Bruno Rouland :
interview exclusive 2009


CONTINUED FROM PART 2

Les states

Tu es allé aux states toi aussi ?
Oui, en 1990. Je suis carrément parti pour y habiter avec ma copine de l‘époque, Nathalie. On était un peu inconscients…

Vous habitez chez des skaters ?
Rick Charnosky était venu me chercher à l’aéroport de New-York. Nous sommes restés quelques jours à New-York. Rick m’avait présenté un mec qui avait une marque de genouillères mortelles, des “Flap Jack“ ! Le mec m’avait branché pour que je les distribue en France. Il y avait une rampe chez lui que j’avais skaté. C’était un passionné, il est mort d’un accident de voiture un an après…
De New-York, on a loué une bagnole puis on est parti en virée vers Dallas en passant par Virginia Beach, la Caroline du Nord, la Nouvelle-Orléans, la Floride… Pendant deux mois et demi. On a fait 12 000 bornes !

C'est Rick Charnosky qui vous servait de guide ?
Oui. Il nous a trimballé sur plein de spots. Je me souviens par exemple de la “Farm Ramp“ à Raleigh en Caroline du Nord. C'était deux frères qui l'avait construite, les frères Wrainright. Brian faisait du roller et Morris du skate ! Cette rampe était incroyable avec une partie over-vert ! Il y avait une pièce sous la plateforme où l'on pouvait pieuter…
J'ai aussi skaté le park en béton de Stone Edge en Floride et quelques pools abandonnés du côté de Houston que j'avais bien aimé.

Tu as fait des contests là-bas ?
Oui. À Houtson et à Dallas. Avec toute la clique : Hosoï, Gator qui commençait à partir en couille. Ils étaient sous dope et n’avaient rien fait en skate !

Qu’est-ce que ça te faisait de skater avec les ricains chez eux ?
Mentalement, c’était dur. Pour skater au milieu de ces mecs-là, fallait vraiment être sur-motivé. Tu partais en drop et tu avais trente gonzes sur la big avec toi… Les face-à-face étaient vraiment très chauds !
Par contre, j’ai fait des supers sessions à Dallas dans le park de Jeff Phillips, “Cheap Skate“. J’y suis resté une semaine et c’était vraiment une ambiance super cool. Ce mec était très gentil…

Ce park n'était qu'en bois ?

Oui, avec plein de minis et une grosse rampe au fond.

On sentait que la rampe commençait à péricliter ?
Non. C’était encore la discipline phare du skate même si on n’était plus sur une pente ascendante.

Quels sont les skaters quit'ont le plus impressionnés ?
L'Australien Adam Luxford et le canadien Tom Boyle. Après, chez les ricains, ce sont surtout les texans qui m'avaient vraiment impressionnés. J'ai vraiment fait des supers sessions avec Jeff Phillips par exemple.

As-tu cherché des opportunités dans le business pour t’installer aux États-Unis ?
J’ai fait l’erreur de partir avec ma nana, ce qui ne rendait pas les choses faciles. De mon côté, je ne pensais qu’à faire du skate et cette situation n’était pas facile pour elle. D’autre part, je dois dire que je n’ai pas trop apprécié la vie sur place. Je m’étais fait arrêter par les flics pour un petit excès de vitesse. J’ai été obligé de raquer 200 $ de caution, simplement pour ne pas être mis en taule et attendre le procès. Sinon, ils voulaient me mettre au trou en attendant le jugement ! Une situation de merde ! La mentalité n’était vraiment pas la même qu’en Europe, très superficielle… Bref, on a pris l’avion et nous sommes rentrés tous les deux. Je suis revenu chez mes vieux, la tête basse, la queue entre les jambes ! (Rires)

Mais qu’est-ce qu’on va faire de toi !
(Rires) En même temps, ils étaient assez fiers de mon parcours. J’avais des parutions dans les magazines, je m’en sortais malgré tout.

Qu’est-ce que tu as fait pour gagner ta vie ?
Du jour au lendemain, je me suis retrouvé livreur de poissons ! (Rires) Après cinq ans de skate non-stop, tout s’est arrêté ! Le marché s’est cassé la gueule d’un coup.

Thrasher titre “Who killed vert en 1992“ ? Quelle est ta réponse ?
Pour moi, c’est Rocco ! Il a vraiment accéléré le processus vers le street. Et en même temps, il a réglé ses comptes avec la vert, lui qui était un freestyler. C’est vrai que c’est ambigu car c’est aussi Rocco qui a inventé tout un style de vie autour du skate. Il a relancé le marché en le rendant beaucoup plus accessible. Même si ce n’est pas du tout ce que j’aime dans le skate, je respecte ce qu’il a apporté. Et j’irais même plus loin, en poussant le bouchon, je dirais que si j’ai ma maison aujourd’hui, c’est indirectement à lui que je le dois et à ce que j’ai vendu lorsque j’étais chez V7 ! (Rires)

Tu n’as jamais essayé le street ? Certains ramp-riders comme Hosoï ou Hawk participent aux premières compétitions de street…
Ils n’ont pas fait long feu dans l’arène ! Lorsque des mecs comme Koston sont arrivés, qu’est-ce que tu veux faire ? Moi, je n’ai jamais eu le courage de tout réapprendre. Je n’avais pas envie de me prendre la tête sur un trottoir alors que j’avais une rampe à ma portée ! D’un côté des sensations énormes et de l’autre côté, tout reprendre à zéro. J’ai vite choisi !




Les feux de la rampe


D’autant que la rampe a évolué. Te rappelles-tu la première fois que tu vois Burnquist systématiser à ce point le switch ?
C’était une révolution. Ça a démontré que la rampe pouvait encore évoluer en prenant des choses au street.

Tu t’y es mis ?
Non, pas vraiment. J’avais intégré quelques enchaînements fakie dans mes runs, mais à mon âge, je ne pouvais pas tout réapprendre !
Après la compétition et jusqu’à aujourd’hui, je skate parce que j’en ai besoin. Mon caractère s’en ressent lorsque j’arrête mais je ne pense plus qu’à me faire plaisir avec les figures que je maîtrise déjà.


Plus que tout autre discipline, avec la rampe tu dois gérer la peur. Est-ce que c’est quelque chose qui était présent pour toi ?
En rampe, la définition du “thrasher“, c’est celui qui va au-delà de ses moyens. Ce sont toujours les plus fous et les plus inconscients qui sont devant…

Est-ce que ça a été une limite pour toi ?
Oui. J’aurais eu un meilleur niveau si j’avais eu moins peur…

Pour le Mc Twist par exemple ?
Lorsque j’ai vu cette figure, j’étais scotché comme tout le monde. J’ai bien sûr essayé de la rentrer, mais au bout d’un moment, t’es obligé d’arrêter de te fracasser sur la tête. Tu dis stop ! C’est humain ! (Rires) Ce n’est pas seulement la peur…


Est-ce que tu avais un enchaînement qui t’était personnel ? Ça serait quoi ta signature en tant que rider ?
On a tous nos figures. C’était plus dans l’amplitude et la vitesse que je me distinguais. De gros Madonnas, de gros ollies front, des frontside air straight legs… c’était ça ma signature !


Lorsque tu vois les méga rampes de D. Way, ça te fait quoi ? Qu’est-ce que tu penses de cette direction ?
Il fait rentrer les snowboarders chez leur mère, avec un mouchoir ! (Rires)
Il a remis tout le monde à sa place ! Ça fait peur lorsque tu le regardes, j’ose même pas m’imaginer skater ça… Ou alors en mountain bike ! (Rires)

Tu n’as pas peur que la difficulté, l’engagement et les infrastructures qu’il faut pour faire de la rampe fassent qu’un jour les jeunes se détachent complètement de ça ?
Franchement, je ne suis pas optimiste… On est tellement tributaires des infrastructures… À Marseille, on va peut-être avoir un park avec une grosse rampe en indoor conçu par “Constructo“. Ça risque d’être pas mal. Mais en France, tu peux compter les bonnes rampes sur les doigts de la main ! Il n’y a plus de compétition de rampe et surtout peu ou pas de jeunes qui s’y intéressent.

Lorsqu’on voit qu’avec C. Bétille vous vous classiez encore dans les cinq premiers au Championnat de France en 2005, on se dit qu'il y a un vrai problème de relève…
Les seuls jeunes qui viennent sont des martiens ! Des échappés ! La courbe existe encore dans les pools, dans les parks, mais ça ne reviendra pas comme ce qu’on a connu. Cette époque est passée, elle appartient à l’histoire mais pas au présent du skate…

Aux derniers X-games, ils voulaient carrèment supprimer l’épreuve de vert !
Pourtant, même si tu n’y comprend rien, le spectacle en rampeest fabuleux ! Le public vient pour le street, mais je trouve que pour l’apprécier, il faut vraiment être connaisseur. Déjà, rien que de savoir qui est en switch !

Des deux monuments Hawk et Way, duquel te sens-tu le plus proche ?

Euh… Je dirais Tony. Au niveau du skate et au niveau générationnel, je suis certainement plus proche de lui. Même si je ne suis pas un tricoteur, ni un tournicoteur, je ne me vois vraiment pas sur une méga-rampe ! Et même si les trois-quarts des skateurs le détestent aujourd’hui, pensent que c’est un vendu, moi je n’aurais jamais cette image de lui car je sais d’où il vient et ce qu’il a vécu au début de sa carrière. Lors d’une session à Ste Geneviève-des-bois au sud de Paris, Tony faisait la session avec nous et on l’a emmené dans un combi a Bourges pour tout le week-end. Je n’oublierais jamais ça…



Les compétitions

Quel était ton surnom sur le circuit ?
Le Viking !

Et Poulidor ?
Ça, c’est un délire ! Je finissais toujours deuxième dans les compètes ! (Rires)

Comment vivais-tu le fait d’être à la merci de jugements qui sont forcément subjectifs ?
Un juge te voit premier, un autre deuxième ou troisième si ton style ne lui plaît pas. En compétition, mon principal problème était que j’étais toujours à fond, je ne savais pas calculer. Donc, je me prenais souvent des boîtes ! (Rires) C’est ce qui me coûtait cher à chaque fois dans le classement final.

Tu skatais beaucoup avec C. Bétille. Quel genre de compétitivité aviez-vous l’un à l’égard de l’autre ?
Ça a toujours été sain. Cet aspect n’a jamais terni nos relations.

Certains joueurs de tennis disent qu’il faut vouloir tuer son adversaire pour gagner, même si c’est ton meilleur ami. Comment te motivais-tu face à lui ?
À la limite, je me foutais un peu du classement. J’étais surtout heureux lorsque j’avais bien skaté. C’était d’abord une satisfaction personnelle. Les compétitions étaient avant tout un moyen de voir de nouvelles rampes, de nouveaux skaters. J’ai toujours aimé voyager et le skate m’a largement comblé de ce côté-là. Le classement était un bonus. Sauf en Championnat de France. Là, c’est vrai que j’avais à chaque fois la motivation pour gagner le titre ! (Rires)

Tu préparais une botte secrète que tu sortais en finale ?
Non, jamais ! En Freestyle, les entraînements se font en solitaire. Tu passes des heures seul sur une figure. En rampe, je m’entraînais souvent avec des potes, à plusieurs. Je dirais même que c’est un des trucs que j’appréciais le plus : partager des moments d’amitié et de déconne autour d’une rampe ! Tout le monde gueule lorsque tu rentres une figure, c’est vraiment un truc collectif pour moi.


Commençais-tu ton run avec un certain enchaînement pour te mettre en confiance ?
C’étaient des lignes. Je savais que j’allais prendre tel mur en back, puis l’autre en front, puis back, back, etc. Après je variais pour le faire soit en indy soit en mute par exemple.
Je rassemblais les figures, je les faisais par séries. Un enchaînement type pouvait être par exemple : départ en grind front, alley-oop five-o-grind, crail tail, fast plant en back, ollie back, ensuite je pouvais couper avec un invert front et repartir en fifty,enchaîner des gros airs, straight legs, madonnas, etc. Je faisais un mix entre les coping tricks, les air tricks et les fakie tricks.
Le plus difficile dans un run, c’est de reprendre le fil lorsque tu tombes… Une fois stoppé, tu as perdu tes repères et ça fini souvent en impro totale ! Ça m’arrivait assez souvent ! C’est la panique ! (Rires)

Avant de faire une figure, tu essayes de la visualiser dans ta tête ?
Oui, surtout lorsque tu l’apprends. Aujourd’hui, peut-être un peu moins car les skaters ont la vidéo pour apprendre. Ils visualisent les tricks en les décomposant image par image.


Est-ce que le sommeil et les rêves t’ont aidé cet apprentissage ?
Psychologiquement, à mort ! Ça te rassure. Je me suis vu faire des trucs de malade en m’endormant, il n’y a encore pas longtemps à l’hôpital. Lorsque je suis en manque de skate, c’est l’imagination qui prend le relais et je me retrouve à faire des trucs pas possibles dans ma tête. Je suis indestructible ! Je rentre des figures que je ne pourrais jamais faire…

En compétition, avais tu un tic avant de t’élancer ? Un geste particulier que tu faisais ?
J’avais toujours des pads à la con et je remettais les scratchs en place. Je remontais souvent mes genouillères avant de m’élancer…

Pas de gris-gris dans une poche ?
Non, non. Pas jusque-là ! (Rires)

Est-ce qu’il y a une figure que l’adrénaline de la compétition t’a fait réussir alors que tu ne l’avais jamais passé à l’entraînement ?
C’est vrai que ça permet de ne plus penser à la chute. Mais les moments où j’ai vraiment progressé, ce sont ceux après les runs de compétition. Lorsque tout le monde reste sur la rampe, là tu te lâches vraiment. Même si tu es crevé par le contest, c’est le moment où tu peux tenter le plus de choses et passer des caps.
Les fast-plant fakies, je les ai appris comme ça. Le fakie a toujours été chiant pour moi. Mes plus grosses chutes, c’est en apprenant le rock fakie en 1984, 1985 ! J’ai galéré comme un enculé pendant six mois pour apprendre cette figure ! J’avais un blocage psychologique pour repartir en arrière. Le rock fakie, c’est un Mc Twist pour moi ! (Rires)

Quelles différences vois-tu dans les heures passée à rentrer une figure pour un freestyler et pour un ramp-rider ?
La différence est énorme au niveau du plaisir pris à rentrer une nouvelle figure !
En free, le plaisir est un peu flat avec peu de sensations à l’horizontale sur le plancher des vaches…
En rampe, le plaisir que cela procure est immense car la part de risque est beaucoup plus importante. : on est à la verticale, à plusieurs mètres du sol en full speed ! Je n’ai jamais ressenti autant de bonnes vibrations positives. Une joie de vivre intense t’envahis en apprenant une nouvelle figure en big, tu te sens indestructible du fait d’être resté sur ta board !

En 2005 et 2006, tu finis 3ème au championnat de France. Quel est ton état d’esprit lorsque tu t’alignes sur ces compétitions. Où vas-tu chercher la motivation ?
C’était plus pour rigoler qu’autre chose. Je partais en compétition avec le team “Logo ?“ et je skatais un week-end à bloc. Je retrouvais Bétouille à Nantes, c’était du pur plaisir !


Un business

Comment rentres-tu chez J.-M. Vaissette ?
En 1990, je suis allé en Tchécoslovaquie, à Prague pour une compétition avec un bon pote, David Pitou. Son père était vendeur de voitures à ce moment-là après fait le skatepark de Béton Hurlant d’ailleurs ! On est parti en Tchéco avec Jean-Marc Vaissette, en Renault 30, sans chauffage. On a traversé l’Allemagne avec nos grosses doudounes dans la voiture ! C’était épique !
J’étais encore chez “Death Box“ mais je sentais que ça allait finir, je bossais comme livreur de poissons… Bref, ce n’était pas terrible. J’ai retrouvé Jean-Marc à Prague qui venait de monter sa boîte. Je lui ai demandé si je pouvais être rep’ pour lui. Il n’était pas chaud mais je l’ai tellement travaillé qu’à la fin du trip , il a cédé ! (Rires)

Tu t’occupais d’une région en particulier au début ?
Jean-Marc a commencé son business avec “Blockhead“, “Tracker“, “New Deal“, etc. Il m’envoyait des boards, des roues que je stockait chez mes parents, dans un petit local. Après, je livrais sur tout le Nord : Lille, Dunkerque, Reims, Le Havre, etc. Tous les vendredis, je chargeais ma bagnole et je partais faire ma tournée. Mon plus gros client était à Lille.

Vaissette t‘avait-il formé avant de te lâcher dans la nature ?
Non ! Article 22, le meilleur pour apprendre ! Tu te démerdes comme tu peux ! (Rires) Une fois de plus, je suis parti à l’aventure…

Te rappelles-tu de ton premier rendez-vous ?
Bien sûr, je m’en souviendrai toute ma vie ! C’était dans un magasin qui s’appelait “Sport Maximum“, au Havre. Je commence par présenter tout mon matos au mec. Il était intéressé et il me demande le franco. Le franco ? Je ne savais pas de quoi ou de qui il voulait parler ! Noyade totale ! (Rires) Le mec m’a demandé de repasser lorsque je saurais un peu plus au point… J’ai appelé Jean-Marc en sortant du magasin pour qu’il m’explique ce que c’était que ce franco, les échéances, etc. J’ai tout noté sur un bout de papier et je suis retourné voir le mec, gonflé comme un coq ! (Rires)
J’ai tout appris comme ça, sur le tas. Je faisais mes tournées, je laissais la marchandise, je facturais hors taxe et TTC. Jean-Marc me renvoyait la facture en bonne et due forme et le chèque était encaissé à trente ou soixante jours après la commande.

Tu vendais uniquement du matériel de skate ?
Oui, je ne faisais que des plateaux, des roues et des trucks. Je ne m’occupais pas de la wear, c’est Jean-marc qui la livrait.

Pas de chaussures ?
Non, les premières qu’on a vu arriver plus tard, ce sont les “Vision“. Et à cette époque, si tu en vendais six paires, tu étais content ! (Rires)
Je vivotais avec “V7“ et parallèlement, j’étais toujours livreur de poissons pour m’en sortir ! J’étais au black chez Jean-Marc. J’avais dix pour cent dans une enveloppe qui me permettait de joindre les deux bouts. Jusqu’en 1991, j’ai fait le rep’ pour V7 et livreur de poissons car je n’étais pas du tout sûr du business du skate en France. Je me levais à quatre heures du matin. C’était dur, les mains dans la glace… J’en ai chié.

Tu trouvais encore le temps de monter sur une planche ?
Non, en 1991 j’avais encore de gros problèmes de genoux. J’ai dû faire de la rééducation pour me remuscler la jambe. Mais j’étais redevenu en bon terme avec Nicolas Malinowski et j’ai fait deux camps en tant que moniteur. Un à Bourges au foyer de la Charmille et l’autre à Blagnac pour lequel j’ai été payé 4 000 francs. Heureusement que j’avais ce genre d’opportunités.
C’est d’ailleurs en revenant du camp de Blagnac avec David Pitou, Le Man et Bertrand Jacquot que ma vie a encore basculé. On savait qu’un skatepark venait de se construire à Marseille, il venait d’être inauguré. On a absolument voulut passer le voir avant de retourner sur Paris. Et là, en le voyant, j’ai dit à mes potes : “Stop ! J’habite ici maintenant !“ (Rires)

Qui connaissais-tu à Marseille ?
Bubu, Steph André avec qui ont faisait des compétitions. J’avais aussi rencontré Dominique Baconnier lors d’une démo à Aix-en-Provence quelques années auparavant en 1988 ou 89. Je savais qu’un mec avait ce pool chez lui dans son jardin et je tenais absolument à le skater. À partir de là, j’y retournais tous les étés.

As-tu vu des tournés de ricains chez lui ?
Oui. Monty Nolder en boneless back par dessus le canyon, Jeff Phillips, le team “Alva“, Eddie Reatagui en invert, Craig Johnson… Des sessions au champagne, mémorables ! Défoncés devant la piscine ! (Rires)
Et c’est chez Dominique que j’ai fait la connaissance de Gaëlle qui est devenue ma femme… Je l’avais vu en maillot au bord de la piscine et j’ai craqué ! (Rires)
Donc le sud, j’avais une double motivation pour y rester : Le skatepark de Marseille et Gaëlle ! (Rires)

Donc tu décides de tout lâcher tout pour venir t’installer dans le sud ?
Oui. Je suis remonté à Rouen, j’ai vendu le peu de choses que j’avais dans l’appart, la télé, le magnétoscope et je suis redescendu à Marseille avec 15 000 balles en poche ! Entre temps, j’avais téléphoné à Jean-Marc en lui disant : “Je t’ai développé le Nord, maintenant je prend le Sud-Est et Rhône-Alpes !“. Je sentais qu’il y avait un gros potentiel dans le snowboard et j’ai poussé Jean-Marc pour qu’il se lance dans ce nouveau marché. Il a pris “Morrow“ mais au début, il ne voulait pas me le donner. J’enrageais parce que je voyais bien que les vendeurs qui le distribuaient ne comprenaient rien à cette culture. Moi, venant de la rampe, je savais comment le vendre. J’avais des arguments que n’avaient pas ces commerciaux. Lorsqu’il a accepté de me le céder, je l’ai bien développé.

Tu habitais à Marseille ?
J’avais magouillé pour avoir de fausses fiches de salaire afin de pouvoir être dans un appart à côté du skatepark du Prado ! Au bout de quatre mois, je ne pouvais plus payer l’appart et je me suis retrouvé dehors, à la rue. “V7“ n’était pas du tout le géant de la distribution qu’on connaît aujourd’hui et j’ai longtemps pissé dans le réservoir ! (Rires) De 1991 à 1995, ça a été des années noires sur le plan financier. Heureusement que Gaëlle était là aussi pour m’aider. Pendant ces années de vaches maigres, les gens ne comprenaient pas pourquoi je travaillais autant sans rien gagner. Moi, j’étais assez confiant car je sentais le mouvement arriver, mais j’étais souvent perçu comme un fou !
Ce qui nous a bien aidé, en plus du snowboard, c’est le décollage de “Sole Tech“. Ça a vraiment été le coup d’accélérateur.

Trouvais-tu encore le temps de skater ?
Uniquement pour me faire plaisir. Plus pour performer. D’ailleurs, je suis venu à Marseille pour le skatepark mais je ne l’ai pratiquement pas skaté ! j’étais trop à fond dans la vente. Je faisais 60 à 80 000 bornes par an sur mon secteur !
Ce qui m’afait mal, c’est que je commençais à m’éloigner de Jean-Marc. Il avait l’impression que je lui coûtais plus d’argent que ce que je lui en rapportait… Je lui ramenais toute une clientèle nouvelle et il voulait me supprimer une partie de mes com. Je le vivais mal et ça me faisais dire des conneries sur lui… J’avais horreur de cette situation ! Pendant quatre ans, j’y ai mis ma moelle. Je me suis pourri la santé avec une mauvaise hygiène de vie. C’est vrai que je me faisais de la thune, j’ai vendu 45 000 paires de pompes par an sur Rhône-Alpes et le Sud Est. Mais elles ne se sont pas vendues toutes seules ! J’étais constamment sur la brèche. Ça m’a usé physiquement et nerveusement.


Les pompes ont complètement changé la donne dans le business du skate…
Pour déconner, je dirais que la “Koston“ a payé une partie de ma maison ! (Rires)Une chaussure qui marche, d’habitude, elle fait trois ou quatre saisons maxi. La “Koston“ a duré longtemps, longtemps… (Rires)

Vous n’avez jamais été mis en difficulté par de gros distributeurs qui auraient pris ces marques qui cartonnaient ?
Non. On avait une telle avance que ce n’était pas possible pour la concurrence. En 1993, on avait carrément plus de fournisseurs que de clients ! (Rires) Nous étions les seuls à avoir autant de marques : “Morrow“, “H-Street“, “Division 23“, “Peach“, “Type A“, “Forum“, “Special Blend“, etc. Je dois dire que ce qui nous a définitivement assis, c’est le snowboard. Si on n’avait pas eu ça, il aurait été impossible de survivre avec le seul marché du skate. Comme toutes les marques américaines étaient orientés skate, on s’est naturellement trouvé au bon moment et au bon endroit pour bénéficier de ce boum.


Vos marges étaient plus importantes en snow ?
Non. Ce sont les mêmes, mais le volume d’affaire est beaucoup plus gros.
Mais ensuite les shoes ont pris une part importante dans le business

Comment est-ce que les magasins de ski des stations vous voyait arriver ?
Oh là ! Attention le “Coq Sportif“ ! Nous, avec notre image de “Thrasher des villes“, ce n’était pas facile de les convaincre. Nous n’étions pas vraiment appréciés et s’ils avaient pu se passer de nous, ils l’auraient fait volontiers ! (Rires)

Tu faisais les gros salons de glisse ?
Ouais, on se faisait des week-end à la neige, le “Mondial du snow“, tous ces trucs-là. Toute cette période d’effervescence dans le snowboard nous a permis d’attendre la reprise du skate et lorsque les marques de shoes comme “DC“ ou “Es“ ont recommencés à marcher, nous étions là pour rafler la mise… J’arrivais dans les magasins et je leur faisais la guirlande du bonheur en déballant tous nos produits ! (Rires)

Vous n’avez jamais franchi la ligne blanche en allant vendre dans des magasins moins spécialisés ?
Non ! Pourtant, j’avais des “jeaneurs de base“ qui ne comprenaient pas pourquoi je ne les livraient pas. C’était constamment une guéguerre au portable, ils me harcelaient ! On avait un pied sur le frein de ce côté-là car on savait qu’on allait tout de suite à notre perte si on perdait le côté authentique qu’il y a autour de ces marques. On protégeait notre réseau de petits magasins. Les grosses moustaches qui ne me parlaient pas de skate, je ne donnais pas suite ! (Rires) Pourtant, j’aurais pu tripler mes coms !

Combien de temps a duré cette folie ?
De 1996 à 2000, j’ai vécu des années très vastes comparées après mes années de vaches maigres. En 2002, Je sentais que c’était la fin d’un cycle, d’une histoire avec Jean-Marc et j’ai fait ma lettre de démission. Je me regardais en passant devant le miroir et je ne me voyais pas finir en vieux rep’. J’en voyais qui avaient le gros bide, une sale image auprès des jeunes et je ne voulais pas en arriver là… À trente six balais, je me suis dit : “Faut que je fasse mon histoire !“.
J’avais commencé par créer mon magasin “Select“ à Aix-en-Provence en 2001 pour prendre les devants. Jean-Marc essayait de m’enlever de plus en plus de points dans mes coms. Trois, quatre mois après, j’ai fait ma lettre de démission qui était la seule sortie possible pour moi !

Tu es encore reparti à zéro !
Mon salaire a fondu… Ma femme m’a pris pour un ouf ! Elle a encore du mal à s’en remettre ! (Rires)
Pendant cette période, j’ai commencé à développer la marque “Logo ?“ et j'ai également bossé pour La Miette sous “Lapa“ comme brand manager pour “Lakai“ France et agent commercial pour “DVS“, “Matix“ et “Lakai“ pendant un an et demi. Ensuite, il m'a licencié parce que j'avais plus la tête dans “Logo ?“ que dans “DVS“, “Matix“ et “Lakai“ ! En même temps, c’est normal, il a joué son rôle de boss ! D'ailleurs je tiens à remercier tout particulièrement Mister La Miette, le bosseur acharné. Respect ! En un an et demi, il m'a appris beaucoup plus dans le business que les douze annnées passées chez V7.

Logo ?

Comment arrive “Logo ?“ ? Qui trouve ce nom ?
J’étais avec mon petit neveu, Benjamin. Il était vendeur au magasin. Un bon, bonne éducation, motivé, toujours le sourire. J’étais très content de lui et j’avais décidé de faire la boîte avec lui. Il avait 30%. On commençait à chercher un nom, c’est toujours une grosse prise de tête…
Un soir d’inventaire au magasin, bien fatigués, il voit écrit “Logo ?“ sur un papier. Il se retourne vers moi et me dit : “Bruno, qu’est-ce que tu en penses comme nom pour la boîte ?“.J’ai de suite vu le potentiel ! C’est universel, et en plus ça porte à confusion car tous les jours on emploie ce mot ! C’est court, facile à retenir, on n’a plus cherché ! (Rires) Je suis allé regardé à l’INPI et le mot était libre dans notre secteur… Bingo ! Un point d’interrogation comme symbole et re-bingo ! C’était emballé !

Fais-tu un team dès le début ?
Oui, je voulais une marque orienté tout de suite skate pur et dur. J’ai pris Akim et Karim Chériff, Anthony Sauze, J.-P. Vila, etc.

C’est un moment où beaucoup de petites marques françaises sortent…
Il y avait déjà “Cliché“, “Trauma“ existait depuis six mois… Beaucoup de scènes locales ont généré leurs marques.

Comment te positionnais-tu par rapport à ce foisonnement ?
“Logo ?“ était une compagnie issue du cœur. J’organisais des tournées, des démos. J’étais au micro à donner de la voix ! Je faisais des affiches, des pubs, etc. J’ai un peu explosé le budget marketing… Le chiffre des ventes ne suivait pas même si on était à bloc sur le terrain, sept jours sur sept. On s’est aperçu que sur le seul marché du skate, ce n’était pas viable. Benjamin m’a résonné en voyant le virage que ça prenait et il m’a conseillé de me diversifier dans la wear.

Ça a marché dans ce domaine ?
Disons que j’ai développé d’autres marchés vers les DJ, les soirées. On a créé SOFA (Skateboarding Original Freestyler Artist) qui faisait des séries hyper limitées avec des designers de rue en donnant un côté classieux, artistique. On était très créatifs, ce qui nous permettait de nous démarquer et d’être présents dans la culture street. Par contre, dans la wear, ce qui devenait très difficile à gérer c’était les retard de livraison, les impayés, les annulations de commande. C’était de plus en plus problématique, jusqu’à ce que je tombe malade et que je passe huit mois à l’hosto. Là, ça a vraiment été fini…

Produire ici, c’est vraiment devenu impossible ?
Si tu ne passe pas par l’Inde ou la Chine, ce n’est même pas la peine de commencer. Tu vas être tellement cher, avec la même qualité que personne ne comprendra. C’est comme si tu pointais un fusil vers toi : t’es mort !

Y-a-t’il des pays plus réceptifs que d’autres à tes produits ?
Dans ce domaine, j’ai quelques regrets car avant même d’asseoir ma marque en France, j’ai voulu développer l’étranger, peut-être trop rapidement. J’avais des distributeurs en Espagne, en Italie, en Russie, au Japon ! En Russie, j’avais des chiffres colossaux ! Toutes les cases de mes bons de commandes étaient cochées : en S, M, L, XL, XXL… Jusqu’à ce qu’un mec avec qui j’avais déjà travaillé me plante sur une commande

Comment ça s’est passé ?
Le mec ne pouvait pas bloquer de lettres de crédit. Il avait déjà honoré deux commandes, je me suis taté et j’ai foncé. E le moment de la commande et celui de la livraison, il a déposé le bilan ! Je me suis retrouvé avec toute ma came sur les bras… Je me suis salement gratté la tête pour trouver une solution. Finalement, j’ai tout écoulé dans les sites de vente en ligne, à droite, à gauche. C’est précisément à ce moment-là que j’ai fait ma crise. Je suis rentré à l’hosto avec une occlusion intestinale. J’ai failli y passer, tout simplement. Lorsque je suis sorti huit mois après, je n’avais plus la force de continuer “Logo ?“ et quand Benjamin m’a montré les derniers chiffres, on a décidé d’arrêter. C’était préférable pour tout le monde.

Rétrospectivement, qu’est-ce que tu as le plus aimé dans cette aventure ? T’occuper du team ? Concevoir des produits ?
Au début, mon kiff a été de m’occuper des riders et à la fin ceux qui m’ont fait le plus chier, ça a été mes riders ! (Rires) Lorsque tu es de l’autre côté de la barrière, putain, c’est relou ! Moi, j’ai toujours été fier de porter les produits de mes sponsors, mais là, le retour était craignos… J’avais même du mal à leurs faire porter un tee-shirt de la marque ou à leur faire coller un sticker sous la board ! (Rires) Paradoxalement, j’avais plus de mal à gérer mes riders que mon équipe de travail. C’est quand même un comble quand tu es un skateur comme eux ! Le graphiste, Luc Borho et Benjamin ont toujours travaillé à fond, mes deux représentants exclusifs aussi. Mais je ne peux pas en dire autant de mes riders. Je l’ai très mal vécu. J’ai même eu une tentative de procès : un des mecs prenait la grosse tête en me demandant des primes à la citation, un barème pour les secondes d’apparition dans les vidéos… J’ai envoyé un courrier à son avocat et je n’ai jamais eu de réponse. Il s’était pris pour Zidane ! (Rires)

Tu t’es éclaté dans la vente ?
Oui, c’était génial de vendre ses propres produits. C’est une fierté et une satisfaction incroyable. Je m’occupais de mes rep’, je leur donnais leurs objectifs, les clients qu’ils devaient voir en plus, etc. je m’appuyais sur tout le réseau que j’avais construit avec V7.

Est-ce que les difficultés que tu as rencontrées dans le business ont émoussé ton envie de skater ?
J’ai connu des moments durs, j’ai pu être dégouté par certains skateurs, mais jamais par le skate… Chaque fois que je prend une board, je ressens la même vibration. Ma femme qui me connaît, m’envoie skater quand je deviens exécrable ! (Rires) Elle sait que j’ai besoin de ça. C’est la soupape de la cocotte-minute, ça me calme.

Et dans l’épreuve de la maladie que tu as traversé, en dehors de ta famille, bien sûr, est-ce que le skate t’a aidé ?
La famille m’a soutenu lorsque j’étais dans mon lit, cloué par la souffrance. Dans un coin de ma tête ,je rêvais au skate. Je m’évadais de la douleur en me voyant skater. Tu sais, je suis vraiment parti très loin, très près de ne pas revenir… Le mal m’a rongé physiquement et psychologiquement. Je me suis entièrement rasé le corps. J’étais méconnaissable avec beaucoup de haine et de dégoût en moi. J’ai vu une lueur au-dessus de ma tête, Bouddha qui arrivait. Je me suis accroché au Bouddhisme, j’ai lu des bouquins et ça a été, avec ma famille, une issue de secours pour me sortir de ces vibrations macabres.

À l’hôpital j’ai fait ce qu’on appelle une C.I.V.D. Mon corps était complètement empoisonné, il en avait marre et le sang s’est arrêté de circuler. Les organes n’étaient plus alimentés. Un choc septique. Arrêt du foie, des reins et des poumons, d’un coup, sans prévenir. Le sang qui ne peut plus circuler, sort par tous les orifices. J’ai eu trente sachets de sang en perfusion. Au réveil, lorsque j’ai vu mes bras tous violets, j’étais sûr d’avoir eu un accident de bagnole et d’avoir tué toute ma famille ! Je tremblais, je ne pouvais plus parler. Ils m’ont donne une ardoise pour écrire. À la limite, j’étais content qu’ils me dise que c’était la maladie de Krohn !

Aujourd’hui, comment vis-tu avec cette maladie ?
On sait tous que le business est un piège surtout pour les gens comme moi, qui prennent leur pied en le faisant. Dans mon métier, j’étais stressé, je mangeais mal, je dormais peu et la maladie a trouvé un terrain favorable pour m’attaquer. Elle m’a rongé.
La maladie m’a appris qu’on n’est pas des robots, on a des faiblesses et on doit aussi apprendre à vivre avec. Une certaine sagesse.

Souvent, je demande à mes interlocuteurs la dernière fois qu’ils sont montés sur un skate. Toi, j’ai envie de te demander comment sera ta prochaine fois, est-ce que tu y penses…
Aujourd’hui, j’ai encore une fistule récalcitrante, mais dès que ma santé me le permettra, c’est sans pitié je vais aller direct sur ma big ! Je rêve de faire des putains de lean air à la Chris Miller !
J’ai essayé de skater au début de l’année mais j’arrive à peine à grinder. Je n’ai pas de “moelle“, c’est horrible parce que dans ma tête, je me vois skater à bloc avec des gros airs. C’est juste une question de temps et de volonté.
Pour me remettre en forme, je vais même construire une mini à côté de la big, pour moi et pour mon petit Matéo.

Pour finir, je tiens à remercier en priorité toute ma famille qui me supporte dans ma maladie, mes parents et surtout ma femme qui est en or massif !!! Heureusement qu’elle est là avec ma plus belle récompense : mes enfants Anais et Matéo.

Positive vibes !!!!



Mars 2009, propos recueillis par C. Queyrel.
(Toute reproduction, même partielle, est interdite sauf autorisation)


(Toutes les photos : archives B. Rouland, sauf indiquées)


Quelques jours après l'interview, Christophe Bétille nous quittait brusquement. Nous l'avions souvent évoqué dans la conversation et nous lui dédions modestement ces pages.
R.I.P.

 

 
Farm Ramp, Raleigh (Caroline du Nord), 1990.

Bruno Rouland, Farm Ramp, Raleigh, 1990.

 

Bruno Rouland, Bourges, 1990.
Bruno Rouland, Skatepark du Prado, 1991.
Bruno Rouland, démo à St Mître, Marseille, 1991.
4ème au championnat de France,
Nantes, 2005.
(www.agoride.com)
Bruno Rouland sur sa rampe, 2006.
Bruno Rouland sur sa rampe, 2006.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
      the book that hosts ghosts