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Éric Gros:
exclusive interview 2006
CONTINUED FROM PART
1
Hawaï Surf : la diversification
Cest à quel moment que tu passes de "Skate
boarders house" à " Hawaï Surf " ?
Lorsque le skate commence à décliner, tous les autres
sports prenaient de limportance et il fallait un nom plus
général.
Est-ce que le nom est un clin dil à Val Surf,
la célèbre boutique aux Etats-Unis ?
Pas du tout. Cest un voyage aux Etats-Unis. Jy allais
au moins une ou deux fois par an. Ça vient de mon attirance
pour le surf. Je me souviens de discussions le soir, de dessins
sur de petits bouts de papier et puis on en arrive au logo "Hawaï"
avec les vagues de partout !
Après le premier boum du skate, qua représenté
le marché du roller à cette époque ? Tu voyais
danciens skaters qui sy mettaient ?
Il y avait très peu de personnes qui allaient de lun
à lautre. Cest plutôt des tribus qui sagglutinaient.
Ça a toujours été soit lun, soit lautre
mais pas les deux !
Dans un autre registre, Est-ce que tu as vendu les premiers modèles
de snow-skate à la fin des années 70, les " Ski-Board "
que lon montait sur un plateau de skate avec les trucks ?
Non. Jai commencé par faire des snowboards que je
vendais en kit ! Javais quelques " Wintersticks "
dans le magasin, mais ils étaient à nous. On ne vendait
que des planches " Hawaï " au départ.
Même pas " Burton ".
Et les premières marques de snow qui venait du skate comme
" Sims ", " Flite ", etc
?
Non, pas à ce moment-là. Par contre, jai acheté
un " Sims " dernièrement sur ebay, avec
les deux spatules en plastique. Et il sest volatilisé
dans le transport !
À se demander sil sest vraiment perdu ou bien
sil a été subtilisé
Il me reste
les photos de lenchère sur ebay ! (Rires). Cétait
un superbe Lonnie Toft, 10 pouces, un slick en dessous, une grosse
cuillère en plastique sous les trucks !
Cest donc le marché du snowboard et du windsurf
qui ta permis de rester " à flot "
dans les années 80 ?
Oui, cest le snow qui ma permis dêtre équilibré
entre lété et lhiver. Lorsque jai
commencé à prendre des salariés, je me suis
vite rendu compte quil fallait que je trouve un truc à
faire pour lhiver ! La banque commençait à
me faire chier et il a fallu trouver des activités pour chaque
moment de lannée afin déquilibrer le chiffre
daffaires. Le snowboard, je me suis jeté dessus parce
que je navais rien pour lhiver ! (Rires).
À quel moment passes-tu à de plus grosses boîtes
comme " Burton " ?
Jai une facture deux, signée de la main de Jake,
qui date de 1982 ou 83
Avant que V7 devienne un "empire", tu importais beaucoup
de marques ?
Jean-Marc, la première fois quil a voulu se lancer
dans ce business dimportation, il est venu me voir. Cétait
le moment où il était pro chez " Tracker ",
il avait son modèle de planche. Il me dit : je vais
importer " Tracker ", quest-ce que tu
en penses ? Je lui ai répondu quavec cette seule
marque, ça allait être un peu juste pour vivre !
(Rires).
Pour en revenir aux importations, en France, à un moment
ou à un autre, on a été leaders. Peut-être
pas les premiers, car il y a toujours des magasins, à droite,
à gauche qui ont importé des produits sans quon
le sache forcément. Vu dici, tu crois être le
seul et puis en discutant avec des ricains, on saperçoit
quil y avait peut-être un mec à Carcassonne qui
a importé des trucs pour ses potes ! (Rires).
Toi, tu las fait à léchelle de la France
En fin de compte, ça vient de mon côté "sale
gosse" ! Je veux toujours et tout le temps de nouveaux
jouets. Donc, dès quil y a un nouveau truc, je saute
dessus !
La seconde vague
À quel moment sens-tu un frémissement de " reprise "
dans les années 80 ?
Cest comme pour la récession. Je nai pas vraiment
connu de mouvement brutal, ni dans un sens, ni dans lautre
As-tu vu des anciens skaters revenir dans ton magasin ou bien
était-ce une tout autre génération ?
-La population des skaters à ce moment-là était
déjà noyée au milieu dautres types de
clientèle. Je nétais plus dépendant du
seul marché du skate. Je crois que cest ma capacité
à rebondir assez facilement et à anticiper
Jétais
tout le temps en train de chercher de nouveaux trucs : le frisbee,
le boomerang, etc. Ça partait dans tous les sens pour ne
pas avoir à dépendre dun seul marché.
Dès quun truc baissait, il y avait autre chose qui
prenait le relais ! On ne soccupait pas vraiment du passé
et on était déjà ailleurs le mois daprès !
Est-ce que tu te reconnaissais dans ces nouvelles attitudes ?
Étais-tu plutôt du côté " Skate
& Destroy " de Thrasher ou le " Skate and
Create " de Transworld ?
Je crois que toutes ces revendications étaient quand même
assez loin de nous, pour notre génération qui avait
connu la première explosion du skate. En tout cas, ce nétait
plus complètement mon truc
" Vision " a apporté une ouverture à
un moment donné avec une image très marquée.
Cétait un premier pas qui a ouvert de nouveaux marchés.
Pour moi, cela se situe plus à ce niveau-là. En ce
qui concerne la créativité, lorsque tu regardes ce
que faisais Wes Humpston à la fin des années 70, tu
taperçois quil ny a pas eu de réelle
cassure comme certains le pensent. Il y des moments dans lhistoire
où cest plus sous-jacent, underground, mais cest
toujours présent parce que ça vient du côté
adolescent lié au skate. Cest une période où
tu refuses tout, la société, lautorité
des parents, tu es toujours en train de faire le contraire de ce
que lon te dit de faire ! Et sur les vieilles " Dogtown ",
il y a déjà les têtes de mort agressives que
lon retrouve trente ans après sur dautres boards !
Dans les années 80, lorsque les teams américains
venaient en France, est-ce quils passaient chez toi ?
Tas eu la "Bones Brigade" ?
Non.
Santa Cruz lorsqu'ils filment pour "Street of fire
?
On était malheureusement un peu en marge de ces tournées,
un peu en dehors de ce coup. On allait les voir sur les démos,
mais moi, sans avoir abandonné le skate, jen faisais
beaucoup moins que dix ans auparavant
Là, cétait
vraiment une nouvelle génération qui arrivait.
Est-ce que tu sponsorisais des événements à
ce moment-là ?
Ouais, javais repris un team. Des jeunes qui montaient. On
a toujours eu 3, 4, 5 skaters quon aidait avec du matos, des
parutions, etc.
Des noms ?
Je nai plus de noms en tête, mais jai gardé
des photos !
Ta position dominante a été telle quil ta
parfois été reproché de "diriger"
en sous-main, certains magazines comme " Surface mag ".
Avec le recul, comment analyses-tu ces rapports entre annonceurs
et rédacteurs ? As-tu limpression davoir franchi
des limites ?
Cest difficile à mesurer car on était avant
tout une bande de potes. On montait les plans ensemble, notamment
avec Frédéric Michel. Mais ce nétait
pas une volonté particulière de pouvoir
Est-ce quil y avait lidée de soutenir un milieu ?
À lépoque, je ne me rendais pas compte que
je soutenais quoique ce soit
On formait une bande de potes.
On voulait rider, séclater ensemble. Au lieu de monter
des plans chacun dans notre coin, on se mettait ensemble avec un
photographe et on partait surfer les sablières, on partait
à la montagne, etc. On na pas changé nos manières
de vivre, on les a juste montrées à travers des vidéos,
des reportages, etc. Nous nous sommes retrouvés à
faire parfois des pubs pour des bagnoles, des produits qui navaient
rien à faire avec notre monde
Les gens nous contactaient
en nous demandant un surfer pour sauter au-dessus de nimporte
quoi ! (Rires).
Tu navais pas limpression de franchir des limites ?
Ça allait loin parce que les relations entre nous étaient
tellement fortes que dans certains magazines, cest vrai quentre
les pubs, les shoppings et les articles, il y avait du " Hawaï
Surf " partout !
Doù lamalgame
Fred Michel faisait " Surface Mag ". Jeff Lubrano
était le jeune qui arrivait et qui allait faire les " Noway ",
" B-side ", " Planche Mag ",
etc. Ce que je veux dire par là, cest quil y
a toujours un plus petit qui arrive, qui prend la relève
et cest ce qui a fait que lon a toujours eu un pote
dans la presse. Mais ce nétait pas pour autant un mec
acheté ! Maintenant, lorsque lon regarde avec
du recul, on peut trouver ça effarant ! (Rires). Ce
quil faut ajouter également, cest quon
payait la publicité, ce nétait pas un cadeau,
il ny avait pas dappointements particuliers avec nos
annonces.
Comment as-tu vu larrivée de Steve Rocco dans lindustrie ?
Est-ce que tu a été sensible à cette prise
de pouvoir ?
Au départ, je trouvais ça assez positif. Mais il
est allé rapidement trop loin
Les fausses pubs avec
les roulements suisses nazis, comment se suicider
Les barrières
que certains avaient renversées restaient "gentilles",
Rocco les dépassait avec comme moteur, largent de sa
"World company". Cest la première fois quune
marque ma définitivement fait revenir en arrière
Il a expérimenté des stratégies marketing
très offensives, avec parfois, beaucoup de pression sur les
shops. Est-ce que tu as ressenti ça à ton niveau en
France ?
Pas comme ça. Mais cette mainmise sur tout était
vraiment "too much". Quun skater dépasse
à ce point les bornes pour bâtir un empire financier
qui brasse des sommes colossales
Au secours ! En réaction,
jai été attiré par des plus petites marques,
des gens qui étaient plus en phase avec ce que je fais.
Son attitude a-t-elle fait des émules dans le business
français ?
-Pas vraiment. À un moment donné, " Templar "
a fait quelques belles conneries ! (Rires). Des copies de " Tracker "
à Taïwan ! Ce genre de trucs nest pas bien
passé
Tu nous disais que J. -M. Vaissette vient te voir lorsquil
commence à distribuer "Tracker ", est-ce
que P. -A. Senizergues te demande également conseil au début
de " Etnics " ?
Javais moins de rapports de proximité avec lui, il
était plus distant, plus réservé
On sest
bien sûr suivi mais jétais moins proche de lui
que de Jean-Marc.
Le freestyle, cest finalement une bonne école pour
le business du skate, non ?
Je ne suis pas sûr que ce soit la pratique qui ai fait ça
Cétait des besogneux. Il fallait les voir travailler
sans arrêt leurs figures. On se disait en regardant ça :
ils sont malades ! (Rires). Nous, il fallait que le skate soit
facile et immédiat ! On navait pas cette notion
dentraînement, bosser les flips, les rotations, etc.
Je crois que cest plus cet aspect de leur personnalité
qui a fait quils sont arrivés à quelque chose.
Ils se sont intéressés au freestyle pour ces raisons
et ils continuent, aujourdhui dans leur business, de bosser
du matin au soir !
Les publicités
Je voudrais justement que lon parle un peu de tes publicités.
Dès le début, une de tes marques de fabrique a été
de proposer des publicités vite reconnaissables, dont lintérêt
dépassait la seule information. Quest-ce qui tavait
fait prendre conscience de limportance que limage jouait
dans ce milieu ?
Je ne suis pas sûr davoir eu conscience de tout cela
Pour faire venir du monde à Ivry, jétais plus
ou moins obligé den passer par la pub dans le presse.
À la base, jétais comme tout le monde, en admiration
devant les publicités américaines et donc jessayais,
non pas de copier, mais de minspirer de ce quils faisaient
pour le faire "à la française".
Il y a dans ces publicités, un côté "professionnel"
que lon ne voyait pas en France. Tu attrapes ça assez
rapidement
À lépoque, notre référence était
bien évidemment les publicités " Val Surf ", cétait
notre repère.
Comment les concevais-tu techniquement ?
Allais-tu dans un studio de photographe, ou bien est-ce que ça
se faisait dans un coin de ton magasin ?
Il y a eu plusieurs options. Les premières pleines pages
avec les skates ont été faites dans un studio dans
lequel on posait tout le matos par terre. On reconstituait la page
avec un cadre que lon avait déterminé à
lavance au sol. On composait tout sur cette surface pour faire
la photo.
Ensuite, je faisais les montages à lavance avec des
photocopies découpées et collées. Mais je me
suis vite rendu compte quil fallait ensuite faire un scan
pour chaque planche et lorsque tu en as une cinquantaine, ça
faisait une grosse somme. À lépoque, je payais
"au scan" et ça coûtait un petite fortune !
Donc, il fallait trouver autre chose et on sest remis à
faire une seule photo densemble avec tout le matériel.
On installait les planches, les pompes, les tee-shirts, les vidéos,
etc. La page était montée par terre. On louait le
studio dun photographe chez qui on installait tout et ça
nous coûtait finalement beaucoup moins cher que de faire les
montages de scans.
Tu as des documents sur ces séances ? Les mises en
scène dans le studio ?
Non. Après cette étape, on en est arrivé à
concevoir une boîte à lumière géante !
Pour éviter davoir des ombres portées sur le
sol, on avait construit cette boîte au format homothétique
de la page imprimée et on léclairait par-dessous !
Ce travail payait parce quon passait souvent plus de temps
à regarder ces pages quà lire les articles !
(Rires).
Au départ, lorsque je voyais les pubs " Val Surf ",
je restais aussi deux plombes dessus. Jai reproduit ça
et forcément les mômes aimaient la même chose.
On a fait un coffre à jouet, géant
Dans ton chiffre daffaire des années 80, la vente
par correspondance représente-t-elle une grosse part ?
Non, pas vraiment. Javais simplement une personne derrière
qui soccupait des commandes, mais ça na jamais
été lexplosion.
À partir de quel moment as-tu cessé de passer des
publicités dans la presse skate ?
Il fallait élargir. Cétait une question vitale
pour nous. Donc, après avoir passé beaucoup de pub
dans peu de supports, nous avons essayé des ouvertures vers
dautres publications de la presse généraliste
dite "jeune". Jai pris un attaché de presse
et on est même allé prospecter vers le "grand
public", comme " VSD " ou " Paris-Match ".
Le principe était daller trouver les parents ou bien
les gens qui avaient envie dy venir sans avoir forcément
des repères
Quelle est pour toi, la marque de skate qui a fait la meilleure
campagne de pub ?
-Définitivement les premières pubs " Alva " !
Cette décadence dans son attitude, ses cheveux longs, son
chapeau, la planche tendue à bout de bras ! Jai
une série de photos où jessaye de lui ressembler,
avec le chapeau et les cheveux longs
(Rires).
Il y avait des petits Alva partout ! Dans un " Skateboarder ",
il avait trouvé un Alva black à Londres ! (Rires).
Il était en décalage avec pas mal de trucs. Cétait
souvent nimporte quoi, mais ça marchait parce que cétait
tout ce quon aurait voulu faire sans oser le faire
Il
nous a deshinibé !
Un patrimoine
Après toutes ces années, comment te sens-tu par
rapport au milieu du skate parisien ?
On sest progressivement dégagé de ce marché
pour plusieurs raisons. Dabord, le skate nest plus rentable
commercialement. Lorsque tu vends une planche à 70/90 €
et que ta marge nest même pas de deux
Une paire
de roller, à côté, coûte quand même
300/400 € ! Ça, cest une réalité
commerciale. Tu achètes un surf, une planche à voile
pour 2/3 ans alors quun skate, cest pour 2/3 mois. Les
boards sont devenues un consommable de plus, comme une cartouche
dimprimante
Ensuite, je métais également rendu compte que
ces skaters qui passaient la journée au shop, comme à
" Street Machine " qui était un de mes
concurrents à une époque, restaient des heures à
zoner, regarder des vidéos, sans faire tourner le magasin
Cette situation pouvait même repousser des mamans qui voulaient
entrer pour acheter un skate à leur gosse qui se la pétait !
Est-ce que ta position " excentrée "
tas tenu à lécart de certains phénomènes
de mode ?
Je crois que cest plutôt des situations de business
qui mont toujours fait avancer, poussé à anticiper
les choses et à trouver les nouveautés avant quelles
se développent. Que cela soit pour les chaussures à
roulettes, les trottinettes, etc.
Tu choisis quand même celles qui marchent le mieux !
Bien sûr. Avant de rentrer un produit, nous sommes les premiers
à lessayer. Jai gardé cette exigence de
môme qui veut toujours le plus beau jouet ! Le côté
"sale gosse" dont je parlais tout à lheure
La patinette, ça ma saoulé de le faire, mais
lorsque tu as 20 mecs par jour qui te demandent ce produit, tu te
plies.
Tu vois un nouveau truc qui se profile ?
Plus rien ! Aujourdhui, cest le cross-over dans
tous les sens. On a écrit et défriché les bases
de la glisse. Une des différences par rapport aux décennies
précédentes, cest quil ny a plus
de tribus aussi marquées. Les mômes font du surf lété,
du snow lhiver, du skate en ville, tout se mélange.
" DC " fait une traversée avec des bagnoles !
Tous ces sports référencent maintenant une manière
de vivre, de bosser et de consommer.
Notre génération a été le témoin
de ce changement
Elle ne la pas seulement vécu, elle la imposé
et écrit. On a définitivement crédibilisé,
testé ces modes de vie. Je me souviens de la première
fois que je vais chez mon banquier pour ouvrir un compte avec mes
cheveux longs et mon look, le mec derrière le comptoir ma
demandé si jétais le coursier ! (Rires).
Aujourdhui, je ne vais même plus le voir, je représente
10% de son chiffre daffaire et cest lui qui se déplace !
Si tu avais à monter une " Dream team/Hawaï
Surf ", tu prendrais qui, toutes époques confondues
?
La "Dream team" qui me fait vibrer, ce sont mes potes.
Les vendeurs du magasin que je recrute, avec qui que je pars en
week-end. On vient de rentrer du Mondial du ski et le week-end davant,
cétait celui du snow ! À huit heures du
soir, on prend deux "Espace" et on part à dix.
On arrive à deux heures du mat pour rider deux jours.
Et sur ces deux jours, il y a un jour où il pleut !
Les virées en célibataires !
On est resté adolescent et de ce point de vue, on ne veut
surtout pas être adulte. Ceux quon a pu connaître
nous ont suffisamment cassé les couilles pour quon
ne reproduise pas ça !
Nos parents ont connu la guerre, même de loin, ça les
a cassés dune certaine manière et notre génération
na pas voulu devenir comme ça
Tu na jamais fabriqué de planche de skate " Hawaï
Surf ". Pourquoi ? Ce nest pourtant pas les propositions
qui ont dû manquer
Jai toujours fait les jouets que je ne peux pas avoir, et
les skates, je nen ai jamais manqué ! (Rires).
Les snowboards que jai fabriqués, cest parce
quil ny en avait pas sur le marché ! Ensuite,
lorsque les bons produits arrivent de manière industrielle,
je ne vais pas me faire chier à les fabriquer
Ce nest
pas mon but. Moi, je vends ! (Rires). Les skates, il y a tellement
de gens qui en font que je ne vois pas lintérêt.
Mais tu as été approché ?
Moi, une planche " Hawaï ", ça
ne me fait pas rêver. Et je me mets à la place des
mômes, quitte à acheter une planche pas chère,
je préfère de loin une nude
Je nai pas
le narcissisme de mettre mon nom systématiquement partout !
Mon but est davoir le plus beau jouet sous les pieds
Tu as dailleurs une des plus belles collection de skate
et de surf en France. Ta plus belle pièce en skate, quest-ce
que cest ?
Ma fausse " Dogtown " que jai peinte !
(Rires). Je craquais sur ces planches qui nétaient
pas encore disponibles en France et jai donc pris une photo
avec laquelle jai bricolé la déco : sur
le haut, la croix " Dogtown ", et le nom " Alva ",
en bas. Ça ne ressemble à rien ! Un jour, il
faut que je lenvoie à Wes Humpston
Tu la lui fait authentifier ! (Rires).
En surf par contre, cest une planche que jai achetée
il ny a pas très longtemps. Elle date des années
30. Cest un paddle que je voulais depuis très longtemps
Je lai payée une fortune, maintenant que jai
un peu les moyens ! (Rires). Ce nest même pas une
planche de surf, cest lancêtre du surf, un objet
rare en contre-plaqué, comme celles que lon voit derrière
le Duke
Tu es constamment en recherche ?
Tous les jours ! Le soir, avant de partir du magasin, je jette
un coup dil sur ebay
Jachète en permanence.
Lorsque tu mets en ligne des modèles des années
70 et 80 sur ton site, quest-ce que tu recherches ? Tu
veux tester le marché français ? Quest-ce
que ça représente en volume ?
Même pas une planche par semaine ! Cest une manière
de faire un clin dil à lhistoire. Par amour
et par passion. Ces planches ont marqué une époque.
Pour en acheter, cest quand même assez difficile, il
faut passer beaucoup de temps sur ebay, connaître les côtes,
les pièges. Avec le net, je mets ces planches à la
portée de tout le monde.
Cela dit, je me rends compte que je suis en décalage. Dernièrement,
je suis allé "faire du shopping" avec mon équipe,
chez Vaissette. Je leur ai apporté une dizaine de plateaux
" Banzaï " pour leur faire plaisir et les
trois-quarts voulaient la monter pour la rider ! Je leur ai
dit de les garder, mais ils en nont rien à foutre !
(Rires). Même Jean-Marc, le peu de planches collectors quil
a, cest moi qui les lui ai données ! Il na
rien gardé ! Il na pas du tout cette recherche
de lhistoire
Je suis toujours surpris de ça.
Moi, cest vraiment le contraire, je stocke sans savoir ce
que je vais en faire ! Jen ai des wagons, des caves entières
Heureusement que je commence un peu à "dégraisser".
Jai deux ou trois potes avec lesquels je deale, "Djoldskull"
par exemple avec qui je suis régulièrement "en
affaire".
Quelle est le skate que tu as le plus vendu ?
La Natas Kaupas, avec la panthère noire. À une époque,
on faisait des pubs, des quarts de page, seulement avec cette board !
Et la Warptail ou la Gator ?
Pas au niveau de la Natas. Il y a eu plusieurs générations
de Natas, avec la panthère, le chat
Pendant un an ou
deux, on a fait de la communication sur cette planche. Et le meilleur,
cest que je nen ai même pas gardé une !
Je viens de racheter un modèle, 150 €, pourrie
(Rires). Jaimerais bien avoir la collection complète.
As-tu une idée de lendroit le plus improbable où
tu aies expédié un skate ?
Le plus improbable, cest de vendre maintenant via le net,
des planches " Banzaï " aux Etats-Unis !
(Rires). Ou de leur revendre des produits quils ont importés
en France. Cest un beau pied de nez ! Il ny a pas
très longtemps, jai ramené quelques " Bad
Boy Club " à Jim Muir, à Bill Danforth.
Ils nen croyaient pas leurs yeux
Ils avaient limpression
que cétait des copies, quelles sortaient de la
presse !
Le film " Dogtown " semble tavoir marqué,
quest-ce que tu en as pensé ?
Cest ma jeunesse. La première fois que jai vu
le documentaire, en Allemagne, javais la chair de poule, jen
ai presque chialé
Le film est bien parce que ce sont
de belles images, il y a une histoire arrangée, bien foutue.
Je trouve quil reflète bien la mentalité de
lépoque. Ça aurait vraiment pu être pire
Au niveau des ventes, après le film, as-tu ressenti un
frémissement, une demande particulière ?
Jai tout fait pour. Des rayons " Dogtown ",
mais rien nest venu. Personne na compris
Les jeunes
qui font du skate aujourdhui, nen ont rien à
foutre de " Dogtown ", pour eux, cest
la préhistoire. On a cru que cela allait relancer la demande
mais il ny a rien eu. Et cest normal, il y a 3 générations
de skaters entre " Dogtown " et aujourdhui
Tu sais, même lorsque Natas est venu à Marseille
il y a deux ans, peindre le bowl, les gamins se demandaient quel
était ce vieux aux cheveux longs qui les empêchait
de skater, alors " Dogtown "
Nous, on fait un peu darchéologie !
Novembre 2005, propos
recueillis par C. Queyrel.
(Toute reproduction, même partielle, est interdite sauf autorisation)
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