron” qui l’avait trouvé. Il disait toujours : « T’es maso, tu vas te faire mal ! ». (Rires)

Comment arrivent tous vos surnoms ? “Le Traître”, “Connors”, “Daniel”, “Ben”, “Alva”, “Zébron”, “Chocorève”, etc ?
Je ne pourrais pas te dire, c’est une création collective…

Revenons au Jardin d’Acclimatation, l’entrée était-elle toujours payante lorsque vous y alliez ?
Oui. Mais nous entrions par ce qu’on appelait “l’arbre à skate”. On escaladait l’arbre et on sautait de l’autre côté du grillage ! (Rires)
Le skatepark était une des nombreuses activités du parc du Jardin d’acclimatation. Il y avait un bowling, des manèges de fête foraine, des balades à dos de chameaux, une ferme avec des animaux, etc. On skatait au milieu des odeurs des bêtes ! Ça puait parfois ! Le dromadaire venait nous voir toutes les 5 minutes… Il y avait des des chèvres, des poules… C’était assez folklorique de skater là-bas ! (Rires)

Tu côtoyait d’autres skaters que les “Mazo Rats” sur ce spot ?
Non, je n’ai pas le souvenir d’avoir croisé beaucoup d’autres skaters…

Et des rollers ? Des vélos ?
Oui, il y avait pas mal de patineurs.

Quel était le lien avec la marque Rollet dont on voyait le logo peint sur les parois ?
Je pense que Rollet avait dû financer une partie du park.

Jusqu’à quand reste t-il skatable ? Quand a-t-il été détruit ?
Je ne sais pas quand il a été détruit mais on y a skaté durant quasiment toutes années 80. Une fois qu’il a été construit, ça devait être plus coûteux de le détruire que de le maintenir en activité, même s’il n’y avait plus beaucoup de monde.

Peux-tu essayer de nous décrire le spot ?
Il y avait une sorte de vague finissant par une partie verticale de 10 cm et un half-pipe avec une forme assez évasée, sans plat. Il était si évasé qu’on ne pouvait pas le dropper. Un truc de malade…

Était-il haut ?
Un rayon de 2 mètres avec 1 mètre de verticale à peu près.
On y a emmené Mc Gill après la compète de Rouen en 84. On avait profité de sa venue à Paris pour lui montrer ce spot !

Il avait rigolé ?
Tu parles, ce n’était pas un spot de Californie ou de Floride ! On l’avait fait passer par le grillage et il avait halluciné !

C’est un des rares spot en béton, rescapés des années 70 qu’il restait…
Oui, avec Orly et Villepinte où il y avait une belle courbe de 2,5 à 3 mètres de haut, avec de la vert.

Quelles figures rentrais-tu au Jardin d’Acclimatation ?
Pour faire quelque chose, il fallait prendre la vague de béton en biais pour monter dans la partie verticale. Elle était même un peu en over-vert. On pouvait faire des airs, mais la courbe en over-vert nous ramenait au milieu et on replaquait directement sur le plat !
On faisait pas mal de rock’n’roll slides. Les premiers qu’on a rentrés ont été un événement ! Des lay backs, lay back roll out, 50-50, etc.

Tu y apprend aussi les inverts ?
Oui !

C’est ta figure préférée, non ?
Tout à fait !

Qui était ton modèle pour les inverts ? As-tu passé des heures sur les photos des inverts de Bobby Valdez ?
Oui, ça a été un de mes modèles, il était tout petit lui !
Après, des skaters comme Andrecht ont beaucoup perfectionné le trick en introduisant toutes sortes de variations. Mais celui qui m’a le plus impressionné reste Eddie Elguera ! Il avait de très bonnes planches d’ailleurs.

Professionnellement, que fais-tu après ton Bac ?
Je passe un Bac D à Turgot dans le 3e et je fais une année de prépa “Véto” que j’ai raté.

Parce que tu skatais trop ?
Non ! (Rires) Je n’étais pas trop mauvais en sciences, mais dans d’autres matières comme le français, je n’avais pas le niveau… J’ai fait un cycle d’apprentissage, une première année en “Pharma” puis il a fallu que je trouve rapidement un boulot vu ma situation familiale. J’ai réussi le concours des techniciens des services vétérinaires et je suis parti faire mes études à Lyon pendant 2 ans.

Tu prends un skate dans tes bagages ?
Non, je n’y pense même pas… J’y vais pour bosser et je ne connaissais pas de rampe là-bas.

La perte de tes parents t’as obligé à te responsabiliser assez tôt.
Oui, je n’avais pas le choix. Dans ce contexte un peu difficile, le skate a eu un effet bénéfique car il m’a permis de m’évader de mes soucis et de rencontrer pleins de gens.

La bande des “Mazo Rats” a été importante à ce moment-là ?
Bien sûr. Ça a été une bouffée d’air frais pour moi.

La première rampe


J’ai le sentiment à t’écouter que tu es aussi un des rares skaters à ne pas avoir souffert du crash de la fin des années 70…
C’est vrai. Au début des années 80, je skate encore à fond ! J’ai continué à en faire à mon niveau, en amateur. Je pense que ça a été plus difficile pour ceux qui faisaient des compétitions. Moi, je n’étais pas là-dedans, donc je n’ai pas vraiment ressenti d’arrêt… J’ai simplement découvert d’autres facettes.

Il ne restait quand même qu’une poignée de pratiquants.
Oui, mais super motivés ! Je me souviens du déclic lors de la découverte de la rampe de La Rochelle en 1983. J’ai découvert autour de Patrick Bernard,  Christophe Bétille, Bulto, Fred Chevallier, Jean-Paul Martin, Jean-Marie Pillon, etc… Des mecs qui étaient à fond, qui se prenaient en charge pour construire quelque chose. Ça a été un formidable déclencheur pour le milieu français. Ils ont été les pionniers avec le “New Board Club de La Rochelle”.

C’est la première rampe de l’ère moderne en France.
Tout à fait. Ils ont repris le plan de la fameuse rampe “Hollywood“ et ont intégré pour la première fois, du plat entre les courbes. C’est ce geste qui a tout bouleversé par rapport au modèle des années 70. Et c’est à partir de ce genre d’initiative que d’autres skaters se sont appuyés pour lancer la construction de nouveaux équipements. Un tel phénomène ne s’était pas vu depuis la disparition des principaux skateparks de la première vague.
Cette rampe avait 20 à 30 cm de vert et le plat faisait dans les 4 mètres.

Comment rencontres-tu cette scène à La Rochelle  ?
J’avais fait connaissance avec Patrick Bernard et toute l’équipe quelques années avant à la Roche-sur-Yon où j’étais en stage d’inspection vétérinaire à la marée des sables d’Olonne. Le contact s’est fait par Pierre-André qui m’en parlait souvent. Il était toujours à l’affût des nouveautés. Il n’y pas très longtemps, j’ai revu mes premières vidéos en ligne et on y voit Jean-Marie Pillon, Bruno Hardouin, Pierre-André, Christophe Bétille, Patrick Bernard, etc. Pour moi, Patrick est le personnage le plus important dans cette aventure. C’est le créateur de la bande avec Jean-Paul Martin qui s’occupera plus tard de Vision France.
Ils ont créé une véritable bouffée d’oxygène dans le paysage. Le terrain était défriché pour la création de nouvelles rampes comme celle des Cavernéous Contests de Bourges, à venir…
Plus tard, les gars de La Rochelle ont même monté une rampe démontable qu’ils transportaient. Ils gagnaient un peu de fric avec les démos en l’installant là où on les contactait. Ça devait aider à payer quelques plaques de contre-plaqué…

La rampe était sur une remorque ?
Il me semble. J’ai le souvenir d’une structure assez élaborée et très lourde.

CONTINUES ON PART 2

 
Christian Bastien dit "Fishman”, 2012 .
Plan de masse du skatepark “La Villette“, Michel Londinsky architecte,1977.
Skatepark de “La Villette“ en construction, hiver 1977-78.
Panneau, 1978.
Extrait d'un film Super 8 de Hermann, 1978-79. (Remerciements Dirk Multhaup)
Skatepark de “La Villette“, le snake au premier plan, 1978.
Skatepark de “La Villette“ , inauguration, 19 mai 1978.

Skatepark de “La Villette“ , départ du snake, 1978.

Démo du team “Benjyboard”, John Sablosky, frontside air dans la fosse, 1978.
Boutique “Free Former“ de la Villette, dans une ancienne boucherie, visite de Ty Page, 1978.
(Archives G. Rainfray, “Thrasher” n°11)
Skatepark de “La Villette” désaffecté.
Extrait d'un film Super 8 de Hermann, 1978-79. (Remerciements Dirk Multhaup)
Idem.

François Séjourné, 1979.
(skatepark de “La Villette” désaffecté)

La piste du Jardin d'acclimatation, “Le Traître”, Rock'n'roll, 1979.
La piste du Jardin d'acclimatation, François Séjourné, invert, 1979.
La piste du Jardin d'acclimatation, Joël Boisgontier, 1983.

La piste du Jardin d'acclimatation, Manix,1983.

“Mazo Rats Skaters“, carte de la Bones Brigade Division (milieu années 80).
La rampe de La Rochelle, 1983.
Idem.
 
      the book that hosts ghosts