Jean-Pierre Marquant :
exclusive interview 2006-07

Ah, Jean-Pierre Marquant !
Un chef d’entreprise français, sous Giscard, voilà qui ne nous rajeuni pas.
On avait retrouvé la trace du bonhomme à Tahiti… "Radikal" s’était mis sur les rangs pour une interview.
Ça avait donc commencé doucement, par quelques questions assez générales. Les réponses arrivaient, la mémoire se remettait en marche… Puis, silence web pendant quelques mois.
Récemment, nous avons reçu une dernière partie à l’interview, la voici donc complétée.

PRESENTATION


Nom, prénom, date de naissance et domicile actuel !
Jean Pierre Marquant, je suis né en 1947 ; j’ai donc… 69 ans, mais je n’arrive pas à y croire ! Et ma vahiné non plus ! (rires)
J’ai trois filles, Vanessa (36 ans), Alexandra (12 ans) et Adriana (15 mois !). Donc, il va falloir que je dure encore un peu ! (rires)
J’habite Papeete, à Tahiti.

Tu es accusé d’avoir gravement sévi dans la scène skateboard des années 70 avant de disparaître mystérieusement en 1979.
Quelques mots pour ta défense ?
(rires) Tout ce que j'ai à dire, c'est que certains médias nous ont attaqué très durement suite à quelques accidents malheureux. En 1978, la presse s’est déchainée et les interdictions ont fleuri un peu partout, tuant la pratique du skate !
Mais j’avais décidé un peu avant cela de vendre Banzaï et de revenir m’installer à Tahiti afin d’organiser des voyages-immersion aux Tuamotu pour les gens stressés.

As-tu grandi en ville ou à la campagne ?
J’ai grandi à Charleville dans les Ardennes, la patrie de Charles de Gonzague qui a conçu la place Ducale qui est une réplique de la place des Vosges à Paris. Je suis né dans la même rue qu’Arthur Rimbaud, qui ne m’a pas transmis son génie de poête mais plus certainement celui de la bougeotte !
Nous avions des pâtures et des bois. Mon père était boucher et nous passions tous nos loisirs à courir après les bœufs et les taureaux qui défonçaient les barrières. Parfois, c’était l’inverse…

Enfant, quel sport pratiquais-tu ?
Je faisais du vélo, à travers champs, forêts et ruisseaux. Quand j’y pense, nous étions les précurseurs du V.T.T ! Je faisais aussi du patin à roulettes.

Le premier souvenir de défi que tu réalises et qui fait vraiment peur à tes parents, c’est quoi ?
À 14 ans, après un an de pourparlers avec mon père, je suis descendu avec un copain de Charleville à Nice en vélo. Nos montures pesaient 40 kilos, avec 5 sacoches, et nous avons grimpé les grands cols des Alpes.
Une virée de mille kilomètres !
Je suis arrivé seul à Nice chez ma tante, mon pote m’ayant lâché après une dispute. Je me suis pris un sermon historique !

Et celui qui t’as, personnelement, fait le plus peur ?
Garçon boucher, nous faisions des concours absurdes, du style « je porte plus lourd que toi ».
Je me suis écrasé dans la rue en sortant du camion avec un demi bœuf de 220 kilos sur le dos ! Ça a fini par me tasser les vertèbres, j’était encore adolescent ! À ne pas faire !

Quel est ton premier contact avec un skate ?
À Los Angeles, chez le fabricant Bahne. J’importais à cette époque les plus grandes marques américaines dont Hang Ten qui fabriquait aussi  de superbes tee shirts…

Lors de la première vague du skate en France, milieu-fin des années 60, as-tu connu le phénomène ?
Non, pas du tout. En 1960, j’étais stewart à Air France et je parcourais le monde avec bonheur. Il n’y avait pas tout le stress qu’on connaît maintenant sur les vols internationaux, et je faisais pratiquement tous les décollages et atterrissages dans le cockpit.

Ton premier souvenir de skate ? La première fois que tu as vu quelqu’un en faire ?
C’était en Californie. J’ai aussitôt monté un magasin à Tahiti qui ne désemplissait pas tellement l’engouement était fort !

Quelle est ta première fois sur une planche ?
C'est à la même époque, à Tahiti. Je vendais des skates, donc il a bien fallu que je m’y mette…

A ce moment là, l’envisages-tu comme un gadget, un sport, une récréation ?
Je l’ai immédiatement vu comme un transport écologique, rapide, silencieux, non polluant, sportif, maniable, peu encombrant, etc. J’ai imaginé le futur, avec des pistes que l’on aurait partagé avec les cyclistes.

Surfes-tu à cette époque ?
J’ai bien essayé, mais ça ne m’a pas branché. J’étais pourtant le premier et le seul importateur sur Tahiti de planches Hawaiennes et Californiennes qui coûtaient très cher, vu les taxes et le transport aérien.

Comment arrive le karaté dans ta vie ?
Non, pas le karaté, mais le taekwondo. Je m’y suis mis grâce à un ami, et nous avons passé deux jours à Los Angeles avec Chuck Norris. Un très bon souvenir !

Ton grade ?
Je suis allé jusqu’à la ceinture marron.

As tu été jusqu’au Japon pour te perfectionner ?
Non. J’aime le Japon, et j’y suis allé plusieurs fois, mais jamais dans cette intention.

As-tu enseigné le le taekwondo à des célébrités comme tu l'a fait pour le skate ?
J’ai essayé d’enseigner cette discipline à n'importe qui, des inconnus et à quelques vedettes comme Jean-Paul Belmondo ou Guy Drut. Mais comme dans tous les sports, il faut du temps, et ils n’étaient pas très disponibles. Donc, cela n’a pas été très concluant. 

Tous tes défis extrêmes des années 60 et 70, est-ce un moyen de tester tes limites ? D'échapper à quelque chose ?
Non non, je n’essayais d’échapper à rien. C’est plus par esprit de contradiction, que chaque fois que l’on me disait « Ça, c’est un truc impossible à faire ! », je dressais l’oreille, et si le challenge me plaisait, je le tentais…

Pensais-tu prouver quelque chose à toi même ou aux autres ?
Non, c'était vraiment de montrer que l'on pouvait faire quelque chose qui était considéré comme « irréalisable » ! C’était l’époque des Maurice Herzog, Haroun Tazieff, Paul-Émile Victor, Eric Tabarly, etc.
Paul-Émile et Eric étaient des amis, et nous étions surnommés « les conquérants de l’inutile ».
De mon côté, j’avais déjà à mon actif la traversée de la Vallée de la Mort (1966), Tahiti-Bora Bora en monoski nautique non stop (300 kms) en 8 heures (1968), Calvi-Cannes (170 kms en pleine tempête), et une première, tracté toujours en mono ski derrière le voilier d’Alain Colas au large de Tahiti (1972) !
C’est aussi à cette époque que j’ai fait la connaissance d’Arnaud De Rosnay qui cherchait un distributeur pour la France pour son Speed sail. Je commercialiserai ses engins au sein de l’entreprise Banzaï par la suite. Nous avons fait un bout de chemin ensemble, et je l’ai retrouvé quelques années plus tard sur l’atoll de Ahé aux Tuamotu, lors de sa traversée manquée Marquises-Hawaii. Je lui ai consacré un chapitre dans mon livre « Le coureur d’atolls ». Je peux même te dire que c’est un peu à cause de moi qu’il a entreprit par la suite tous ses défis. Il a malheureusement disparu entre la Chine et Taïwan un an plus tard. J’ai gardé beaucoup de photos de lui…

 

CONTINUES ON PART 2

 
Jean-Pierre Marquant et sa fille Alexandra à Tahiti.
José de Matos, Xaviers Lannes et Thierry Dupin sur les Champs en 1977.
Thierry Dupin et José de Matos, 1977.
Jean-Pierre Marquant teste ses planches avec Xavier Lannes et José de Matos.
Jean-Pierre Marquant et José de Matos sur la plateforme de la fameuse “banane“ Banzaï, démo à Grenoble.
 
      the book that hosts ghosts