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Rooler Gab
" Unique en Europe, pour tous les sports à roulettes
"
Propos de Gabriel Leuret recueillis par Raphaël Zarka, octobre
2003.
Le tout début de mon affaire cest une décision
que jai prise quand jétais au ski. On faisait
du ski avec ma femme, du ski de fond, on se trouvait du côté
de Villard de Lans, ma sur y avait un studio et on y montait
assez souvent dans lannée.
Jétais au début de ma retraite. Alors moi, jétais
quand même relativement jeune à ce moment-là,
je disais bon, je ne peux pas rester sans rien faire ; à
60 ans rester sans rien faire, cest pas possible. Il fallait
que jentreprenne quelque chose
Je naime pas bricoler, vous comprenez, aller bricoler des
jardins des trucs comme ça, non, je naime pas trop.
Donc un jour, au ski, je me suis dit : mais pourquoi on ne monterait
pas un truc comme ça vers chez nous ? En plus de cela, au
lieu de marcher deux, trois mois par an, comme le ski, ça
pourrait tourner toute lannée cette affaire-là
; à part les jours où il pleut, réellement.
Jai pensé aux patins à roulettes et jai
dit, on pourrait monter en haut dune piste avec un remonte-pente
et redescendre avec le skateboard, les patins à roulettes
et tout ce qui est "à roues".
Javais acheté des trottinettes à un moment donné,
je ne sais pas si vous les avez connues ces trottinettes, jen
avais une dizaine, et les gens descendaient en trottinette, et moi
le premier, je me régalais en trottinette.
Mon idée de départ, cétait cela. Et alors,
comme javais certains moyens à ce moment-là,
jai dit pourquoi tu nachèterais pas un terrain
Oh, je suis allé en voir des terrains.
Cétait en 1988, jétais à la retraite
depuis un an. Jai fini par en trouver un, près de Durfort,
dans le Gard. Jai dit tiens, il est pas mal, il est assez
surélevé, il est bien. Il avait une belle conception,
il y avait un endroit qui était relativement plat, là
où on a monté le plateau, je pensais que ça
marcherait très bien pour faire ce que je voulais faire.
Et voilà, et je me suis lancé là-dedans.
Jai acheté un tire-fesses neuf à un fabricant
qui livre dans le monde entier, il est installé à
Grenoble. On lavait contacté par-ce quil a des
revendeurs dans les Pyrénées, cest un gros fabricant.
À partir de là, il a fallu tout faire. Il a dabord
fallu demander des autorisations pour linstaller ce remonte-pentes
Nous avons contacté tous les ministères de France
et enfin on a abouti au ministère de lintérieur
Le ministère de lintérieur nous a dit :
" Quest-ce que vous voulez que je fasse, moi, dun
remonte-pentes ? Quest-ce que vous voulez que je dise ? ça
ne mintéresse pas
" On nous a renvoyé
au ministère de lair, parce que le ministère
des armées
Bon, parfois, il y a des avions qui passent
Alors, cest parti au ministère. Là, éventuellement,
il y avait une raison quil faille lautorisation du ministère
des armées, ça se peut
Mais lintérieur,
quest-ce quil avait à voir là-dedans,
lintérieur ?
La préfecture de Nîmes, eux ne savaient pas ce que
cétait, ils ne voulaient pas en entendre parler, ça
ne les intéressait pas. De là cest parti à
la sous-préfecture du Vigan où il y avait bien un
secrétaire général, mais pas de sous-préfet.
Cest resté comme ça pendant six mois.
Puis un beau jour, a été nommé un sous-préfet,
une dame. Un jour, elle vient chez moi et me dit : " Mais
quest-ce que cest tous les problèmes que vous
avez ? ". Je lui dis " Écoutez, on demande des
autorisations et on a rien ! ".
Tout le monde se couvre, tout le monde ouvre le parapluie, vous
savez ce que cest ladministration, personne ne veut
sengager, tout le monde ouvre le parapluie, a peur et cest
ce qui nous arrive en France en ce moment, personne nentreprend
rien, personne ne fait plus rien. Comment on finira, je nen
sais rien
Le maire de Durfort, lui, se disait " il est fou cet homme
", il avait jamais vu ça, personne navait jamais
vu ça. Ils navaient jamais vu de remonte-pentes, ici,
dans la région, pour des rollers
Ils ne savaient pas
ce que cétait quun remonte-pentes ici, et personne
ne voulait venir le contrôler et donner les autorisations.
On est allé dans lAveyron, sur lAubrac, mais
là non plus, personne na voulu descendre. Alors on
est allé à Grenoble et heureusement la DDE, la direction
de léquipement, la pris en main. Ils nous ont
dit " écoutez, on va quand même essayer de faire
quelque chose ". Ils sont descendus, et ils ont tout vérifié,
ça ma encore coûté un repas, mais enfin
on a eu toutes les autorisations.
Après, il a encore fallu lautorisation de la DDE pour
faire une entrée ; parce quil fallait rentrer chez
moi et ressortir. Et pour ça il fallait une autorisation
de la DDE car il allait y avoir du monde ; en principe il allait
y avoir du monde. Enfin jai eu toutes mes autorisations et
ils mont fait mettre un panneau " stop " en face
du croisement de Conquerac, sur la départementale qui rejoint
Durfort. À la fin, jétais dégoûté
Cette piste, cest moi qui lai imaginée, qui lai
dessinée. Tous les plans de la descente avec les virages
relevés, cest moi qui les ai faits. Et puis jai
trouvé quelquun qui est venu faire les travaux. Une
piste comme ça, ça nexistait pas, et encore
aujourdhui ça nexiste pas je crois. Cétait
unique en Europe, cétait même unique au monde.
Il est venu des Américains, ils ne connaissaient pas cela.
Ils ont été étonnés les Américains
de voir ce qui existait là. Ils ont dit : " Mais chez
nous on a jamais vu ça ! ".
Le problème cest que cétait les débuts
du patinage, du skate, parce que le skate et le roller nétaient
pas tellement lancés à ce moment-là. Les jeunes
commençaient à en faire, mais pas trop. Maintenant
cest parti, ce serait aujourdhui, ça aurait démarré
tout de suite.
Cest resté ouvert un an un an et demi, entre 1992 et
1993. Après lété 93, on na pas
continué, il ny avait pas de rentrées normales.
Il fallait sortir de largent daccord, mais il fallait
en rentrer. Moi, comme je disais, je ne cherchais pas à gagner
de largent là-dessus, au contraire, cétait
un plaisir pour moi, mais je voulais que ça tourne, pour
ne pas en perdre. Et ça ne tournait pas. Et si ça
ne tournait pas cest que je navais personne pour sen
occuper comme il fallait. Pourtant javais beaucoup didées
Maintenant, je ny monte plus là-haut, ça reste
comme cest et on verra après.
(Toutes photos : archives R. Zarka)
Rooler Gab as reviewed in Anyway
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