Jim Fitzpatrick :
exclusive interview 2011

Introduction

Depuis la lecture d’un article dans le livre de Michael Brooke (“the concrete wave“, Warwick Publishing, 1999), j’attendais l’opportunité de croiser un jour, le chemin de Jim Fitzpatrick. L’évocation de son voyage en France durant l’été 1964, quelques skates sous les bras, me semblait trop belle pour ne pas essayer d’en savoir un peu plus… Autant dire que lorsque Xavier Lannes m’a relancé sur ce projet en me demandant si j’avais toujours envie de l’interviewer pour nos sites respectifs, je n’ai plus hésité !

Voici ce témoignage en V. F. et en V.O. dans “Endlesslines“
.

Enjoy ! En joie !


Des Fitzpatrick

Où et quand es-tu né?
Je suis né à San Diego, en Californie le 10 Février 1948.

Quelle était la profession de tes parents ?
Mon père était un survivant de la seconde guerre mondiale. Il a combattu aux Philippines. Il a été capturé à deux reprises par les forces japonaises et leur a échappé… À deux reprises !
C’était un artiste, illustrateur et écrivain. Plus tard, Il est devenu auteur et metteur en scène pour le cinéma. Finalement, il a créé sa propre société de production à Hollywood avec laquelle il a réalisé des films documentaires.

D’où vient ta famille ?
Mon père est né dans l'Oklahoma où les Fitzpatrick possédaient d’immenses propriétés au milieu des années 1800, en raison de l'immigration irlandaise et de la ruée vers ces territoires.
Ma mère est née à San Diego. Ses parents avaient pressenti cette ville comme une terre d’opportunités, et mon grand-père y a amassé une fortune. Pendant la Grande Dépression, il avait lancé sa propre entreprise, un commerce de distribution de fruits et légumes. Il avait obtenu le contrat pour approvisionner l'U. S. Navy et c’est devenu très lucratif pour lui. À une époque, il possédait plusieurs biens immobiliers dans la région de San Diego. Il m'a enseigné beaucoup de choses sur la gestion des biens : « Fait le travail tout seul et économise ton argent ! ».

As-tu encore des liens familiaux avec l'Europe ?
Nous sommes allés en Irlande à plusieurs reprises au cours des dix dernières années et nous avons réussi à retrouver nos racines ancestrales. Il y a un phénomène intéressant qui a été analysé récemment au sujet des vagues migratoires dans un excellent livre, "Ancestral Links." Ce qui se passe, c’est que lorsque cette émigration a eu lieu, il y a eu une sorte de séparation psychologique. Ceux qui sont restés ne voulaient pas reconnaître le succès de ceux qui étaient partis. Et de l’autre côté, les Irlandais exilés n'avaient pas envie de penser à la mère patrie et à ses problèmes. Cela semble être le cas dans notre famille. Les Fitzpatrick que nous avons rencontrés en Irlande nous ont dit  : « Ouais, c'est bien, et alors ? ».

As-tu des frères ou des sœurs ?
Deux sœurs, plus jeunes que moi. Toutes les deux sont enseignantes, comme moi. L’une est à la retraite avec son mari, elle vit au milieu de la Californie, l'autre est dans le Colorado avec son fils qui vient de rentrer d'un bref passage en Irak.

Quels étaient tes jeux d'enfant?
J'étais passionné par les sports traditionnels. J'étais parti pour devenir un joueur de baseball et de football professionnel. Une des amies et collaboratrice de ma mère a été mariée à un joueur de football du L.A. Ram. Il venait parfois nous rendre visite à la maison, et c’était super. J'ai pratiqué tous les jeux traditionnels des États-Unis, sauf le soccer qui n'existait pas à l'époque.

Quelle a été ton éducation ? Tes parents étaient-ils permissifs ou stricts ?
J’ai été élevé dans le style typique des années 1950, à une époque où les écoles publiques américaines étaient les meilleures du monde. Et cela a plutôt bien fonctionné pour moi. J'étais intelligent, hyperactif et sans médicaments pour contrôler mon comportement ! J'ai souvent créé des problèmes et j’ai eu quelques ennuis. Mais rien de vraiment sérieux. J’ai apprécié l'école parce que mes parents n'en avaient rien à faire de savoir si j'allais réussir ou non. Enfin, attends, ce n'est pas tout à fait vrai ! J’étais suffisamment bon pour qu’ils acceptent ces petits à-côtés. Ils savaient que je pouvais avoir de meilleurs résultats, mais ils ne s’arrêtaient pas à ce seul aspect.
Mon éducation a été très libérale, tolérante. Mon père m'a dit une fois : «Hé, tu es vivant et je suis vivant. À certains moments, pendant la guerre, je me disais que j’allais mourir et je ne suis pas mort. Donc, aussi longtemps que nous sommes en vie, tout va bien ! ».

As-tu reçu une éducation religieuse ?
Pas vraiment. J’allais à une école biblique le dimanche [les Sunday Schools – très populaires aux USA, ndlr] avec mes sœurs quand j’avais 10 ans et elles, 7 et 5 ans. Mais j'ai vite découvert que si je faisais en sorte de m’assurer que mes sœurs étaient dans leur classe, dès lors je pouvais prendre la poudre d’escampette et traverser la rue pour aller jouer au basket dans le parc ! Finalement, j’ai fini par m’échapper pour aller skater.
J’ai eu des amis qui étaient très religieux. Des Catholiques, des Juifs, des Bouddhistes et ça fait des années que j’étudie les religions.

Topanga Beach

Où habites-tu pendant ton enfance ?
Nous avons vécu à un pâté de maison de la plage de Bird Rock, qui fait partie de La Jolla. C’est l'un des plus beaux endroits au monde où vivre. C’est maintenant très huppé et très cher. Mais dans les années 50, tout notre quartier était composé de familles de classe moyenne vivant avec 5000 dollars/an. Presque toutes les familles avaient des parents qui travaillaient à la construction aéronautique chez “Convair Aeronautics“. On y construisait des avions, des roquettes et des missiles. Le travail de mon père était de produire des films documentaires sur les lance-roquettes et les missiles, ma mère y était secrétaire.
Notre maison sur l'avenue de Waverly Bird Rock était un foyer typiquement Américain, sûr et sécurisé. Notre rue était la seule sur des miles à la ronde qui avait encore un revêtement en terre ! Lorsque nous avons déménagé à Malibu en 1960, elle venait d‘être pavée depuis seulement 6 mois !
C'est à l’occasion de ce déménagement que ma vie a pris un tournant majeur : nous nous sommes installés dans une maison construite sur la plage, les pieds dans le sable, à Topanga Beach, à Malibu en Californie.

Aviez-vous souvent déménagé auparavant ?
Quand j'étais beaucoup plus jeune, nous avions déjà vécu dans un autre endroit. Mais c’est notre déménagement à Topanga Beach qui a tout changé.

Tu as vécu ce moment historique de l’apparition du teenager dans la société américaine. Quelle a été ton expérience de ces changements ?
C’est une putain de chance d’avoir vécu cette époque, c’est tout ce que je peux te dire !
Dans les années 1950, les premiers pas de mon père dans la production cinématographique nous ont vraiment mis, lui et sa famille, dans une situation inhabituelle. Il était ami avec des tas de gens d’Hollywood, c'est la raison pour laquelle nous avons déménagé à Topanga Beach. Là-bas, avec le mélange des milieux du surf, du skate, des acteurs et des actrices, tout a explosé pour moi et pour ceux qui vivaient ça.

Pour te donner un exemple, il y avait une salle, le “TAMI show“ qui était en face de la rue de mon lycée. Les Rolling Stones, les Beach Boys, James Brown y sont passés et aucun de nos enseignants n’était au courant de ça !

J'ai eu de formidables opportunités. Mon père a commencé à faire des court-métrages pour l’émission “Tops of The Pops“ de la BBC. C’était un spectacle qui mettait en scène des vedettes de rock américain du moment. Nous avons fait des shows avec les Mamas and the Papas, les Beach Boys, Gene Pitney, Otis Redding et bien d'autres... C’est le genre de personnes que je cotôyais dans le travail  !
Je fréquentais aussi le milieu du cinéma. Le fils d'Elizabeth Taylor a été un ami. Lee Marvin était un ami de mon père et son fils, l'un de mes amis. J'ai joué un peu en ligue de base-ball avec le fils de John Fante, Jimmy. Nous jouons encore au golf ensemble aujourd'hui…
Les groupes, la musique, les drogues, le sexe, le Vietnam : ce fut un moment incroyable, et je suis heureux d’avoir fait partie de ce mouvement.

Ce mouvement crée de nouvelles idoles dans la musique, le cinéma, etc. Quels étaient tes héros ?
James Bond. J’avais l’impression que Ian Fleming avait écrit ça pour moi quand j'avais 14 ans. Il pourrait bien être tenu pour responsable de mon intérêt pour la lecture sous toutes ses formes !
Et ensuite, "The Magnificent Seven" (“Les Sept Mercenaires“) a été une véritable expérience pour moi. Le style.

Plus tard, j’ai eu pour amie, elle a même vécu avec nous pendant un certain temps, Sharon Peckinpah, la fille aînée du réalisateur Sam Peckinpah qui a tourné “Bullet“ avec Steve McQueen, un autre héros. Là encore, quel style !
Tout a été si intense, si important. Bob Dylan. Les Rolling Stones. Cream. The Who. Quand j'avais 12 ans, j'ai visité le plateau des Ozzie et “The Harriet Show“, avec tous les Nelson, y compris Ricky Nelson. Elvis, Fabian, puis les Beatles. Tout à coup, en 24 mois, la scène musicale a entièrement changé. Nous sommes passés du Kingston Trio aux Fab Four !

Adolescent, comment as-tu vécu l’assassinat de Kennedy ?
C’était brutal. Ça a tout changé. Vraiment. Il était l’espoir de la jeunesse et quelqu'un qu’on pouvait admirer pour cette fraîcheur. Il était de la génération de mes parents, pas vieux comme les autres. Soudain il est parti, et avec sa mort, la promesse de ce qu'il représentait comme futur.

Le jour de son assassinat, on était tous ensemble dans notre lycée. Le dactylographe le plus rapide du monde jouait du clavier sur la scène. Il pouvait «jouer» des chansons sur le clavier tout en tapant les paroles de la chanson, c’était fou. Deux mille enfants étaient assis là à regarder ce type taper comme un malade sur son clavier et tout à coup, le directeur adjoint de l'école est venu et a annoncé, comme ca, sans ambages : « Le président des États-Unis vient d'être tué par un assassin à Dallas ! ». Tout le monde a paniqué et est sorti de l'auditorium.

Surf

Comment et quand es-tu entré en contact avec le surf ?
J’ai découvert le surf en 1958 quand un ami, Danny Diven, a acheté sa première planche (en balsa) et a commencé à la transporter à la plage à l'arrière de la voiture de sa mère. Je suis allé avec lui pour voir. Elle nous déposait à la plage, puis elle est revenait nous chercher plus tard. Souvent, elle n'était pas disponible alors Danny et moi, portions sa planche sur la plage, à un bon mile de distance. Parfois il n’y avait plus que nous deux à l’eau. Si on avait fait tout le chemin en portant la planche, on avait bien mérité de prendre quelques vagues !

À l'époque, j’utilisais un matelas pneumatique pour surfer. Il pouvait être gonfle avec une pompe à haute pression à la station d'essence. Les mêmes pompes qu’on utilise pour les pneus de voiture. Le matelas était si rigide que nous pouvions monter sur nos genoux, et même rester debout sur de courtes distances.

Quelle est l'ampleur du phénomène surf à ce moment-là aux États-Unis ?
Le surf en 1958 ? Y avait-il des surfeurs ? Bien sûr, mais très peu surfaient en 1958, surtout chez les jeunes parce que les planches étaient encore très lourdes. Les planches de surf étaient en de bois et il fallait un “vrai“ homme pour les porter à la plage ! La plupart des surfers étaient donc des jeunes hommes. Beaucoup d'entre eux n’étaient pas ce qu’on appelle des gars très "normaux"… C’étaient souvent des sauveteurs ou des gars liés de près ou de loin à une activité en relation avec la plage. Le surf était un aspect de ce qu'ils faisaient : pêcheurs, marins, etc. Ça concernait surtout les personnes vivant sur ou à proximité de la plage. C’était très, très limité.
Il faut garder à l'esprit que l'essence était très bon marché. Elle coûtait 0,19 dollar le gallon… La vie en général était très bon marché.

Est-ce que le surf va de pair avec une certaine marginalité dans la société? Le côté bohème, influencé par la Beat Generation ?
Tout à fait, de nombreux surfeurs du début étaient des marginaux. Ils n'avaient pas d'emploi régulier, ils passaient leur temps sur la plage et avaient du mal à joindre les deux bouts. Leur mode de vie était très simple, mais rempli de ciel bleu, de bonnes vagues… En conséquence, ils étaient bronzés, beaux, en bonne forme physique, et souvent très attractifs pour les jeunes femmes ! La vie était belle.

Comment as-tu ressenti l’apparition de la Surf music au début des années 60 ? Est-ce que c’était loin de la culture des surfers ?
La Surf Music a bêtement récupéré la vraie culture surf. C’était ridicule, et ça contrastait complètement avec ce que les Beatles et Rolling Stones faisaient ! Mais au milieu de ça, les Beach Boys ont vraiment réussit à créer quelque chose qui va au-delà de cette étiquette.

Avais-tu rencontré Dennis Wilson, le seul Beach Boys qui surfait ?
C'est drôle. Oui, j'ai rencontré les Beach Boys et j’ai travaillé avec eux à plusieurs reprises. En 1963, lorsque mon père a commencé le projet avec la BBC, "Tops of the Pops", son job était de fournir chaque semaine des films portant sur des chanteurs et des groupes américains les plus populaires en Angleterre. Il envoyait les bandes enregistrées par “Air-express“ pour la diffusion sur la BBC. Ce fut une expérience enrichissante sur laquelle on travaillait en équipe de 4 avec mon père. Nous avons travaillé avec Diana Ross et The Supremes, Len Barry, Otis Redding et donc les Beach Boys.
"Good Vibrations" a été l'une des chansons que nous avons filmé sur place à Santa Barbara pour le show. Nous avons passé deux jours à surfer. J’ai un souvenir mémorable, sur la route de Santa Barbara à Hollister Ranch avec Dennis qui conduisait une moto. Quand nous sommes passés à côté de lui, il se tenait debout sur la selle, penché sur le guidon. Lorsqu’il a lâché l'accélérateur, la moto a commencé à ralentir, Dennis a réussi à garder son équilibre et se tenir debout sur la selle de la moto ! Il surfait sur la moto ! C’était un vrai casse-cou et c’est ça qui a causé sa perte à la fin. Le film a été utilise plusieurs semaines après par la BBC, y compris la version éditée et les chutes. Les films ont ensuite été sortis par un producteur dans le coffre où ils étaient stockés à Hollywood. Il produisait une émission spéciale sur les Beach Boys et a découvert des images de mon père. J’essaie encore, 20 ans plus tard, d'obtenir qu’il me redonne ces films.
L'année dernière, j'étais sur un vol de Washington, DC, et j’ai remarqué Brian Wilson assis en première classe. J'ai parlé avec son avocat qui voyageait avec lui et quand nous avons débarqué, il m’a présenté Brian. Pendant un instant, il a été très clair et à tous les points de vue, un vrai gentleman. Je lui ai parlé de notre expérience commune dans les années 1960, puis lorsque les autres personnes se sont rassemblés derrière nous, il a repris une posture différente et s’est éloigné avec l’avocat…

J'ai l'impression que je peux te poser des questions sur n’importe quoi et tu auras la réponse. Je veux toucher tes limites ! Le pape ? Elvis ? Marilyn ?
Mère Teresa. Elle et moi étions à l'hôpital ensemble. J'étais allé à l’hôpital Scripps à La Jolla, avec une terrible infection des sinus à cause de l'océan et en attendant derrière un rideau pour le médecin, j'ai entendu le bruit d'un hélicoptère à l'extérieur. Soudain, tout le personnel médical du bâtiment s’est précipité à l'extérieur et il y a eu comme un remue-ménage à côté de moi. J’ai vu tout le monde se précipiter dans le couloir et lorsque j'ai poussé le rideau, il y avait Mère Teresa, sur une civière à côté de moi, son nez proéminent dirigé vers le plafond. Elle était habillée avec sa robe de tous les jours, drapée autour d'elle.

Le Pape, nous l'avons vu à Rome en avril, il était dans sa Papamobile.

Elvis. Nous avions une amie à l'école secondaire qui était une groupie d’Elvis. Elle avait effectivement passé du temps avec lui à l'Hôtel Ambassador, mais elle n'a jamais été en mesure de nous amener pour nous présenter. J'ai été à Memphis au cours de la semaine “Dead Elvis“ il y a 15 ans, c'était incroyable ! Il y avait des imitateurs d'Elvis partout ! Mon fils et moi avons interrogé autant que nous le pouvions des témoins et j'ai finalement écrit un article assez drôle pour un magazine.

Marilyn. Le Président Kennedy était dans la maison de Peter Lawford sur la plage à Santa Monica, c'est là qu'ils se sont rencontrés tous les deux. C’était censé être un secret, mais nous avions tous découvert la surprise parce que Lawford vivait à côté de la maison de Davey et Steve Hilton était à côté de celle de mes parents sur la plage de Santa Monica. Il y avait le photographe de “Life Magazine“ avec le Président Kennedy sur la plage, mais je n'ai pas pu faire de photos !

As-tu rencontré Neil Young à Topanga quand il a enregistré "After the Gold Rush“ dans son studio au sous-sol de sa maison ?
Non, pas Neil Young. Malgré mon admiration pour sa musique, ce n'est qu’après avoir vécu à Santa Barbara, quand la fille de David Crosby était dans notre école, que j'ai fini par croiser son chemin. D. Crosby a fait un concert au bénéfice de notre école avec son ami, Jackson Brown. Ce fut une grande nuit de musique et un grand privilège pour l'école.

OK, revenons au bruit de l'océan… Sur quelle planche as-tu commencé le surf ? Était-ce une planche que tu avais acheté ?
En 1960, ma famille s'est donc déplacée à Malibu, à Topanga Beach. Notre maison sur le sable est devenue mon point d’ancrage pendant plusieurs années. Ma première planche était une "Lyman" et c'était parfait pour moi, même si c'était une board assez terrible. Elle était parfaite pour moi, car elle était en mousse, légère. Elle avait un nose incroyable et un rocker au tail. Elle faisait 8’, ce qui était petit mais j'étais moi-même petit et maigre et léger ! Donc c’était exactement ce dont j'avais besoin.

Est-ce que les petites planches pour les enfants, existaient dans les années 60 ?
Les seules petites planches qui existaient étaient celles que les surfers coupaient ! Il y avait également quelques planches courtes, par-ci par-là, comme ma "Lyman“. Mais il y avait si peu de jeunes surfers que le marché des petites planche n’existait quasiment pas.

Dirais-tu que les boards ont plus évoluées au cours des années 60 et 70 ou maintenant ?
C'est drôle, parce que l'évolution des planches de surf a fait marche arrière et on en arrive maintenant à de petites planches sans dérives ! Aujourd’hui, les formes sont beaucoup plus complexes et techniques et avec des machines et des moules. Les surfs peuvent être standardisés comme jamais auparavant et il y a une grande variété de formes pour les différents types de vagues et conditions, mais le but est toujours le même : surfer les vagues !

Dans les années 60, il semblait y avoir une seule board pour tout le monde. Je me souviens de surfeurs d'Hawaï qui étaient venu à Topanga Beach. Ils avaient apporté avec eux des “guns“ modifiés que l’on ne pouvait pas utiliser dans les petites vagues. Moi, j'avais une board que je montais quelque soit les conditions de vagues alors qu’aujourd’hui, les “quivers“ se multiplient et il semble que les gens ont de plus en plus de planches.

As-tu déjà shapé une planche ? Quels conseils donnerais-tu pour faire sa propre board ?
Avant d'aller à l'école pour étudier à l'institut Montessori en Italie en 1971, j'ai travaillé pour “Dewey Weber Surfboards“. J'ai été glaceur, je lustrais les planches shapées par Harold Iggy et résinées par Tak Hasekawa. J’ai shapé deux boards pour moi, une longboard et une autre plus courte. On me les a volées dans ma maison pendant que je vivais en Italie.
Mon ami de longue date Craig Angell, qui fait des boards pour les autres depuis plus de 20 ans, et moi-même shapons depuis très longtemps. Nous passons le plus clair de notre temps ensemble à parler à propos de leurs formes et de ce qu'il faut faire au sujet de la prochaine planche qu’il va faire.

Avec qui surfais-tu dans les années 60 ?
Au début des années 1960, j'ai régulièrement surfé avec Bill Cleary. En tant qu’éditeur et rédacteur en chef du magazine “Surf Guide“ et plus tard “Surfer Magazine“,  Bill a attiré beaucoup de surfeurs connus qui se retrouvaient après dans les pages des magazines. Mais il y avait également un autre type de surfers à Topanga Beach : Wes Armand, Mike Gaughan, Norm Ollestad. Ensuite est appurue notre génération, des jeunes comme Woody Woodward, Joey Saenz, Eddie Saenz, Nick Saenz, Michael Saenz, Félix, Juan. Bernstein Bruce et Nick Stansbury…

Qui sont les surfers que tu admires à l’époque ?
Bob Cooper a été ma première influence. Il était grand et maigre, et j'étais maigre également . Mike Gaughan, et Mike Waco avaient aussi un style incroyable qui m'a vraiment influencé. Et puis il y avait toutes les photos de Mickey Munoz. Phil Edwards aussi.

Adolescent, tu as surfé avec Miki Dora. Était-ce intimidant de surfer avec un tel personnage ? Quelle inspiration as-tu tiré de lui ?
Ma relation avec Miki a été très spéciale. Pendant 10 ans, il est venu chez moi pour aller surfer. Peu de gens avaient cette relation avec lui. Il avait l'habitude de s'asseoir et de boire du thé avec ma mère. Sérieusement. Il pouvait être très charmant, et il savait comment réussir dans des situations différentes à différents niveaux.
Nous avons toujours eu une grande amitié et j'ai toujours été content de le voir. Après que ma femme et moi nous nous soyons mariés en 1969, nous avons quitté Hawaii et nous avons voyagé en Europe pendant trois mois. Nous sommes allés du Portugal à Biarritz en voiture pour que je puisse lui montrer l’endroit où j'avais été en 1964. Nous étions logés dans le même hôtel où j’étais descendu quelques années auparavant. Une fois installés, lorsque j'ai eu besoin d'utiliser les toilettes, je suis allé au bout du couloir. J’ai ouvert la porte et là sur les toilettes était assis Miki !
« Hé ! »Je lui ai dit, « Miki, qu’est-ce que tu fous ? » Il m’a dit: «Salut mec, comment vas-tu ? Peux-tu fermer la porte et on se parle plus tard ? ».
Nous avons passé trois jours ensemble, mais Interpoll était à la recherche de trafiquants de drogue américains et nous sommes partis. Miki est allé en Espagne et nous sommes allés de notre côté à Paris et à Londres.

Dans les années 60, est-ce que tu devais t’imposer dans l’eau pour défendre un territoire ? Y avait-il déjà du localisme à l’époque ?
Le localisme a toujours été très intense à Santa Barbara. Surtout maintenant, mais cela a toujours été le cas. Quand j’ai grandi à Topanga Beach, nous gardions nos vagues pour nous. Nous sabotions les voitures des surfeurs qui se faufilaient dans notre plage privée. Quand le surf était petit, on s’en foutait ; nous laissions les surfeurs venir à la plage, puis on allait chercher des trésors dans leurs voitures en stationnement ! Quand le surf était bon, nous étions tous autour de nos vagues, et en général nous étions assez pour nous pour protéger et nous défendre les uns et les autres.

Pendant dix ans, j’ai pensé que les vagues de Topanga Beach étaient les miennes. Je pouvais décider de rider chaque vague qui venait et si je ne voulais pas la rider, je faisais en sorte que personne ne puisse la prendre. La plupart du temps, j’ai profité des vagues que je voulais. Pour un gamin maigre, j'étais un bon surfeur, et j’aurais sans doute pu croire que j'étais le meilleur à l'eau. J’étais vraiment désagréable, mais ma capacité à surfer dictait souvent ma conduite dans l’eau, plus que de beaux discours !

Maintenant ? Je suis vieux, et si je peux attraper une vague, alors vous feriez mieux de vous pousser de mon chemin ! Je m’en fous si vous partez en face de moi, mais ne me faites pas ralentir, parce que je n'attendrai pas pour vous ! Miki m'a aidé à cela. Aujourd'hui, si j’attrape une vague en premier, c'est la mienne. Et foutez le camp de mon chemin ! (Rires)

La première vague de skate

Comment entres-tu en contact avec le skateboard ?
On les faisait nous-mêmes. On les bricolait et puis c'est devenu LA chose à faire. J’aimais faire du skate parce que PERSONNE d'autre n’en faisait !

Comment était ta première planche ?
Elle était faite à la main. Une planche de bois sur laquelle j’avais cloué des patins de roller skate.

C’était en quelle année ?
1957 !

Qui est George P. Wilson? Un surfeur ? Un ingénieur ?
George P. Wilson "Buster" était un ami de mon père. Ils sont allés à l'école secondaire ensemble et ils «surfaient» ensemble sur les plages de San Diego… En fait, ils faisaient du body burf. Je pense les avoir jamais vu s’intéreser à une planche !
“Buster“ possédait 4 ou 5 “Jaguar“ et au moins une ou deux étaient toujours en cours de reconstruction dans son garage. Il avait aussi des bicyclettes haut de gamme, des fusils, des arcs de chasse. Il était toujours en train de construire ou de refaire quelque chose. Un après-midi, il dit à son fils : «  Hé, arrête de m’embêter, essaie plutôt de faire ça ! ». Et il nous a montré, à son fils et à moi, comment faire une planche à roulettes. « Nous faisions la même chose quand nous étions gosses, maintenant c’est à votre tour de le faire ! ».

Et ce fut le début pour moi…

Te rappelles-tu du mot que vous utilisiez pour nommer les skates avant qu'ils ne soient appelés “sidewalk surfing“ ?
Nous avons toujours appelé ça des skateboards ! J'ai vécu de l'autre côté de la maison des Wilson à San Diego. Ils vivaient à Point Loma, et nous vivions a Bird Rock, près de La Jolla à environ 20 miles. J'ai pris ma première planche et j’ai skaté de Point Loma, aller et retour, jusqu’à Bird Rock. Je suis passé vers la maison de Danny Diven et je suis allé le voir en lui  disant : « T’as vu ça ! ».
“Sidewalk surfing“ n'a jamais été une expression ou un terme que nous utilisions. C'était une chanson de Jan & Dean, de la surf music. C’était stupide, déjà à l’époque et ça l’est toujours maintenant ! De plus, je faisais du skate avant de surfer - J’ai bricolé ma première planche en 1957, soit un an avant que je me sois tenu debout sur un surf, en 1958 - j'ai donc été un skater avant d’être un surfeur.

Est-ce que tu en fais dans un endroit particulier ? Un parking ? Une pente ?
En 1957, nous skations sur les trottoirs de Bird Rock, devant notre école primaire. Parfois sur les parkings, y compris celui de “La Jolla Beach Shores“, car ils avaient construit un nouveau parc de stationnement le long de la plage qui était énorme. C’était pratique. Je pouvais faire du surf avec mon matelas pneumatique et faire du skate sur le parking.

Quelles sont les premières manœuvres que tu pouvais faire avec ces skates ?
Avec un skate qui avait des roues en acier ? Debout ! Rester debout ! Encore debout ! C’était tout. (Rires).
Tous mes skates avaient les roues aux extrémités, sur le nose et le tail. Il n'y avait aucun moyen de pression pour effectuer des virages. C'était un monde simple, basique. La vitesse était la seule option.

Tu as vécu non seulement la révolution des roues en uréthane mais aussi le passage des roues d’acier aux roues en argile. Racontes-nous ce passage ?
Les premières roues en terre cuite sont celles qui ont été montées sur les skates fabriqués par “Makaha“ et que Bill Cleary m’avait donné. Non seulement ces roues étaient plus tolérantes, mais il y avait une sorte de truck qui avait un espèce d’amortisseur. Avec cet équipement, ça devenait effectivement possible de faire tourner le skate en se penchant dans un sens ou dans l'autre !
Alors qu’il était impossible de faire tourner un skate avec des roues en acier. Ce n’était pas du tout envisageable.
La première fois que je suis monté sur une planche “Makaha“, c’était incroyable parce qu’il était possible de tourner immédiatement. C’est à ce moment-là que le skateboard est  vraiment devenu ce qu’on a appelé le “Sidewalk surfing“, parce qu’on a pu tourner et tourner encore. En seulement quelques minutes, je pouvais faire des courbes et carver sur la route de Topanga Beach.
La transition a été énorme.

Comment se fait le passage des roues en argile à l’uréthane pour toi ?
Quand je suis revenu d'Europe en 1964, il me restait deux planches “Makaha“, mais au lycée, mon intérêt a commencé à se porter de plus en plus vers les filles, le football et le baseball. J'ai continué à surfer presque tous les jours, mais mon attention pour le skate a un peu diminué.
Pendant ce temps, sur la route qui passait devant la maison de Woody Woodward, celui-ci continuait de skater avec Woody, Torger Johnson, Danny Bearer, John Fries et Joey Saenz, presque tous les jours. Moi, j'allais au lycée en conduisant mon bus VW, mais eux allaient au collège en skate tout le temps.
En 1965, alors que je m'apprêtais à aller en Afrique, mes amis eux, se préparaient à participer à l’“USA Skateboarding Championship“. Et c’est Woody qui l’a remporté à 12 ans. Moi, je ne savais même pas y avait un contest… Je travaillais pour Hollywood, je me faisais 150 dollars par jour, je ne me servais plus de mon skate. Je suis parti pour l'Afrique en juin 65 et lorsque je suis revenu en septembre, c’était la rentrée scolaire et je suis allé au lycée.
Pendant toute cette période, nous en étions encore à rouler avec des roues en terre cuîte. Woody Woodward. Bruce Logan. Tous.

En 1968, mon père est mort subitement, et j’ai dû m’occuper de sa boîte. En 1969, je me suis marié et je faisais plus de skate. Ma vie sans skateboard a vite prit le dessus.
En 1975, au moment de la rentrée des classes, nous avons déménagé à Santa Barbara et nous avons vécu sur Humphrey Road à côté de Miramar Beach (Jack Johnson y vit maintenant). Nous avons eu deux enfants et nous vivions grâce à l’aide sociale. Un beau jour, je vois par la porte, un gosse qui roulait sur une planche “Sims“ avec des “Cadillac“. J'ai pensé : « Qu'est-ce que c’est que ce truc ? Pourquoi est-ce que ça ne fait pas de bruit ? », « Hé » je lui ai lancé, « Je peux essayer ta planche ? »

Wow ! Ce fut ma première expérience avec les roues en uréthane et je n’arrivais pas à croire ce qui m'arrivait. Quelques mois plus tard, le père du garçon est venu rechercher la planche, il m’a demandé : « Hé, mec, tu n’as pas vu le skate de mon fils ? » (Rires)

Dans les années 60, le skate est-il un phénomène seulement Californien ?
Au début, le skate a peut-être pu être associé à la Californie, mais très vite, dès les années 60, il y a eut des skaters au Texas, en Floride, dans le New Jersey … Là où le surf existait, il y avait skateboarders qui commençaient à s’y mettre aussi.
Je n'ai jamais envisagé que le skate puisse être une chose extraordinaire pour les autres. Ça l’a été pour moi, ça me distinguait des autres et ça me faisait me sentir spécial. Mais c’était lié au regard des autres, aux sentiments que cela suscitat : «Comment diable pouvez-vous faire ça ? Hé, chérie, viens voir ce que fait ce gosse avec cette planche ! Regarde-le, c’est dingue ! »



Makaha

Comment as-tu rencontré Larry Stevenson ?
Larry était un gars très occupé. Il avait fondé un magazine de surf, “Surf Guide“ qui était en concurrence avec “Surfer Magazine“ créé par John Severson.
Larry avait recruté Bill Cleary pour devenir rédacteur en chef de “Surf Guide“. Bill venait de l’université d’UCLA avec un diplôme de littérature en poche et il était bien déterminé à éclipser ce que Severson faisait avec “Surfer Magazine“. La situation est devenue très compétitive entre les deux magazines. Comme Severson était très ami avec Hobie Alter, les produits “Makaha“ de Stevenson sont devenus les concurrents directs de ceux d’“Hobie“ ! Ce sont devenus les deux grands rivaux du début des années 60. “Makaha“ contre “Hobie“ et “Surf Guide“ contre “Surfer Magazine“ !

Participes-tu à l’élaboration des premières planches “Makaha“ qu’il commercialise en 1963 ?
Seulement dans le sens où nous voulions tous contribuer pour vendre encore plus de skates. J’avais 15 ans à ce moment-là et mon boulot consistait plus à balayer le sol et à aider à l’usine qu’autre chose !

Comment se constitue le team de skate “Makaha“ ?
À l’origine, il n’y avait pas de team. Pendant les six premiers mois, j’étais le team !
Il y avait une poignée de planches et je les skatais… Ça a commencé tout doucement et puis tout d’un coup, il y a eu une sorte d’explosion ! À partir de là, le plus difficile a été de trouver des bons skaters. On allait dans les écoles et sur les plages et on skatait. Ça a simplement commencé de cette manière.

Dave Rochlen. Jr. assez brièvement, puis Bob Feigel, qui vivait lui aussi à Topanga Beach, ont été les premiers “managers Makaha”. Ils nous amenaient à chaque fois dans des endroits différents. Ensuite, on a eu l'idée de contacter d'autres entreprises pour faire des démos pour eux. On faisait les ouvertures de magasins et à chaque fois, devant une foule immense. Feigel était une personne importante parce qu'il était non seulement un surfeur local, mais aussi un écrivain. Il avait une chronique dans “Surf Guide“. Ses chroniques étaient comme des fables. L’une de ses fables se moquait du sérieux et du manque de fun de John Severson et de “Surfer Magazine“ à tel point qu'une demande en justice a été déposée par Severson !

Quels étaient les autres skaters de l'équipe ?
Greg Carroll et Bruce Logan qui étaient de “South Bay" (la localité où est maintenant LAX), puis ce fut George Trafton, John Fries, Woody Woodward, Danny Brearer, et pendant un bref moment Davey et Steve Hilton. C’était une sacrée équipe ! En 1964, nous avons tous fait une démonstration sur la scène du théâtre grec à Santa Monica High School. Ce fut la dernière démo que j’ai faite… Tous ces skaters étaient au collège et moi, au Lycée. Je passais de moins en moins de temps sur un skate…

Tu les connaissais tous avant de rejoindre l’équipe “Makaha“ ?
Je n’ai jamais vraiment connu Bruce Logan ou Greg Caroll. Je n'ai rencontré Bruce que l’année dernière quand j'étais le speaker officiel pour son intronisation au “Skateboarding Hall of Fame“. Nous étions tous les deux très contents d'avoir enfin la chance de nous rencontrer !

Parallèlement au skate es-tu déjà dans une équipe de surf ?
Oui, je faisais partie d’un certain nombre de teams : le premier fût “Con Surfboards“ (Con Colburn), ensuite, je suis passé avec “Dave Sweet Surfboards“ pour quelques années mais je ne me suis jamais intégré au “Sweet Team“. Pour finir, j’ai fait partie de l’équipe “Hobie“ qui était la plus prestigieuse. L’équipe “Hobie“ était dirigée par Dave Rochlen, Jr. qui, pendant un moment, était également le gérant de l'équipe “Makaha Skateboards“. “Hobie“ l’avait fait venir pour transférer les Hilton, de l'équipe de “Makaha“ à celle d’“Hobie Skateboard“ et les choses sont devenues très compliquées à cause de ça par la suite…

Dans un magazine français, "Skatin'" (n°2, 1978) Larry Stevenson parle d’une compétition en décembre 1963 : la “Makaha National Skateboard Championships". Y as-tu participé ?
Je ne sais pas… Es-tu sûr de la date ? Je n'y ai pas participé. Bizarre…

Avais-tu une spécialité ? Une figure que tu étais le seul à le faire ?
Les “tricks“ apparaissaient si rapidement que si quelqu’un arrivait à faire quelque chose qu’il était seul à faire, tout le monde essayait immédiatement de le copier encore et encore jusqu'à pouvoir le faire aussi !

As-tu senti qu'il y a eu un déclic dans la société américaine par rapport au skate ? L'article du magazine "Life" en 1965 ? Le film "Skater Dater" en 1965 ?
Le skate était “américain“ parce qu’en parallèle, nous avions la culture du surf pour aller avec. C’est pour ça que nous avons pris tellement de plaisir à Biarritz quand nous y sommes arrivés en 1964. Je n'avais que 12 skates “Makaha“ avec moi. Il n’y avait que cinq ou six d'entre nous qui skataient, mais on pouvait nous voir PARTOUT. J'ai laissé quatre de ces planches derrière moi… À qui ? Jean-Marie et François Lartigau ? Joël de Rosnay ? Je ne sais pas qui a fini avec ces planches que j'ai laissées… Traquer ces planches serait une sacré histoire ! Ce fut une merveilleuse expédition, je me sentais comme un “ambassadeur“ de la culture de la Californie du sud.

"Skater Dater" a été filmé par Michael Murphy, qui était le cameraman de mon père. De nombreuses années plus tard, c'est devenu un sujet de discussion entre Murphy et moi. Murphy a réalisé, après le décès de mon père que si celui-ci avait simplement filmé ma vie, et comment le surf et le skate se sont développées en même temps que moi, ça aurait fait un incroyable documentaire ! Mais mon père était trop occupé à vivre sa vie avec sa famille et ses enfants. Le surf et le skate ont simplement été quelque chose que j'ai fait dans ma jeunesse. Ni lui ni moi n’avons jamais considéré les aspects “historiques“ de ce que nous faisions…

Penses-tu que le skate était considéré comme un sport à cette époque ? Ou juste un jouet pour enfants ?
Ça n’était pas un sport. Il n’y avait aucune reconnaissance de la pratique. C’était simplement une planche avec des roulettes et c’était suffisant pour nous ! Personne n'y prêtait vraiment attention. Parce que personne d'autre que les adolescents, ni les jeunes un peu plus âgés que nous ni les adultes n’y trouvaient un intérêt. Larry Stevenson a été l'un des rares "adultes" à avoir pressenti l’avenir du skate. Dès les premiers jours, il a su que le skate serait un phénomène mondial.




Le boom des années 60



Une célèbre photo de toi est souvent reproduite sur un plan incliné, en short, un grillage au fond de l’image. Te rappelles-tu où c’était ?
La photographie a été prise en 1964 à la Brentwood Elementary School de San Vicente Blvd., à l’Ouest de Los Angeles. Nous skations cet endroit aussi souvent que possible.
C’est marrant parce que 10 ans plus tard, en tant que jeune père, je suis retourné à Santa Monica avec ma femme et nous avons enseigné dans cette même école ! À cette époque, en 1975, je ne me souviens pas avoir jamais vu quelqu’un skater là.
C’est seulement l'an dernier lorsque les banks ont été entièrement refait avec de l'asphalte neuf. Depuis des années, la surface était fissuré et remplie de mauvaises herbes. En fait, les dirigeants de l’école étaient bien contents que les skaters ne puissent plus utiliser ces banks !

Deviez-vous sauter un mur ou un grillage pour aller skater dans des écoles ?
Non. Il faut dire que dans les années 1960, elles étaient grandes ouvertes. Il y avait quatre autres écoles avec différents terrains que nous allions visiter. Feigel ou Jim Ganzer (qui plus tard a développé “Jimmy-Z“) nous ont également conduits à l'école Bellagio, ou Paul Revere Junior High School, ou Palisades High School. Ils avaient tous des remblais de différentes hauteurs et longueurs. Paul Revere était le favori de certains… Bellagio était dangereux et rugueux comme Waimea Bay ou n’importe quel endroit pour surfer de grosses vagues.

Est-ce que les revenus du skate étaient suffisants pour que vous puissiez en vivre ? Comment étiez-vous rémunérés ?
Je n’ai jamais été payé quoi que ce soit, mais je n'ai jamais acheté de skates.
Quand je suis allé en Europe en 1964, de manière assez compliquée, “Makaha“ m’a aidé à payer mon voyage alors que je n’étais plus dans le team. Plus généralement, lorsqu’il y avait des démonstrations et des voyages un peu partout, nous n'avions jamais à payer pour les déplacements. Tous nos trajets étaient pris en charge, même les hôtels. L'équipe “Makaha“ est allé à Hawaï, simplement pour voir les Hilton et l'équipe “Hobie“. Jim Ganzer était team manager “Makaha“ pour ce voyage dont je ne faisais pas partie. Mais il n'y avait aucune rémunération ou aucun honoraire de quelque nature que ce soit pour ces événements.

Quel était le meilleur skater de cette génération pour toi ?
Eh bien, au début c'était moi (rires), mais quand je suis revenu d'Europe en 1964, j'ai réalisé que Woody, Frie, Torger, Danny Brearer et Trafton m’avaient laissés derrière. C’était vraiment incroyable de voir ce qu’ils pouvaient faire avec un skate et surtout la vitesse avec laquelle ils pouvaient le faire… J'ai en quelque sorte raccroché ma planche parce que j'ai réalisé qu'ils m’avaient laissé loin derrière !

En fait, à mon retour d'Europe à la fin d’été, j'ai eu quelques jours bien remplis avant que la saison de football ne recommence à la rentrée. Ces activités sportives estivales étaient très intenses, une “double dose“ ("Two-A-Days") de séances d’entraînement, le matin et l'après-midi. Si tu voulais vraiment jouer au football et être dans l’équipe, il fallait survivre à ces pratiques intenses qui se sont terminées dès le début de l'année scolaire.

As-tu essayé de skater les piscines vides dans les années 60 ?
En 1964, après être allé en Europe, nous sommes allés à la maison de Rand Carter à Pacific Palisades et nous avons skaté dans sa piscine, autour de la dernière flaque d'eau qui restait dans la partie profonde. Je crois que Woody était là, peut-être aussi Trafton. Rand connaissait Danny Bearer et Jim Ganzer, ce qui fait qu'ils étaient là également. Mais tout ce nous avons réussi à faire ce jour-là a été de pousser pour skater vers la paroi opposée, là où la profondeur est la plus importante, puis essayer de monter sur le mur au-dessus de l'eau. Je ne me souviens pas d’avoir réussi à le faire. Je pense que je suis tombé à chaque fois en raison du manque de vitesse. Ma planche était trempée et les roulements sont sortis. C’était un vrai désastre, mais je crois me souvenir que quelqu'un a réussi à faire tout le tour. Peut-être Rand, peut-être Danny… Je ne me rappelle pas que quelqu'un d'autre ait réussi à le faire plus d’une fois ou deux. Je sais que M. Carter était énervé. C’était un de mes enseignants en dessin et en cours mécanique du cycle de secondaire. Un gars très direct et il était très énervé quand il a découvert que nous avions joué avec la surface de sa piscine !

À ce moment, skatiez-vous pieds-nus ou avec des chaussures ?
Au début, on était pieds nus tout le temps. Mais mes pieds étaient en lambeaux ! Toujours en sang. Les chaussures étaient un problème, mais le manque d’adhérence était un problème encore plus grave. Je suis donc allé dans un magasin de bricolage où l'on vendait quelque chose qui ressemblait à ce qui allait devenir le griptape. C’étaient des bandes d’une sorte de caoutchouc avec du sable imprégné à l'intérieur, on l’utilisait pour mettre sur les bords des escaliers. J'ai collé ces bandes sur ma planche !

Plus tard, avais-tu un modèle de chaussure particulier que tu portais ?
Des “Jack Purcell“. Elles étaient faites pour la voile. C’était un super modèle avec une semelle qui avait beaucoup d’adhérence. D’ailleurs, je porte une paire de “Purcell“ sur la photographie à la Brentwood Elementary School.

Te rappelles-tu l’apparition de la première chaussure conçue pour le skate en 1965, la Randy “720“ ? L’avais-tu essayée ?
Non. Je l’ai jamais vu.

Dans les années 60, il y a des dizaines de fabricants de skate. Qu’est ce qui faisait la différence entre un bon et un mauvais produit à cette époque ?
Pour moi, un bon produit c’était un produit qu’on me donnait ! (Rires) Je n'ai jamais acheté quoi que ce soit de ce qui avait à voir avec le skate ou le surf. Mes maillots, mes t-shirts, tout ce que j'avais et qui touchait de plus ou moins près au surf et au skate, on me le donnait ! Ou, mieux, je le gagnais !

En 1964, L. Stevenson raconte qu'il avait déjà développé des roues en polyuréthane et en 1965 et H. Alter dit qu'il avait été approché par une société "American Latex" pour commercialiser des roues en uréthane. Sais-tu quelque chose à ce sujet ? As-tu eu l'occasion de tester ce type de produit à ce moment-là ?
Non, j'étais trop occupé à “faire“ pour avoir à “penser“ au sujet des produits. Je n’envisageais pas comment j’aurais pu y être impliqué… Les choses auraient sûrement été différentes si j'avais eu plus d'attention, si je m’étais mis à y penser plus sérieusement. Mais en fait, je m’en foutais complètement ! J'étais tout simplement trop occupé à pratiquer le surf, le skate et… Les filles ! Avec le recul, je m’aperçois que ce qui m’intéressait réellement était d’être avec des filles. Plus que toute autre chose ! (Rires)

CONTINUES ON PART 2

 
Jim Fitzpatrick, 2010.
“The Magnificent Seven“, John Sturges, 1960.
Steve McQueen, en équilibre entre loyauté et rebellion.
Jim Fitzpatrick, Topanga, 1962.
(Photo : Bruce Bernstein)

Bill et Mary Cleary, Topanga, 1963.
(Photo : Robert Herron)

Bill Cleary, Mary et George Van Noy à la maison du Dr. Schweiger, 1963.
(Photo : Robert Herron)
“Muscle Beach Party“, William Asher, 1964.
(Tourné à Topanga Beach)
“Good Vibrations“, Single 1966.
Bob Cooper, 1964.
Micki Dora.
“Petersens Surfing Yearbook 1964“, 1964.
Larry Stevenson, fondateur de “Makaha“.
“Makaha, Surf & Ski Skateboard“, logo.
Quatre modèles "Makaha“ des années 60.
Quatre modèles "Makaha“ des années 60 (bis).

Jim Fitzpatrick, Brentwood Elementary School, San Vicente Blvd., Los Angeles, 1964. (photo : Bill Burkett)
“Surfer Guide", article sur Woody Woodward, page 21, octobre 1964.
“Surfer Guide", Woody Woodward, page 23 (détail), octobre 1964.
Steve Hilton, Anaheim, “Quarterly Skateboard Magazine“, issue n°3, 1965.
 
 
      the book that hosts ghosts