Nicole Boronat :
exclusive interview 2004


Les débuts

Date de naissance ?
En 1962 à Vitry-sur-sein !

Quels sont tes premiers souvenirs liés au skate ?
Que des bons souvenirs !
La découverte du skate a influencé ma culture, mon éducation musicale, artistique et l’approche de la vie en général.

Comment débutes-tu ?
J’habitais en région parisienne, à Vitry-sur-Seine, et j’avais une copine du lycée qui avait une maison familiale à Biarritz, qui surfait en été et bien sûr qui skatait : Laurence Lannes, merci pour tout.

Et où en faites-vous ?
Dans la rue, sur les trottoirs…

Avez-vous un spot à Vitry ou allez-vous rapidement au Troca ?
Et ensuite Troca !

En tant que fille, est-ce que ça te paraissait possible, ou bien sentais-tu une réelle différence ?
Non, pas du tout. Je crois que, quand tu crois en quelque chose, tout se déroule avec naturel.

Beaucoup de skateuses avaient un " grand " frère : Laurence Lannes, Corinne Dupin, Christine Mitrano pour ne citer que les plus connues. Y’a-t-il eu un skater qui a joué ce rôle pour toi ?
Non, j’ai connecté tout de suite…

Quel est ton premier vrai skate ?
Un skate de Supermarché sans marque, la planche était en fibre avec une photo de surf. Mais mon tout premier skate était une planche en bois avec des roues de patins à roulettes !

Est-ce qu’il y avait des skateuses que tu admirais et qui t’impressionnais ?
Ellen Oneal, Laura Thornhill ou une française ?

Pas spécialement Juste la bande de DOGTOWN.

Qu’est-ce que tu pratiquais comme autre sport ?
J’ai pratiqué tellement de sports : Gym, Foot, Basket, Ski, Patin à roulettes…

Le skate à cette époque se décline en différentes disciplines, quelle est celle qui t’intéressait le plus ?
Au début : slalom, vitesse, etc. Ensuite avec l’arrivée des rampes, la rampe.

Avec qui faisais-tu du skate, quelle était ta " bande " ?
Remy Walter, Les frères Boiry, Titus, Alexis, la chèvre, Manix, Chocorève, Noèmie. Tous ceux qui traînaient à la Villette et ensuite à Béton Hurlant.

Chez les garçons entre Alexis Lepesteur et José de Matos, il y avait une certaine rivalité avec une approche assez différente. Chez les filles y avait-il ce genre de démarcation ?
Non, on skatait, on s’éclatait.

Tu entres assez rapidement dans un club, le NA. SK. AS. (National Skateboard Association) de Gilles Gauthier. Ça veut dire quoi un club ? Des entraînements avec un encadrement ou bien est-ce plus libre ?
J’ai pas trop de souvenirs de club à vrai dire.

Est-ce que tu te rappelles de la première compétition à laquelle tu t’étais inscrite ?
Le Championnat de France à Marseille, en 1978 je crois. 'est Santana qui m’a inscrite.

Peux-tu essayer de nous décrire de ton enchaînement " Freestyle " lors de ce Championnat ?
Trop loin… Je sais que je commençais par un 360° de la planche (par le kick) et ensuite je commençais l’enchaînement : dog walk, kick flip…


Le team Santana
 
Comment es-tu entré dans le team Santana ?
Le boss de Santana, Alain Hasse, me connaissait du Trocadéro, et, lorsqu’il a fondé le team, il ma contactée.

Est-ce que le team français avait des liens avec le team américain ?
Les américains sont venus avec le boss, pour les 6 jours du skate. On faisait des démos, etc.

Qui faisait partie de ce team en France ?
Thierry Dupin, Flavien Asse, Grégory Asse.

Qu'est-ce que cela veut dire " être pro " à cette époque ?
Tu étais payé par démonstrations, et à l'époque, il y avait beaucoup de démos ! Sur les parkings de centres commerciaux, sur les terrasses de grands magasins à Paris, pour des plateaux télé ou tu skatais, pour des pubs, etc.

Racontes-nous ton pire souvenir de démo ?
Je crois à Ivry sur seine, pendant une démo, je suis tombée de la rampe, elle etait super étroite !

Et ton meilleur ?
Le début du skate. Le Trocadéro, et la Porte d’Ivry (La patinoire couverte ? ). Le fait d’être avec des personnes qui avaient la même passion, ça c’était plus fort que tout… de pouvoir partager, échanger et se motiver.

Est-ce que tu percevais des rémunérations sur les photos publiées ?
Non, pas de “photos incentives à cette époque.

Santana faisait des boards, des trucks, des protections, etc. Tu ridais exclusivement ce matériel ? En slalom par exemple, y'avait-il des planches Santana ?
Je ne delirais pas trop sur le slalom, mais si je devais pratiquer, no problem…

Ça fait quoi d'être une fille pro, lorsqu'on a 16 ans et qu'on dit ça à ses copines, à ses profs ?
À cette époque, j'habitais la région parisienne, mes profs ne savaient rien et mes amis etaient ceux du skate. Je n'étais pas souvent à la maison et quand j'y etais, c'était pour étudier.

Est-ce que ton engagement dans le skate a affecté tes résultats scolaires cette année-là ?
Non, si je voulais continuer, il fallait étudier… Et, je ne voulais pas redoubler !

À part Banzaï et Santana, te rappelles-tu d'autres teams, en France ?
Le team Lacadur, Zone 6, Chattanooga (de magasin, mais un team tout de même) et Starboard (j'en faisais partie),avec Laurent et Jean-Marie Boiry.
 
 
Les skateparks
 
Qu'est-ce qui faisait de " Béton Hurlant ", le meilleur skatepark français ?
C’était le top à l'époque ! Bonne ambiance, des bowls, un half pipe, une piste de free style avec des plats sur les côtés où on passait des heures à se faire des poursuites !
Peut-être aussi, le fait d'être plus petit, plus familial Toutefois, le snake run de la Villette était top !

Qui tas le plus impressionné à Béton ?
Alexis contrôlait le park, Manix et autres. Il y avait un bon niveau français. David Ferry contrôlait pas mal aussi !
 
Dis nous quelques mots sur David Ferry. Ce mec est une énigme, il était peu connu aux Etats-Unis, et était présenté en France comme un champion. Te rappelles-tu d'où il venait et comment s était-il retrouvé dans cette position ?
Il bossait pour la marque Makaha, il disait être de L A. Il était venu avec un collègue qui s’appelait Steve. Dans mes souvenirs, il était devenu Champion du Monde de saut en longueur… David a adoré sur la France et les françaises ! (rires)
 
Avais-tu vu le passage de Tony Alva ?
Non, pas là. Je crois que c'était en Août sa tournée, j'ai vraiment loupé ça Mais il y a eu le passage d'autres pros !

Es-tu allé skater dans d’autres skateparks que ceux de Paris ?
Non, je devais partir aux Etats-Unis avec Santana, mais ça a dérapé, pas de Calif.

Y’avait-il un endroit que tu rêvais de rider ?
Les parks de Californie comme tout skateur de l'époque ! Upland, Marina del Rey et surfer aussi.
 
 
La fédération
 
 
Pas mal de skaters des 70s gardent une certaine rancœur par rapport à la manière dont la fédération de skate, alors associé à celle de surf, traitait ses licenciés ? Que penses-tu de ça avec le recul ?
J’ai fait des photos pour leurs T-Shirts à l’époque, sous un bras un surf single fin et sous l'autre un skate ! j’ai la paru !
Je n’étais pas branché Fédé ; je crois qu'à l'époque, certains étaient plus compétes que d'autres. J’étais plus avec ceux qui pensaient à s’éclater, à glisser !

Vivais-tu un décalage entre une fédération qui impose de fait, des règles et la pratique du skate ?
Pas de décalage, parce que notre groupe "zappait" pas mal de choses. Je crois que pour des ados, on avait déjà des traits de caractères de génération "anti-conformiste", on voulait s'exprimer à notre façon.
 
 
L’après skate
 
Fin 1978, le skate s'essouffle un peu partout en France, comment vis-tu cela ?
C'était dur ! Je ne voyais plus trop mes amis du skate. Juste la famille Boiry de temps en temps. J'étais un peu coupé de la culture que je recevais autour du skate.

Dans les années 80, les filles ont été très minoritaires dans le skate, le durcissement " Skate and Destroy " ne les a pas vraiment favorisé pour se lancer dans l'aventure. Quel regard portes-tu sur cette époque ?
Les filles sont souvent minoritaires, mais celles qui se jettent dans une "aventure", ou une "expérience" sont souvent incroyables. Il n'y a pas d’époque ou de domaine.

Est-ce que tu as suivi les évolutions, même de loin ?
J’ai toujours suivi le skate, de près ou de loin. C'est plus qu’un sport pour moi. J’ai découvert pas mal de choses grâce au skate. Il y a comme une connection, de l’art à la musique. Par exemple "Ben Harper", je l’ai découvert il y a presque 10 ans dans un mag de skate américain ; il y avait un petit article sur lui " le nouveau Bob Dylan est né !" et par curiosité, on a acheté son premier album à Hawaï. Il y a une bonne connection autour du skate.

Comment se fait le passage du skate au windsurf ?
Mes parents sont partis habiter la Côte d’Azur, l’Almanarre. À cette époque, ce spot était rempli de bons windsurfers, il y avait du vent !
C’était l’époque du wind où tous les gars raccourcissaient leurs planches. Ils naviguaient avec des surfs ! Je venais du skate mais je flippais avec le surf pour avoir vu des films quand on faisait des démos avec la fédé de surf et skate. J’ai essayé et…

Au début des années 80, pas mal de gens se rendent compte qu'on peut surfer en méditerranée ! Est-ce que tu commences toi aussi à chercher des vagues sur la côte ou est-ce que tu t’y mets plus tard ?
S’il y avait des vagues vers l’Almanarre, j’y allais avec des copains.

À l’Almanarre, est-ce qu’il y avait déjà la bande avec Erik Thiémé ? Avec qui en faisais-tu ?
C’était la bande de l’Almanarre. Christian Fouquet, Erik, Mano, PM shape, Laurent Etienne, Stéphane Etienne (Mon boy friend)… Nelson Teritehau (frère de Robert), Robert qui passait… Coralie, Nathalie Lelièvre, Nathalie Simon… et bien d’autres que j’oublie !
Je faisais de la planche avec eux, c’étaient les gens de la plage de l’Almanarre.

Te souviens-tu de ton premier shapeur ?
Mon premier vrai shaper est José Zendrera (Tramontana) et mon premier glasseur (Enrique Torrente) ; et ensuite Stef (Stéphane mon boy friend).

Si en skate, tu n’as pas pu aller à Upland ou Marina del Rey, quels sont les endroits mythiques que tu a ridé en wind et en surf ?
Tamarin (Maurice), Hawaï (différents spots), Punta preta (Cabo verde),...Et d’autres endroits qui sont top et tranquilles : aux Canaries, Maroc, Inde, Oman…

Quelle a été la victoire, toutes pratiques confondues, qui t’as le plus comblée ?
Le fait d’être Championne de France de Skate. Mon premier vrai titre a 16 ans ; j’étais heureuse pour moi et pour ma famille (pieds noirs, d’origine espagnole).

Sportivement, qu’est-ce que le skate t’as apporté lorsque tu t’es lancé dans d’autres sports ?
À traiter avec mes sponsors !
 
Quels sont tes sponsors actuels ?
Volkswagen Fuerteventura, Secreto energy, Tabou, Gun sails, Rip curl.
 
 
Epilogue
 
Es-tu encore en contact avec des gens qui ont pratiqué le skate dans les années 70 ?
Non, mais j’en ai rencontrés certains durant des salons, ou sur des spots ; durant quelques années, on étaient dans le même team avec Gerry (Lopez) et on se voyait à Maui ou en Europe sur l’Ispo. On mangeait ensemble… Le producteur de Ben Harper, J.-P. Plunier " Zébulon " est aussi un fana de skate, et on l’a rencontré a Maui, il restait chez une copine, on a tchatché un peu. Une fois, j’ai croisé Pierre-André Senizergues à Glisse expo…

As-tu connaissance de quelqu’un qui, venant du skate, a poursuivi, comme toi, une carrière de haut niveau dans un sport de glisse ?
Non, toutefois d’autres ont sûrement réussi dans d autres domaines ; et certains, dans le domaine artistique : les skateurs sont des " créateurs " dans l’âme…

La dernière fois que tu es monté sur un skate c’était
quand ?

J’ai toujours un skate dans le garage et sous la pergola du jardin. Il faut toujours que j’ai un skate, même si je ne l’utilise pas ! Et la dernière fois, c’était il y a quelques mois, pour aller à l’épicerie, au coin de ma rue.

Tu as quelque chose à ajouter ?
J’ai envie d’ajouter que je ne suis pas windsurfeuse, que je ne suis pas surfeuse, mais que je viens du skate. J’utilise juste le bon "jouet" suivant les conditions, les états d’âme, pour "glisser", pour faire des courbes, pour m’évader ou m’exprimer comme beaucoup de ma génération ou de la nouvelle génération !
Pour moi, le skate est toujours présent, pas trop les noms et les détails de compétes, etc, mais dans les sensations, les émotions, les expériences. Comme si le skate m’avait mis sur une trajectoire, une ligne, une courbe que je continue à "dessiner" sur un support différent… Pour découvrir d’autres pays, cultures, arts, personnes à travers la glisse, m’éduquer à avoir une vision plus ample de la vie, de la tolérance et de croire en soi.


Propos recueillis par Claude Queyrel
(Toute reproduction, même partielle, est interdite sauf autorisation)

 
Archives de N. Boronat, 1978.
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