n° 1, 1997   Jérémie Daclin




Il est donc on ne sait pas quelle heure, et nous sortons d'un des endroits les plus ennuyeux de la nuit parisienne. Notre héros d'un jour se nomme Jérémie Daclin et j'ai le cœur brisé, donc ce n'est pas gagné !
J : Tu viens de te prendre une grosse barre !

Je suis fier de moi, j'ai tenté ma chance !
J : On aurait dû allé voir les Fugees aux Bains Douches...

Est-ce que tu savais que d'après des études sociologiques, nous tombions amoureux de personnes ayant le même background socio-culturel que nous ? Si on te met dans une pièce avec vingt personnes, tu seras attiré par l'individu ayant l'histoire la plus proche de la tienne…
J : On va voir si ça marche pour nous !

Les jardins publics parisiens sont fermés la nuit…
J : Au petit matin, tu veux dire...

Non, il est à peine deux heures là ! Réflexion de comptoir numéro un : "Je ne comprendrai jamais les filles qui ne sont pas amoureuses de moi !" Bon, alors, qu'est-ce que tu fais ici ?
J : Je suis au chômage et donc j'en profite pour voyager... Voilà !

Tu penses t'installer ici ?
J : Je ne sais pas. Dans un avenir proche, je vais à Saatel [Suisse Allemande], ensuite à Marseille, puis je ferais une tournée européenne cet été.

Dans quel cadre ?
J : Je ride pour Volcom France qui distribue pour toute l'Europe maintenant. Ils ont des moyens relativement importants : il va y avoir un team européen et comme ils ont la licence, ils peuvent développer des produits spécifiques. Ils ne sont pas loin du skatepark de Marseille, donc ça le fait tranquille...

Et All Access [le skate shop lyonnais], alors ?
J : Depuis deux ans, avec mon associé Marc Antoine, on s'est occupé de tout, depuis les travaux jusqu'à la gestion. Au bout d'un moment, un shop tu en fais le tour. Tu apprends plein de trucs mais j'avais envie de faire autre chose. Là, c'était la routine au quotidien qui m'a pété les couilles. Donc, j'ai envie de lancer quelque chose de nouveau. Il y a l'été et puis on va voir ce qui va se passer après.

Ça va faire combien de temps que tu skates maintenant ?
J : Je ne sais pas, je ne compte pas... Ca fait partie de... Je n'ose pas dire que cela fait partie de moi mais c'est un outil pour rencontrer des gens, un outil d'intégration.

Comment tu t'es retrouvé avec cet outil entre les mains ?
J : En fait pour tout dire, j'étais dans une école et j'ai des copains qui se sont mis au skate. C'était deux frères américains dont le père avait été muté en France. Ils ont ramené des Thrasher, on a commandé des boards aux States, et voilà. C'était une époque où c'était plutôt pas mal de skater, parce que nous étions le moteur d'un truc. Aujourd'hui, les gens progressent mais à des nivaux vachement inégaux. Nous, on découvrait les figures, on découvrait les ollies, les rock slides, c'était vraiment une aventure. Aujourd'hui, les gens sont plus genre "Machin fait tel trick, je vais essayer la même chose." C'est vraiment différent. Nous, on était, à mon avis, précurseurs. On découvrait des figures, sûrement au même moment que d'autres gens dans d'autres villes. Mais il fallait travailler par nous même pour essayer de développer le mouvement. Comme le ollie ! Je ne sais pas pour toi, mais on du mettre un an pour arriver à le faire ! Maintenant les mecs vont au spot, regardent les autres et en une semaine, ils savent le faire…

C'est peut-être ces bases qui t'ont permis de devenir le skater que tu es aujourd'hui…
J : Oui , je crois que ça été un facteur, parce que tu as plus de motivation, lorsque tu fais partie d'un petit groupe d'individus qui partagent une aventure.

On assiste un peu au retour de ce côté expression personnelle.
J : C'est vrai que nous à l'époque, nous développions chacun notre type de skate. On ridait vachement. Lorsque nous sommes montés à Paris, on a un peu halluciné sur le fait que tout le monde scotchait au Trocadéro. Ils étaient plus forts en flat et nous plutôt en ride. C'était intéressant parce que chaque ville développait son type de skate. À l'époque, la personnalité de l'individu était mise en avant. Maintenant, tu as une direction générale du skate qui est mise en avant par certains skaters aux Etats-Unis et les gens s'y identifient. Et je skate comme Jamie Thomas et je fais des gros tricks ou je skate comme Josh Kalis et je ne fais que du curb... Nous on était loin de tout ça : on avait un Thrasher qui nous tombait entre les mains tous les six mois... C'était différent, mais ça c'était vraiment loin !

(rires) Ta première planche ?
J : Une Town & Country "Quad" avec des Gullwing et des Rat Bones avec sûrement la totale: lapper copper protections de nose et tall...

(rires) Plus personne ne sait ce que c'est ! Ce qui n'est peut-être pas plus mal…
J : C'est clair. Mais après on a développé une technique de fer à chaussure que l’on clouait sur le tail. Ça marchait pas mal ! Ensuite sont venues les Rat Nuts...

Des espèces de vis qui traversaient le tail de part en part et qui étaient censés empêcher le délaminage, courant à l'époque [1989].
J : Ça se délaminait autant que maintenant mais les planches on les gardaient six mois et puis on faisait un peu plus de wall rides...

En dehors des freestylers, tu es le premier skater français à avoir eu une carrière internationale, avec New Deal d'abord, non ?
J : Les premiers en fait ça été Blockhead par l’intermédiaire de Jean-Marc [Vaissette]. Il m'a fait sponso par eux. Venant de là j’ai eu un voyage aux States payé un tiers par Jean-Marc, un tiers par Blockhead et un tiers par un shop local à Lyon. Je suis parti avec Fabrice Le Mao et arrivé là-bas le mec de Blockhead a été moyennement cool. J'ai skaté avec Rick Howard qui ridait pour eux à l'époque. J'ai donc décidé de bouger avec Le Mao, qui avait loué une voiture pour faire tous les spots. Apres, j’ai été sponso New Deal. Ca c'était pas mal : j’ai eu un passage dans une vidéo...

Comment est-ce arrivé ?
J : Ils avaient un peu la même politique que Powell à l’époque. Ils voulaient développer un team européen parce que c'était l'époque où le skate marchait fort et le marché était assez important ici... Un jour un type à débarqué à Lyon à onze heures le matin et il reparti à onze heures du soir et on a filmé toute la journée et ça c’est retrouvé dans la vidéo New Deal ["1281" en 19…]. Ensuite ça m’a un peu gâché, car il n'existait aucune interaction et ce qui m'a toujours un peu intéressé avec un sponsor c’est de mettre mon grain de sel, donner mes idées, essayer de développer l’histoire. J’ai eu pas mal de contacts avec Rune Glifberg Alex Moul et donc j’ai ridé pour Death Box [qui deviendra Flip quelques années plus tard]. Je suis passé pro. Je n’étais pas payé mais j’avais des modèles. J’al dû en avoir deux. Et c’était un peu une illusion, car il y avait encore moins d'interaction. Jeremy Fox (le patron) était vraiment en vrac. C’était l’époque où le skate tombait à l’eau... C’est à ce moment-là que j’al arrêté de skater. J’étais bien gâché par les compètes où il se passait toujours la même chose. Je me suis mis avec une girl avec laquelle Je suis resté trois, quatre ans. Et j'ai fait d autres trucs. J’ai vécu une autre vie.

Quel genre ?
J : Une vie de monsieur Tout Le Monde. Parce que j’étais gâché par cette espèce de fausse notoriété autour de moi. J'allais à la campagne, je faisais les musées, j’étais avec ma girl… Voilà quoi. C’était un autre rythme de vie.

Qu'est-ce qui t'a fait revenir au skate ?
J : J'ai pas vraiment lâché. J'en faisais toujours comme ça. Je voyais toujours mes potes. J’étais juste dans une période ou je voulais faire quelque chose de ma vie. Commencer à bosser, commencer à développer un truc et donc c’est revenu avec All Access en montant le shop. Et depuis tous les week-ends je pars à droite à gauche pour skater.

Combien de jours tu peux passer sans skater, en n'étant pas blessé ?
J : Je ne sais pas en fait car j’ai arrêté de bosser depuis un mois tout rond et j’ai l’impression d'avoir la grosse motive quand je bosse. Entre midi et deux, j’allais toujours skater. Pour moi, le skate c'est plus une manière de me relaxer et de canaliser mon énergie de dévier mon attention de choses importantes. Et c'est vrai que là que je suis au chômage j'ai l’impression d'avoir un peu moins la motive et de tomber dans la routine des gens qui skatent toute la journée. Mais pleins d’autres choses s’annoncent... Je sais que je ne peux pas faire que ça. J’ai une profonde envie de bosser et de faire avancer l'histoire. Ne faire que du skate, je ne peux pas. Ça fait à peine un mois et je suis déjà en train de me morfondre et de me dire que je ne fais rien de ma vie. Je ne peux pas rester inactif. C'est un de mes modes de fonctionnement .

Et si tu te retrouvais à travailler dans un autre milieu, tu continuerais à skater ?
J : Bien sûr. Là dans le cas présent, c’est moi qui me suis mis au chômage, parce que j’en avais marre de cette routine et je ne voulais pas m’endormir sur des acquis. J'aime me remettre en question et faire des bancos au quotidien. Mais c'est vrai que si je pars dans une autre voie j’en ferai encore. Le fait d’avoir rencontré Gonz qui a vingt huit ans ça m’a bien motivé. Il n’y a pas d'âge pour skater et se faire plaisir ! Il a une approche vachement différente et ça m a complètement décomplexé vis-à-vis de mon âge. Avoir vingt-quatre ans et faire du skate cela peut paraître bizarre mais... Mark a une approche de la vie et du skate qui est incroyable parce qu’il a des yeux d’enfant et qu'il découvre le monde... C’est pour ça que tous ces acquis m'embêtaient. J'avais envie d'avoir à nouveau douze ans, de redécouvrir un nouveau boulot et des nouvelles choses pour recommencer du début et redevenir un enfant. C'est ça qui est amusant à mon avis, et pas de faire le vieux blasé qui a tout vu et tout connu et qui est dans son shop.

Pour le peu que j'en ai vu, j'ai l'impression que les skaters américains, sponsorisés ou pas, ont plus de facilité à se lâcher que ceux d'ici…
J : C'est lié à beaucoup de choses. Par exemple leur système scolaire qui leur laisse toutes leurs après-midis de libre. Deuxièmement c’est un vrai business là-bas et tu peux en vivre. Tu as véritablement un débouché de professionnalisme, alors qu’en France il n’y en a pas et qu'il n'y en aura pas tant qu'il n'existera pas une marque européenne. En France, par exemple, quand le skate est retombé, moi aussi j'ai un peu lâché l'affaire. Beaucoup ont été obligés de se dévier vers le snowboard. Et heureusement que le snowboard est là, ça leur permet de gagner un peu de thune, car dans le skate en France, c'est impossible de vivre. C'est bien jusqu'à vingt ans, mais après, tu dois bien t'assumer. Le problème du skate, c'est que c'est un sport exclusif. Tu dois en faire toute la journée, sinon tu perds le niveau, tu perds ta crédibilité vis-à-vis des autres car si tu n'es pas tous les jours au spot… Et donc ce sont des gens qui vont au casse-pipe.

Contrairement aux Etats-Unis, on voit assez peu en France de skaters de plus de vingt-cinq ans... et pas seulement à un niveau compétitif.
J : Je pense que c'est un problème de mode de vie. En France, la marginalité n'est pas acceptée. La normalité en Californie, c'est le surf, le skate et tu peux très bien avoir mec qui ont un skate juste pour aller acheter des clopes avec. Mais ça fait partie du décor. Pas en France et donc, tu es vachement vite catalogué : "le skater". Et c'est péjoratif parce que ici, c'est un sport de gamins. Aux États-Unis, tu as des professionnels, une industrie... Mais les mentalités changent en France. Tu as toutes les grosses compagnies comme Nike ou Adidas qui commencent à écouter ce discours, même si ce n'est pas encore entré dans la masse.

À Paris, je croise de plus en plus de types qui rident pour aller au boulot, ou je ne sais où, et il y a encore six mois, cela n'existait pas du tout…
J : C'est vachement bon signe. Ca veut dire que c'est en train de rentrer dans les mœurs et dans le milieu urbain. C'est vrai qu'en skate ou en roller, tu te déplaces trois fois plus vite qu'une voiture en ville.

Qu'est-ce que t'as apporté le magasin .au cours de ces deux années ?
J : Outre le fait de découvrir plein de trucs au niveau compta ou business, c'est qu'il était possible de développer une synergie entre un point de vente et les skaters, de faire voyager les mecs, de pousser des gens comme JB... C'est ça qui donne de l'ampleur à un skater : voyager et sortir de son spot local. Le mec peut être le meilleur du curb, mais si tu lui change de trois millimètres de hauteur ou la matière et qu'il ne fait plus rien, c'est dommage... Il faut voyager au maximum et skater le plus de spots différents…

Quel est le voyage qui t'as le plus marqué ?
J : Sûrement le premier aux States avec Fabrice Le Mao. J'ai vu tous ces trucs... Mais c'est peut-être le voyage qui m'a le plus dégouté aussi parce que je suis rentré en France et c'était la même routine. Rien ne bougeait et c'est là que en fait, j'aurais du prendre la décision de partir aux États-Unis. Mais j'étais bien ici et c'est aussi à ce moment-là que j'ai commencé à vivre d'autres expériences. Autre voyage vraiment intéressant ? New York cette année, où je n'ai jamais rien trouvé pour skater parce que j'étais avec quel qu'un qui ne statait pas, donc j'ai fait plein d'autres trucs...

Bon, alors, c'est quoi cette histoire avec Brooklyn Boards ?
J : C'était plus un projet expérimental. L'idée qui existe depuis toujours, c'est de développer un rider par pays d'Europe. J'en ai parlé avec Dan Zimmer (le patron de Brooklyn Boards) : je lui apportais un truc clé en main, je lui amenais un shape, un graphique et il ne lui restait plus qu'à les sérigraphier. Les planches étaient vendues d'office (à IFC Distribution). Mais ça n'a jamais été un sponsoring, ils ne m'ont jamais rien donné. C'est plus un test pour voir si créer une marque de skate européenne est possible, car à mon avis, c'est ça l'avenir. Pour que les riders puissent enfin toucher de la thune, car pour l'instant ce ne sont que les photographes, les shops, les magazines qui en font, alors que la base du mouvement, ce sont quand même les skaters. C'est un peu dramatique. Ça peut donc être intéressant de développer une compagnie européenne avec des riders et des produits d'ici, comme Jeremy Fox (de Flip) avait commencé. Sauf que lui n'a jamais su vraiment gérer le truc et qu'il a dû bouger aux Etats-Unis. Maintenant, il n'est plus que team manager et c'est Per Welinder qui s'occupe de la production et tout ça. Et le team n'a pas changé (depuis Death Box), seulement l'implantation, la distribution et l'image…

C'est clair que l'Europe a un potentiel…
J : Oui et même quand tu tournes avec des pros, ils s'en rendent compte. J'en ai pas mal discuté avec Tom Penny ou Mark Gonzales et pour eux, il est clair que le potentiel est là. Il y a des spots indoor incroyables, des bons riders dans chaque pays… Le problème, c'est qu'il nexiste ni média ni industrie pour les faire connaître et qu'ils restent dans leur coin…

Le futur donc ?
J : Le futur, je le sens bien. En tout cas, on arrive dans une phase où les skaters et les anciens skaters commencent à être suffisamment mûrs et matures pour prendre en main le business du skate. À une époque, le skate a été assez important et les gens du business faisaient ça surtout pour l'argent et dès que ça a commencé à chuter, ils se sont esquivés et le skate du jour au lendemain, c'était fini. Heureusement que Jean-Marc Vaissette était encore là. Le skate a toujours été sa passion et son mode de vie. Maintenant les choses sont en train de changer, que ce soit dans les magazines, les skateshops, l'évènementiel, ce sont des gens qui skatent qui prennent en main ce bussiness. C'est là ou je pense que ça peut durer, même si il y a un petit coup dur. Enfin, nous contrôlons notre propre jouet. C'est pour celà que je suis optimiste sur l'avenir du skateboard français… enfin pas sur le mien ! (rires) C'est pas gagné !

Tu as eu cette réputation de rebelle à une époque…
J : Le skate était vachement marginalisé. Tout bêtement, au Lycée, les mecs à la sortie des cours allaient au Café boire leur bière et jouer au bayfoot. Moi, dès que ça sonnait, j'allais skater, je voyageais tous les week-end, j'étais amené à vivre d'autres choses et donc j'avais l'impression de n'avoir rien à leur dire. Et avec 99% des individus je me sentais en décalage.

Mais c'était vrai aussi par rapport au monde du skate, non ?
J : Aussi, ouais. Il y a des trucs que je n'ai jamais accepté et que je n'accepterai jamais. Je suis plus un mec de principe. C'est vrai qu'il existe des trucs qui m'horriblent toujours, comme la Fédé, comme certains business… Je l'ai toujours un peu dit, et parfois ça déplait à des gens, mais bon… Aujourd'hui tu vois une pub pour les Telecom à la télé avec un mec qui porte un t-shirt Droors : le skate fait partie des mœurs. C'est même mieux de se revendiquer en temps que skater. Ce problème de marginalité ne se pose plus... Les donnes sont changées.

On en reparlera dans deux ans !
J : Bien sûr, mais moi j'ai pu développer une culture qui m'est propre et grâce au skate, j'ai eu une expérience de la vie complètement différente de celle de Monsieur Dupont qui était dans la même classe que moi. Mais bon, les deux sont justifiables et critiquables.

Qu'est-ce que tu serais si tu n'avais jamais posé le pied sur un skate ?
J : Je ne sais pas, le skate a conditionné mes amitiés et tout ça... J'aurais une girl, j'aurais fait des études, parce que j'ai négligé ça pour faire du skate, je serais peut-être encore à la fac, peut-être que je regarderais le foot en buvant des bières... (rires)

Alors que là, il est quatre heures du matin, et nous sommes assis sur un banc !
(rires)
J : Ce qui est bien dans le skate, c' est ce point de vue critique sur tout qui est intéressant. Il remet toujours tout en cause, et même si le skater anonyme ne se rend pas compte, il est confronté à ça parce que les compagnies développent un œil complètement différent. de plus en plus, toutes les vidéos sont faites au super 8, le côté artistique rentre de plus en plus dans le milieu skate... Et finalement, le skate ouvre sur plein de trucs : l'art, le voyage, ou même le business... C'est aussi un sport qui est fait pour tous les gabarits et toutes les morphologies. Quand tu vois Tony Hawk et Bill Pepper, il n'y a pas photo ! C'est un sport qui intègre la différence... Et le pire, c'est que je n'ai même pas l'impression que c'est un sport ! Ca fait partie d'un tout, mais... Tu transpires mais ce n'est pas le plus musclé qui fera le mieux du skate ! C'est une prolongation de la personnalité, déjà dans le fait de faire certains tricks, à deux à l'heure ou vachement vite, le fait aussi d'insister sur une figure ou d'essayer un coup, puis d'arrêter tout de suite si ça ne marche pas... Le skate reflète le mode de pensée de l'individu.

Le skate est une extension de la personnalité comme d'autres activités créatives.
J : Il ne faut pas oublier que c'est très relatif. Ce n'est rien, ça intéresse 0.0001 % de la population et que tu as beau être le champion sur ta place, tu as intérêt à développer d'autres centres d'intérêt. Mais tu es pris dans une société, un groupe d'individus et tu es obligé de correspondre à certains critères. Et ça peut-être dramatique : le skate t'emmène dans une direction qui est complètement opposée à celle des autres individus. C'est dangereux, car les skaters sont dans leur sphère et s'imaginent des trucs, et la chute est rude ! Si du jour au lendemain, tu te fais une grosse blessure et que tu ne peux plus skater, tu redeviens un individu tout à fait normal, et tu dois te réadapter et souvent, c'est terrible.

Et toi, tu penses pouvoir t'adapter un jour ?
J : Déjà, je ne pense pas que le skate soit le centre de ma vie. Je fais d'autres choses. J'ai toujours pris le skate avec beaucoup de recul. En classe, je l'ai toujours caché, à mes parents aussi... Quand j'avais été champion de France, ils l'ont appris trois semaines après par le fils d'un de leurs amis. J'ai toujours été plus ou moins complexé, je n'avais pas envie d'être marginalisé… C'est un sport excluant. Les mecs avec qui j'allais en cours, je n'avais plus rien à leur dire ! Pour pas mal de skaters, le retour à la vie normale va être dur…

interview par Benjamin Deberdt

J'aimerais remercier tout Street Machine qui m'a accueilli gentiment à Paris, toute la France et tous les gens que je rencontre lorsque je voyage et qui me font découvrir leurs spots, Lyon et All Access Crew.

 
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