Flavien Asse :
exclusive interview 2005
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CONTINUED FROM PART 1

Les spots/le matos

Tu skates souvent à Béton Hurlant, quelle était ta partie préférée ? Les piscines ? Le half-pipe ?
Béton c’était le meilleur spot en France. Mes deux parties préférées étaient le half-pipe et  le petit bowl qui était juste derrière.

Sortir au-dessus des copings en béton dans ces bowls, c’était énorme à l’époque… Était-il seulement possible de rouler dessus vu la largeur des trucks ?
C’était assez compliqué car en effet, ils étaient énormes, mal foutus, on s’est pas mal cassé la gueule, mais c’est comme tout, au bout d’un moment t’arrives à faire avec. Les trucks commençaient à s’élargir alors ça simplifiait, mais ce n’était pas les spots les plus ridés à Béton. Le plus ridé c’était le half-pipe.

Quelle est ta meilleure planche de park ?
A l’époque c’était ma Alva !

Chaque skateur a sa figure favorite Toi, tu faisais quoi, mieux que les autres ?
Mieux que les autres ça serait prétentieux, les aerials je kiffais bien, les grinds , une figure qui s’appelait « rock n’roll » (rien que le nom me plaisait !) qui consistait à arriver en haut du pipe, poser les roues avant sur la partie plane du pipe, la planche touche l’angle droit du pipe situé au bout de la vertical et de la partie plane, la planche se coince et un coup de hanche permettait de faire un kick turn (back ou front) pour redescendre.

Vas-tu skater d’autres skateparks en France ?
Ouais mais bof…

Lorsque le team “Santana“ fait l’inauguration du skatepark de Fréjus, y vas-tu ? 

Je m’en souviens vaguement … Je me souviens d’un park pas vraiment fini…

À part Béton, quel est le meilleur endroit que tu aies skaté en France ?
Définitivement Béton. C’était le meilleur !

Lorsque la bande à Alexis revient des États-Unis, te souviens-tu d’un grand décalage ?
 Ah oui ! Grâce à eux le skate en France a fait un bon en avant quand ils sont revenus. Des nouveaux tricks, du nouveau matos, plein d’histoires…

Est-ce qu’ils ramènent du matos que vous n’avez jamais encore vu ?
Mannix m’avait filer un bout de son « pizza grip » un antidérapant jamais vu en France qu’il avait ramené de son périple et que j’avais mis sous mon pied avant et puis je crois que je lui avais racheté ses YOYO oranges un peu plus tard. Elle m’avait fait délirer ces roues avec sa planche Dogtown je peux te dire qu’à l’époque ça déchirait !

Quel est le matériel sur lequel que tu as le plus fantasmé sans réussir à l’avoir ?
La planche Dogtow de Mannix justement !

Pour les pompes, tu étais plutôt Pony, Aigle Yachting ou Palladium ?
Rien de tout ça, ma mère m’avait ramené d’un voyage aux USA une paire de Pro-Keds qu’on voyait sur les pieds de Tony Alva ou Peralta dans les magazines. J’étais comme un ouf ! Puis après, j’achetais mes Vans chez Chattanooga, il n’avait qu’une couleur dans ma taille !

Tu as bien connu Alexis à l’époque, qu’est-ce qu’il avait de plus que les autres ?
C’était un mec super cool qui riait tout le temps, et surtout il était super doué avec lui tu apprenais rien qu’en le regardant. Pour moi à l’époque en skate park il n’avait pas d’équivalent…

Les tournées/les compétitions

C’est avec qui que tu as fait le plus de démos ? C’était à quel rythme ?
Le plus de démo, je pense que c’était avec Thierry Dupin. A peu près tous les week-ends.

On vous appelle pour des inaugurations de supermarché ?
On était assez sollicité pour des démonstrations dans les supermarchés, sur les parkings, les skateparks qui s’ouvraient...
Une anecdote : j’étais parti avec Thierry Dupin à Lyon en tournée, j’avais un tout nouveau sponsor : Danone ! j’étais super fier. J’avais pris des stickers Danone dans les mains et dès que je faisais une figure qui consistait à poser les mains sur la verticale de la rampe et faire glisser le skate tout en tournant, les stickers se collaient sur la rampe ! C’était ma mission Danone !

Alexis Lepesteur me racontait les “sorties“ avec Zone 6, en van. Tu étais de la partie ?
C’était le van aménagé à l’américaine il y avait un grand matelas à l’arrière, c’était le boxon, la rigolade ! Zone 6 c’est un de mes meilleurs souvenirs, lorsque l’on partait en van faire les démos avec toute la bande, je peux te dire que dans le van il s’en passait des belles à l’arrière… Et le soir dans les hôtels c’était le souk !

L’été 1978, tu te retrouves sur la tournée “Samos 99“, comment ça s’est passé ?
Je suis en vacances au Lavandou dans la maison de mes grands parents avec mon père, on apprend qu’une démonstration va avoir lieu sur un parking du centre ville. Alors avec mon père on descend et là je retrouve des potes (plus âgés que moi car quoiqu’il arrive j’étais toujours le plus jeune…) avec qui je skatais, ils vont voir leur boss, et disent : « il faut que tu prennes ce gars là pour faire la démo avec nous, tu vas pas le regretter » donc je prends ma planche et puis je fais du saut en longueur et de la ramp et je me retrouve à faire partie de la tournée Samos. Le lendemain je suis en photo dans le journal !! C’était une bonne expérience, un bon souvenir…

Quels sont les skaters qui font cette tournée ?
Je ne me souviens pas de leurs noms…

Avant le championnat de France à Marseille en 1978, est-ce que tu fais des compètes ? Des coupes de France ?
Ouais, des compètes au Troca, mais j’étais pas un féru de compètes.

T’avais une discipline favorite ?
J’aimais bien le saut en longueur et en hauteur, le freestyle, la descente et puis la rampe et le park ont pris le pas, je crois que c’était là dedans que je me démerdais mieux.

Comment voyais-tu l’aspect compétition du skate, avec ta culture sportive familiale ?
Pour moi, je me répète, c’était de la rigolade, une passion, donc du plaisir constant. L’esprit de compète, je n’en avais pas tant que ça à l’époque, même si ça faisait plaisir de se faire remarquer grâce à bon résultat.

Dans ta catégorie, quels sont tes adversaires ?
On était pas beaucoup à être aussi jeune  (7-8-9 ans) et  à skater honorablement. Je me souviens surtout du jeune frère Boiry avec qui il y avait une pseudo concurrence, mais comme on était copain c’était tant mieux pour celui qui gagnait.

Te rappelles-tu de la descente à Luminy où tu finis 2éme ? Où t’entraînais-tu pour les descentes ?
Ouais ça je m’en souviens bien ! Quand je me suis retrouvé en haut de la descente je me suis dit « il faut que je descende tout ça sans freiner ! » et puis je me suis laisser descendre. Je m’étais bardé de protections Santana, les genouillères servaient d’épaulières  et de coudières ! Et puis c’est parti…
J’avais pas d’entraînement particulier, ou de pistes particulières. Mais quand j’ai débuté le skate, je ne faisais que des descentes assis sur mon skate. Avec mon frère Grégory et mon cousin Tristan, on se chronométrait  et on jouait au premier arriver en bas. Ça a aidé après pour toutes les compètes de descente.

Ta pire chute ?
Au Troca, sur un saut en hauteur, en pleine compète. C’était un élastique et non une barre. J’ai touché, les pieds se sont pris dans l’élastique et j’ai cogné la lèvre supérieure sur le skate, ça pissait le sang ! Mais le pire c’est qu’après m’être fait recoudre la lèvre, elle continuait à gonfler et à s’infecter, je suis retourné chez le docteur, il m’a réouvert et il s’est aperçu que j’avais encore un bout d’antidérapant dans lèvre.

Après cette compète, le skate s’effondre assez rapidement. Comment vis-tu cela  Est-ce brutal pour toi ?
Ouais ce fût dur ! Sur la fin, il n’y avait plus qu’un petit groupe (la bande Zone 6) qui skatait à Béton et bien sûr ça faisait longtemps qu’on ne payait plus, donc petit à petit ça s’est effondré…

Est-ce que tu t’investis dans un autre sport  Qu’est-ce qui remplace le skate ?
Le BMX ! Je me suis bien amusé aussi et bien investi mais moins que dans le skate.

As-tu gardé des amis de cette époque, avec qui tu es toujours en contact ? 
Malheureusement non ! Un jour, je faisais un stage en télé et on me charge de faire une enquête sur le retour du skate pour une rubrique. Je faisais mes recherches et sur qui je tombe au téléphone ? Thierry Dupin ! Donc on se met à tchatcher et on se dit qu’on va se voir sur le plateau le jour la rubrique, mais comme mon stage c’est terminé avant l’enregistrement je ne l’ai pas revu. Sinon pendant ma période BMX, je voyais souvent Manix qui s’occupait de la boutique Chatanooga à Paris, où j’allais souvent. De temps en temps on parlait skate…

Skate et média

En 1978, tu disais rêver d’être volcanologue, tu fais quoi aujourd’hui ? 
Je bosse en télé dans la production artistique.
 
En tant que professionnel des médias et presque trente ans après, que penses-tu de l’émission « La tête et les jambes » ?
C’était une très bonne émission qui offrait l’opportunité d’éclore pour des jeunes en mettant en avant leur qualité sportive et intellectuelle.  Aujourd’hui on est dans l’ère “Star Ac“,  la tête on s’en fout, les jambes aussi ce qui compte c’est le look et éventuellement la voix…
À propos, j’ai une petite anecdote à ce sujet : en préparant cette ITW ça m'a donné l'idée de réadapter cette émission, malheureusement j'ai appris que j'avais été devancé, à une semaine près... Mon passé de skateur aurait pu me servir aujourd'hui dans mon boulot.

Etais-tu présent au Stadium pour les qualifications de l’émission avec Dupin, Almuzara, etc ?
Non.

Que penses-tu des X-Games à la télé ?
Génial, j’adore, j’en rate aucun ! Je me suis abonné à la chaîne Extrem pour voir toute cette évolution sur les sports extrêmes dont je suis toujours fan ! 

Un autre phénomène médiatique assez récent, a été le succès de « Jackass » à travers le monde et la manière de détournement que les skaters ont fait, d’un truc finalement assez proche de « Vidéo gag »… T’as suivi ça ?
Ouais, mais je ne pense pas que la « culture » skate ait été vraiment assimilé à Jackass. Jackass sont des conneries réalisées par des mecs prêts à tout dont certains font du skate. Mais ce ne sont pas de skateurs pure souche !

Le skate a contribué d’une certaine manière à nous américaniser, comme l’avait fait le cinéma ou le Jazz pour les générations précédentes. Dans ton travail, tu dois souvent te retrouver à analyser ce que la télé américaine exporte, est-ce que tu penses que ton passé de skateur t’as ouvert une compréhension de ça ?
Absolument, j’ai baigné durant toute ma jeunesse à travers le skate et le BMX dans cette culture américaine. Aujourd’hui je reste très curieux sur ce qui fait sur les chaînes américaines.

Un exemple de ce que les américains ont comme capacité à se raconter et leur absence de scrupule à monnayer leur nom ou leur vie, c’est aussi le film sur Dogtown… Qu’est-ce que tu penses de ce rapport qu’ils ont aux médias ?
En ce qui concerne le film sur Dogtown, je l’ai trouvé très bon et très vrai, j’ai beaucoup aimé. Après on adhère plus ou moins à l’idéologie marketing des américains, mais on peut dire ce que l’on veut, ceux qui étaient à l’origine du skate comme Tony Alva ou Stacy Peralta ont réussi leur carrière professionnelle, ou même plus tard Tony Hawk ! S’ils n’avaient pas communiqué sur leur nom et sur leur vie, ils n’en seraient pas là où ils en sont et à faire rêver des jeunes… Pour certains gosses ce sont des modèles à suivre.
 
Est-ce que c’est un modèle pour toi ?
Ouais, en fait j’ai le regret d’avoir arrêté le skate, j’aurais aimé continuer, car une carrière comme la leur, c’est sympa ! Pouvoir bien vivre de sa passion, c’est quand même ultime comme trip!

Comment imaginerais-tu un programme télé sur le skate en France ? Sous quel angle prendrais-tu ça ?
Le skate en France, c’est réservé à un microcosme de personnes, aujourd’hui créer une émission sur le skate sur les chaînes hertziennes c’est vouée à l’échec. Sans se leurrer, ce qu’un directeur de chaîne cherche, c’est se faire du pognon. Avec le skate comme programme il est mal barré !
C’est bien qu’il existe une chaîne comme celle d’Extrem Sport, même si ce n’est pas la plus créative car ce n’est que de l’achat de documents ou des multidiffusions de compètes. Au moins ça donne envie de pratiquer.
Plus que de créer un concept d’émission sur le skate, j’aurais bien aimé pouvoir créer une chaîne comme celle-ci…

Nous voilà arrivés à la fin de l’entretien, je te pose la traditionnelle question : c'était quand la dernière fois que tu es monté sur un skate ?        
C'était il y a 5 ans, à l'époque je bossais à "Nulle part ailleurs" sur Canal +, je fais venir dans l'émission Tony Hawk, via des skateurs qui organisait un salon du Skate. Je leur demande si Tony H. peut sauter par dessus la table de l'animateur à l'aide d'une petite rampe... Il me regarde en disant : "c'est un peu chaud, mais pourquoi pas ?", je leur dis que ce sera pas compliqué pour lui car, moi à l'époque, quand j'étais jeune, je le faisais sans problème... Il me regarde de travers : "tu sais skater  ?", je réponds "je savais !" et là il me file un skate, sous forme de défi, et j'éxécute deux trois figures old school (Kick flip, 360°...). Ils m'ont regardé et ont approuvé comme si je faisais toujours parti des leurs...
Et c'est marrant car ils ont trouvé super classe ces figures old school, alors qu'à l'époque, c'étaient les plus banales !
 J'adorerais refaire du park, même si je sais qu'il faudrait repasser par quelques frustrations, alors qu'avant c'était tellement facile… 

Un dernier petit mot sur la carrière “après-skate“ de ton père… 
Le foot toujours le foot, il a été président d’un club de D1 (Toulon à l’époque des Ginola, Olmetta, Courbis…) puis c’est exilé en Afrique pour être directeur sportif d’un club de foot d’Abidjan (l’Africa Sport).

Septembre 2005, propos recueillis par Claude Queyrel.
(Toute reproduction, même partielle, est interdite sauf autorisation)

 
Flavien Asse, Béton Hurlant, 1978.
Archives F. Asse.
La bande à Béton Hurlant,
novembre1978.
Archives F. Asse.
Mannix (sur sa Dogtown et ses Yoyo oranges), Béton Hurlant, 1978.
Publicité pour la tournée “Samos 99“, 1978.


Béton Hurlant

Samos 99

 
 

 

 

 
 
 
 
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