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n°8,
1978
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SKATEBOARD MADNESS
HAL JEPSEN
Réussir un scoop pour un journaliste,
c'est comme sortir trois roues pour skater. Avec cette interview
de Hal Jepsen, sans me vanter, j'ai réussi un scoop. C'est-à-dire
que le premier de toute la presse-skate mondiale, j'ai obtenu une
interview du réalisateur de " Skateboard Madness " (la folie
du skate) alors qu'il refuse, depuis le premier tour de manivelle,
de se confier à un journaliste. C'est ainsi que tous nos
confrères se sont cassés le nez sur ce têtu
de Jepsen. Y compris notre grand frère à tous le célébrissime
magazine américain " skateboard". C'est dire combien " Skate
Mag " est fier de son coup. D'autant que Jepsen a déclaré
après avoir feuilleté la collection de SM : " Je suis
très honoré d'avoir répondu à vos questions.
Je suis absolument stupéfait par l'extraordinaire qualité
de votre magazine. La qualité d'impression et de contenu
". Ça c'est vrai. Il l'a déclaré et ceux qui
ne me croient pas peuvent toujours vérifier. J'ai enregistré
tout ça sur une cassette. Je dis ça pour les guignols
qui voudraient mettre en doute cette interview et son contenu comme
ils avaient mis en doute la venue de Tony Alva et sa réception
à Paris par l'équipe de Skate Mag. Maintenant, parlons
un peu de Jepsen. Un type étrange. Considéré
comme un réalisateur très important dans sa partie,
il vit simplement dans une barraque en bois sur la plage de Malibu.
au milieu des buissons qui poussent sur les dunes basses. Un feu
de bois, des bouteilles, des verres, des sièges profonds,
des amis, une guitare. C'est sa vie. Et pourtant, Jepsen n'a rien
d'un hippie un peu demeuré. C'est un type brillant, drôle
et cultivé qui regarde le skate non comme un para-phénomène
qui ne durera pas mais comme un véritable fait de société.
Un moyen pour les jeunes d'affirmer leur spécificité
sans sombrer dans la guerilla anti-parentale qui a fait tant de
mal aux générations précédentes. Pour
Jepsen, le Skate est un sujet d'avenir. C'est aussi un excellent
support à la réflexion. Et, même quand il papote
pour éviter de parler de son film devant un journaliste,
Hal dit des choses fort intéressantes. Lisez donc. Et si
ça ne vous suffit pas pour tout savoir sur " Skateboard Madness
" le plus grand film jamais réalisé sur le skate,
rassurez-vous : les secrets, tous les secrets du film vous sont
révélés un peu plus loin.
Mais laissons Hal Jepsen se présenter
Bon ben, je suis Hal Jepsen. Je suis assis
avec Jo et MeIlow cat. Et on boit du Jack Daniels, bien sûr.
Je dis toujours dans les interviews que je bois du Jack Daniels
comme ça ils m'envoient des bouteilles.
Vous crovez que je pourrais en faire
autant ?
Sûrement pas.Faut être une vedette.
Moi je suis une vedette. Je fais des films sur le surf depuis une
dizaine d'années. Mon premier film a été "
Cosmic Childrens " qui a été projeté en France
plusieurs fois. Puis ça a été " Expression
Session " un film tout entier consacré à une seule
compétition. C'est un cas unique dans le cinéma américain.
J'ai fais tourner une vingtaine de gars et ils ont tous reçu
le même cachet : 200 dollars. Une " Expression Session
" est un truc très particulier. Ce n'est pas une compéti-tion
où iI faut être meilleur que les autres. C'est une
occasion de se surpasser soi-même. De se défoncer sur
une planche. Sur le plan cinémato-graphique, cela offre de
bien plus grandes possibilités.
Puis en 1973, j'ai réalisé
mon film le plus important " A Sea for yourself ".
Il y a plusieurs prises de vues dans ce film, qui ont été
réalisées en France, lors d'un voyage que j'avais
fait en 71. À Biarritz, Hossegor, etc... Le film a été
tourné avec Jeff Hakman, Bruce Valuzzi, Mike Tabling et Brad
Mc Call et en grande partie pendant l'Eurosurf 71.
J'aurais bien voulu retourner en France
depuis mais, d'une part, j'ai eu un boulot énorme et d'autre
part, j'ai entendu dire que les saisons de surf avaient été
très mauvaises.
Et le skate ?
J'ai filmé du skate dans "Super-Session"
et dans " Sea for yourself " mais de très courtes séquences.
Une minute environ. Mon film suivant fut " Go for it " en 1976.
On y voyait du surf, du skate, tous ces sports. Le Skate représentait
à peu près un cinquième du film. Mais les Anglais
l'ont rac-courci et je crois que la version définitive pour
le public européen est plus orientée vers le skate.
Et si on parlait de " Skate Madness "
?
On va y venir. (En fait, Hal ne
semble pas pressé d'y venir. Il s'était juré
de ne pas parler de son film avant la fin du tournage et ce Français
qui essaie de le faire changer d'avis avec son accent marrant commence
à l'embêter sérieusement).
En fait, ce qui m'intéresse dans
le skate, par rapport au surf, c'est que la pratique du surf, et
donc le décor cinématographique de ce sport est exclusivement
limité à certaines zones très précises.
En l'occurence, les plages à rouleaux. Le Skate, en revanche,
n'a besoin que d'un terrain roulable. Et ça, ça se
trouve n'importe où, à la campagne, en montagne, dans
les collines, dans les rues d'une grande ville ou d'un petit village,
sur les routes, partout. D'autre part, le surf implique un genre
de vie particulier imposé par les limites mêmes de
ce sport. Le Skate, c'est différent, c'est un mode de pensée.
Il suffit de dire " on y va " pour prendre du bon temps, se dépenser.
C'est à la portée de millions et de millions de gens.
C'est la raison pour laquelle ce sport prend une telle ampleur.
Finalement, sa seule limite, c'est la météo. S'il
pleut ou s'il neige, on ne peut pas skater en plein air. Mais la
plupart des pays du monde ne connaissent la neige et la pluie que
quelques mois par an.
La pluie et le beau temps, maintenant ! Ce type est prêt
à tout pour ne pas dire un mot sur son film !
Et puis, les gens peuvent toujours pratiquer
en skatepark couvert.
Il me regarde avec un petit sourire : Le
Jack Daniels interfère légèrement sur mon discours.
Si vous voyez ce que je veux dire
Jack Daniels mon il ! En fait, ce type est simplement
en train de noyer le poisson. Mais il ne m'aura pas. Et si on parlait
de Skate Madness ?
Bon. Il se résigne. En gros, ce qu'on
a essayé de faire avec Skate Madness est de visualiser le
monde du Skate. D'abord la révolution qu'a été
l'appari-tion de l'uréthane dans un monde ou seuls pratiquaient
le skate un tout petit nombre d'originaux. Puis, dans les années
70, les premiers dingues qui allaient partout, dans les fossés
de drainage, dans les réservoirs, dans les cours d'écoles,
dans les rues. Partout, Ils skataient sans aucune protection, sans
casque, sans genouillères. Rien. Même pas de cerveau...
Le film montre tout ça. Vous voyez, mon problème n'est
pas de promouvoir un sport comme un patron de journal pourrait vouloir
le faire en se disant, plus il y a de pratiquants, plus je vendrais
de papier. Il délire ce type. Où a-t-il vu une
chose pareille ? Non, pour moi, le Skate est vraiment un truc
qu'on peut pratiquer pour le seul plaisir. Je crois qu'il y a trois
façons d'aborder le skate. Skater pour soi-même, tout
seul ; skater en bande, pour s'amuser. Skater en compétition
pour se mesurer aux autres. Les trois façons sont valables.
Mais ce que j'apprécie le plus c'est la possibilité
de pratiquer tout seul, quand on veut, sans partenaire, sans matériel
très important, sans local particulier. Dans une arrière-cour
ou sur un trottoir. Ca y est, on a encore oublié Skate
Madness !
Et si on parlait de Skate Madness ?
Oui. Nos motifs, pour faire ce film ah,
ah, on y arrive ! sont les mêmes que ceux de tant
de gens qui font des magazines, ou des tee-shirts ou des roues ou
n'importe quoi. Ca y est, le voilà reparti !
Il y a des gens qui sont sensibles à l'esthétique
du skate. Et ce sont eux qui font les meilleurs pro-duits. Quant
à nous, ah, on y revient, nous croyons beaucoup au
skate, non seulement pour une exploitation de caractère commercial
mais pour son avenir. C'est vraiment le sport de demain. Ça
deviendra sûrement un sport olympique. Dès que le problème
de la compétition sera réglé. Vous comprenez,
c'est très difficile de bien juger une compétition
de skate. En descente ou en slalom, pas de problème. Le premier
a gagné. Mais en Park ou en free. C'est trop nouveau. Les
juges manquent de référence. C'est dans son film,
ça ? Pas l'impression, moi ! Ils ont beaucoup de
mal à juger. Nous devons créer des références,
des critères d'appréciations. Je prendrais une comparaison
: regardez le vin par exemple. C'est très difficile à
juger. Pour un Américain, sûrement ! Il
y a des gens qui préfèrent le vin français
et d'autres le vin de Californie. Arrêtez-le ou je fais
un malheur. Moi, par exemple, celui que je préfère,
c'est un vin mexicain le Santo Tomas. C'est très subjectif.
Subjectif ? C'est sûrement pas le mot que j'aurais employé.
Ce vin mexicain est parfaitement subjectif. Vous vous voyez dire
ça à un sommelier en renvoyant la bouteille ?
Et si on parlait de " Skate Madness"
?
Justement. J'espère que Skate Madness
va aborder ce genre de problème. On va évoquer la
pratique individuelle, la compétition, les filles à
skate, et même le roller skate. Comment marche le roller skate
en France ?
Ça y est, c'est lui qui pose des
questions maintenant. Vous allez voir que si je ne réagis
pas, c'est lui qui va se lever en embarquant le magnéto et
en disant. Merci beaucoup, je ferais un petit quelque chose dans
le prochain numéro. Prêt à tout pour ne pas
parler de son film. À tout !
Je suis sûr que ça marchera.
Il fait les questions et les réponses ! C'est
un problème de météo. Vous avez beaucoup de
mauvais temps en France. Nous, aux Etats-Unis, nous avons aussi
du mauvais temps mais nous avons des pistes indoor pour le roller.
C'est pas vrai I C'est Albert Simon, ce type ! Et si on
parlait de " Skate Madness " ?
Le sujet de Skate Madness, c'est finalement
le skate aujourd'hui. À 80 %, la raison principale du retard
pris par le tournage, trois mois, une paille ! C'est que nous
voulons être toujours à la pointe du progrès
en matière de skate. Alors dès qu'une nouveauté
sort, nous filmons et dès que nous avons fini de filmer,
une nouvelle nouveauté sort.
Prenez les pipes, par exemple. Quand on
a voulu tourner ça, on a eu un mal fou. D'abord parce qu'on
a dû aller en Arizona. Quand on est arrivé là-bas,
les propriétaires de pipes avaient interdit l'accès
de leurs trucs aux skaters parce qu'ils craignaient que quelqu'un
se blesse et les attaque en justice. En plus, il faisait une chaleur
étouffante. On est arrivé sur un site où il
y avait des pipes formidables. On a commencé à se
mettre en place et à ce moment-là, le garde est arrivé.
Il voulait nous virer, bien sûr. Mais c'était un type
jeune, sympa. Je l'ai convaincu de nous laisser tourner cinq minutes.
Il a dit " O.K. mais pas plus parce que je vais me faire virer,
autrement. On a commencé : Le type n'avait jamais vu ça.
Il était soufflé. Il regardait les gars évoluer,
sans rien dire, la bouche ouverte. Il suait à grosses gouttes
sous sa casquette et il regardait, les yeux écarquillés.
Les skaters se défonçaient comme jamais. Il faisait
tellement chaud qu'il fallait interrompre les prises de vues toutes
les cinq minutes. Le garde allait chercher de l'eau et revenait.
Finalement, on a plié bagage à la tombée de
la nuit. On était resté là toute la journée.
Je crois qu'on était déjà revenu à Los
Angeles que le type continuait encore à nous faire au revoir
avec la main plantée au bord de son désert plein de
pipes. J'aurais bien voulu avoir une planche à lui offrir.
Les gens qui financent mon film par leur
société " Tuning point amusement film " ont un fils,
Kent Senator qui joue un des rôles principaux. Leur autre
fils, Scott Senator a dessiné et construit la rampe en aluminium
et plexiglass, ça a coûté environ cent mille
dollars (quarante-cinq millions ancien). Ce sera la plus grande
rampe jamais construite au monde. Un monument.
Ça y est, ce coup-ci, je crois
que c'est parti, il parle de son film !
Mais mes financiers ont rencontré
des difficultés. C'est normal. Le skate est un sport très
jeune. Embryonnaire. Alors les champions n'ont pas le même
sentiment de loyauté à l'égard de leurs sponsors.
Ils changent d'équipe tout le temps au gré de leur
fantaisie, ou des primes proposées. Une équipe qui
engage un champion le matin risque d'en perdre un autre le soir.
Les skaters n'ont pas le respect des droits des financiers d'équipes
et les financiers se moquent des droits des skaters. Ça crée
un monde un peu dingue. Mais je suis sûr que ça s'arrange
avec le temps. Bon, il est reparti ! Et si on parlait de
Skate Madness ?
Je crois que mon film sera un véritable
événement dans l'histoire du Skate.
Ce sera le premier film à montrer véritablement ce
qui se passe dans le skate. La motivation profonde de ce film, c'est
l'action. Je n'ai pas voulu raconter une histoire romanesque se
dérouIant dans l'univers du skate mais faire un véritable
film d'action. Ça ne m'intéresse pas de refaire "Skateboard
" avec son scénario tordu ! Bien sûr, il y aura
un scénario, une histoire, mais le vrai spectacle, ce sera
l'action. Je pense qu'on va montrer une cinquantaine des meilleurs
skaters du monde dans tous les endroits du monde possible en train
de faire les choses les plus nouvelles et les plus dingues. Mais
ça sera aussi un film pour les skaters qui veulent s'améliorer.
Je veux dire qu'on verra comment les cakes font leurs figures, ça
sera comme dans votre magazine où les lecteurs peuvent détailler
l'attitude de base d'un aérial, pour essayer de la reproduire.
Ça sera un film d'entraînement. Et ça sera un
film qui pousse à améliorer parce qu'en regardant
ce que font les cakes, les gars auront envie d'atteindre le même
niveau. Pour s'amuser autant qu'eux, ça sera un film-catalyseur.
En plus, je suis certain qu'il passionnera même les non-skaters
et qu'il les amènera à s'intéresser à
ce sport. Je dois dire aussi que l'aspect sécurité
ne sera pas négligeable. J'ai voulu montrer que les équipements
de sécurité ne constituaient pas une gène.
Tous les gars du film sont équipés de matériel
de sécurité. Ça ne porte atteinte ni au style
ni à l'esthétique. De toutes façons, le skate
atteint un tel niveau de performance que pratiquer sans équipement
de sécurité revient à conduire sur un circuit
de course sans porter de casque !
J'espère, en somme, que ce film mettra
en valeur tous les aspects positifs du skate. L'amusement, la formation
du courage, de l'équilibre, et de la volonté, la soumission
aux règles de sécurité, l'esprit de compétition,
l'esthétisme. Nous n'avons négligé aucun aspect
: ni personnel, ni sportif, ni commercial, ni artistique. En plus,
j'ai voulu un film très complet au plan cinématographique
pur. La musique est très travaillée, les effets sonores
aussi. J'ai intégré deux dessins animés au
déroulement le premier en " clay animation " est intitulé
" Concrete alley " (l'allée de béton), le second,
en pur style classique néo-disney est intitulé " lntergalactic
skateboard contest ".
Sans me vanter, je crois que ce film rassemble
un nombre incroyable de talents. Il aura coûté environ
deux cent cinquante mille dollars, mais je suis sûr que ça
ne sera pas de l'argent perdu.
Et nous donc
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SKATEBOARD MADNESS est le premier vrai film
réalisé sur le sport qui, dans l'histoire et le monde,
a subi le développement le plus rapide et le plus important.
Il offre de l'action, de l'humour et une histoire palpitante.
Tourné dans les meilleurs décors
en Californie et en Floride, il combine la qualité des images
avec une aventure passionnante et une musique remarquable. En plus,
on peut découvrir ou retrouver sur l'écran les meilleurs
skaters du monde qui font une éblouissante démonstration
de tout ce qu'il est possible de faire sur une planche.
L'histoire commence avec Stacy Peralta,
Kent Senatore, Gregg Ayres et Dan Minishred Smith réunis
à San Francisco après une compétition. Ils
rencontrent Kurt Mellow Cat Lederman, un photographe de skate du
Wonder Rolling News qui n'a pas pu faire de clichés pendant
la compétition. Pour le tirer d'affaire, ils acceptent de
le suivre dans un voyage de quatre jours et trois nuits au cours
duquel il pourra faire toutes les photos qu'il souhaite. Le voyage
se déroule dans la voiture de Mellowcat, une incroyable cadillac
rouge vif décapotable pourvue de tous les gadgets y compris
une télévision magique encastrée dans le tableau
de bord.
Mellow cat est un personnage aussi original
que sa voiture, et littéralement fanatique du skate Stacy
Peralta est un super héros blond-dragueur impéni-tent,
spécialiste tous terrains ; Kent est un brun un peu
macho sur les bords qui lève les filles comme rien et qui
essaie tout le temps d'en faire plus et mieux avec un mépris
total du danger.
Gregg est un bon vivant, mince qui dévore
des pistaches, englouti des fortunes dans les distributeurs en tous
genres et se prend d'amitié pour tous les chiens errants.
Minishred est un tout petit gosse qui idolâtre ses copains
et ne rêve,que de skate.
Pendant leur voyage qui les conduit jusqu'aux
pipes du désert, il leur arrive un tas d'aventures inattendues
dans les stations services, les motels, les snacks, les saloons.
Et si toutes leurs avances auprès
des filles échouent lamentablement, cela n'empêcha
pas le film de présenter quelques-unes des plus grandes championnes
américaines. Lesquelles n'ont rien à envier aux garçons.
Finalement, les pipes sont découverts,
aussi fantastiques qu'on l'espérait. Mais vite abandonnés
pour un monument encore plus fabuleux, la rampe transparente géante.
Mellowcat réalise le reportage de sa vie et le film s'achève
sur un rêve d'avenir : un dessin animé : la grande
compétition intergalactique de Skateboard.
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