n°4, 1978  

AUTOPSIE D’UN CHAMPION DE FRANCE OU DEMATOS AU BANC D’ESSAI


Interviewer un champion de France c'est pas du gateau. Cette race est rare, très occupée et dans le cas de José Dematos constamment cha peronné par Jean-Pierre Marquant. Quand je suis arrivé à Fontenay-sous-bois au domicile du patron de Banzai France, Marquant a voulu absolument assister à l'interview de son poulain. Comme je n'avais aucune mauvaise intention à l'égard du tenant actuel du titre,j'ai accepté cette condition un peu surprenante. Bon en skate!

 

 

SKATE : José, ta carte d'identité !
DEMATOS : Je m'appelle José Dematos Je suis né le 5 août 1960 à Porto au Portugal. J'habite dans le 16ème à deux tours de roue du Trocadéro. Je fais du skate depuis 1976.

SKATE : Quelle était la marque de ta première planche ?
DEMATOS : C'était un vieux truc avec des trucks rigides, une Kamikaze.

SKATE : Et ta rencontre avec Marquant ?

DEMATOS : Ça c'est passé aussi au Trocadéro. Marquant cherchait à former un team et il recrutait du monde. Il m'a proposé de faire partie de son équipe et j'ai accepté.

SKATE : Qu'est-ce que tu faisais à l'époque ?

DEMATOS : J'étais en seconde technique dans un lycée du 15ème. J'ai continué mes études de 1976 à 1977 mais je faisais plus de skate qu'autre chose, j'ai tout abandonné quand Jean-Pierre m'a proposé de travailler pour lui.

SKATE : Tu es salarié chez Marquant ?
DEMATOS : Oui, je suis monteur de planches à l'usine de Feucherolles et je fais des démonstrations.

SKATE : Mais… tu es amateur ou professionnel ?

DEMATOS : Amateur !

MARQUANT : Oui, José est arnateur. En fait je lui paie surtout des voyages pour qu'il connaisse le monde et qu'il se rôde.

SKATE : Tu gagnes combien par mois ?
DEMATOS : Rien à déclarer!

MARQUANT : Pour un garçon de son âge, il est payé convenablement.

SKATE : Qui est professionnel en France?

DEMATOS : Alexis Lepesteur de Zone 6 est professionnel car il est payé pour faire du skate.

SKATE : José, tu es le seul survivant du team Banzaï des débuts, qui étaient les autres ?

DEMATOS : Alain de Moyencourt , Thierry Dupin, Xavier Lannes et Philippe Renaudin.

SKATE : C'est si difficile que ça de s'entendre avec Marquant ?

DEMATOS : Pas du tout. Chacun est libre de faire ce qu'il veut. Moi, j'ai choisi de rester fidèle à Jean-Pierre.

SKATE : Est-ce qu'un autre team t'a proposé de l'argent pour quitter Marquant ?

DEMATOS : Combien ? Rien à déclarer mais je crois savoir que Thierry Dupin nous a quittés pour une somme de 3 500 francs et 300 francs par démonstration.

SKATE : Est-ce que tu as pratiqué des sports qui t'ont permis de devenir le nurnéro 1 du skate ?

DEMATOS : J'ai fait beaucoup de patin à glace et de patin à roulettes. Jean-Pierre m'a fait prendre également des cours de chorégraphie pour améliorer mon style.

SKATE : Comment se présentent les championnats de France 1978 ?

DEMATOS : J'ai sauté trois épreuves car aux dates prévues je faisais des démonstrations mais c'est fini, maintenant, je participerai à toutes les compétitions comptant pour la coupe. Il faut que je gagne le championnat et la coupe.

SKATE : Comment se passe ton entraînement ?

DEMATOS : Normalement je m'entraîne un mois avant le championnat à raison de 12 heures par jour.

SKATE : Où a lieu cet entraînement ?
DEMATOS : Top secret. Nous connaissons des endroits fantastiques où personne ne vient.

SKATE : Dans la région parisienne ?
DEMATOS : Exactement.

SKATE : Tu suis un régrne alimentaire spécial en période de compétition ?

DEMATOS : Absolument pas. Pas de régime ni de gym, du skate, toujours du skate et encore du skate.

SKATE : Patrice Almuzara a sauté plus d'un mètre vingt à Sarcelles, est-ce que tu as peur de lui pour les championnats de France dans cette discipline ?

DEMATOS : Dans un championnat tous les concurrents sont dangereux. Il se peut que je me fasse battre par un quelconque inconnu mais en ce qui concerne AImuzara je n'ai pas peur de lui et je tiens à l'affrontement qui va nous opposer, oui, j'y tiens vraiment.

SKATE : On dirait que ces championnats de France 1978 te tracassent beaucoup ?

DEMATOS : Oui c'est vrai, ils me tracassent parce que je veux être le premier en free, en slalom, en saut et en vitesse.

SKATE : Quel est ton record en vitesse ?
DEMATOS : Je crois que j'ai atteint les 90 km/h.

MARQUANT : José, je ne veux pas t'enfoncer mais je crois que tu exagères un peu. Tu te souviens aux Etats-Unis dans la descente de Signal HilI qui fait 18% les Américains faisaient du 90 sur des skates carrénés. Moi j'ai réussi à faire du 108 mais en étant tracté. Non, je crois que tu as réussi à faire du 80. Mais ça n'a rien à voir avec la compétition car en championnat le parcours de vitesse doit comporter obligatoirement deux virages et je défis quiconque de prendre un virage à 80 sur un skate !

SKATE : A propos de ton voyage aux U.S.A. quels sont les skaters US qui t'ont le plus impressionné ?
DEMATOS : Le premier c'est un Californien, un parfait inconnu qui s'appelle Larry Snailer et qui est un type fantastique. Ensuite Ty Page, Gregg Weaver. En revanche, je n'ai pas été ébloui par Russ Howell… mais alors pas ébloui du tout.

SKATE : Tu as fait du skatepark en Californie ?

DEMATOS : Oui. C'est dingue la première fois j'ai eu peur. Quand tu te retrouves au fond d'un bowl avec tous ces murs qui t'entourent tu as l'impression d'être dans une prison. Alors pour t'échapper tu n'as qu'une solution : ton skate. Le skatepark c'est la nouvelle ère du skate. C'est l'apprentissage de la verticale et l'utilisation de la force centrifuge. C'est aussi une maladie contagieuse, comme la banane, une fois que tu y as pris goût tu ne peux plus t'en passer.

SKATE : Tes contacts avec les grands champions américains ?

DEMATOS : Fantastique. Je n'ai jamais vu des types d'une approche aussi facile. Chez eux la frime n'existe pas.

SKATE : Qu’est-ce qui t'a le plus frappé chez les skaters américains de ta génération ?

DEMATOS : Ils veulent tous devenir professionnels et gagner beaucoup d'argent en pratiquant le sport qu'ils aiment.

SKATE : A Skate, on reçoit des tas de lettres de filles qui nous demandent qui tu es, ce que tu fais excepté du skate, etc.

DEMATOS : Il faut leur donner mon numéro de téléphone et…

MARQUANT : Non, non, non, pas en période de compétition.

SKATE : Alors les filles ?

DEMATOS : Je vais être franc, dans l'immédiat je préfère mon skate à une fille. Après les championnats de France, on verra.

SKATE : Qu'est-ce qui s'est passé aux championnats d'Europe de Zurich en 1977, je crois que tu en conserves un mauvais souvenir ?

MARQUANT : Ça se voulait des championnats d'Europe mais ça n'en était pas vu qu'il n'existe pas encore une fédération européenne.

SKATE : Alors José ?

DEMATOS : J'ai terminé 4ème dans toutes les épreuves.

MARQUANT : La compétition était tronquée. Je n'ai jamais vu un truc pareil. Une ambiance déplorable. Il n'y a eu que des bavures. En slalom les plots étaient placés à 2 mètres et demi d'intervalle ce qui avantageait les grosses planches en bois. On est parti avant les résultats.

SKATE : Si jamais tu es battu cette année aux championnats de France, qu'est-ce que tu feras ?

DEMATOS : Je crois que j'aurai du souci à me faire. Mais comme je m'entraîne comme une bête pour gagner.

SKATE : Tu as peur ?

DEMATOS : Oui j'ai peur. J'ai toujours peur avant une épreuve importante. C'est la peur qui te fait te surpasser, te surentraîner et qui te fait progresser et gagner.

SKATE : Sans jouer les oiseaux de mauvaise augure, si par malheur le skate s'arrête en France, comme c'est le cas en Allemagne, que ferais-tu ?

DEMATOS : Je travaillerai dans une autre branche mais je sais que je continuerai à faire du skate pour le pied ! Mais de toute façon le skate ne peut que progresser en France !

Voilà Mesdemoiselles, vous savez tout sur votre idole, l'homme qui fait ce qu'il veut avec sa planche. Mais n'espérez pas le séduire avant les championnats de France, il préférera sa planche. Et puis attention, il y a grand-père Marquant qui veille.

 
page 62, 63

page 64, 65

page 67
 
 
 
 
 
     
Skate Magazine