n°1, 1978  

HISTOIRE ET HISTOIRES DU SKATE

La planche, c'est comme la roue : impossible de fixer exactement la date de son invention. C'est aussi un peu comme le feu : ça existait avant d'être inventé. Le premier père préhistorique qui, rentrant dans la caverne familiale après une longue journée de chasse a posé le pied sur les billes en silex du fiston et a traversé la salle de séjour sur les fesses en criant très fort est le véritable inventeur du Skate. Mais il ne l'a jamais su. Après ça il a fallu attendre quelques centaines de milliers d'années pour que l'idée soit retrouvée. Et améliorée si l’on refuse de croire ceux qui affirment que les boites à savon montées sur roulements à billes dans lesquelles les gosses des années quarante dévalaient les rues en pente étaient les ancêtres du Skate, il faut jeter un coup d'oeil sur l'année 1962.
Cette année-là, à force de regarder des gosses qui ont vissé une vieille paire de patins à roulettes sous un tronçon de planche de surf brisée, un surfer du sud de la Calfornie que le mauvais temps empêche de s'entraîner a une petite idée.
Il monte tour simplement des roulettes sur une de ses vieilles planches et découvre aussitôt que contrairement à la mer, le béton ne subit ni l'influence des marées, ni celle des grands vents.
Il constate aussi que le Bermuda n'est pas une protection suffisante contre les vagues d'asphalte. Le temps de se remettre de cette découverte pour courrir faire breveter son idée (on est aux USA, ne l’ouublions pas) il a été doublé par un plus rapide.
Les patrons de Val-Surf, un magasin spécialisé dans le Sea-Surfing de Hollywood Nord ont l'exclusivité en poche. Ils négocient avec une firme de patins à roulettes de Chicago. Dont les patrons, bien entendu, se tapotent doucement le front devant ces cinglés. Mais puisqu'ils paient...
À partir de ce moment, le Skate se propage comme une trainée de feu. On le voit par-tout sur les trottoirs, au milieu des voitures, dans les jardins publics. On en parle à la radio, on lui consacre des reportages à la télévision, on le célèbre par des chansons, on crée des associations, des concours, des championnats. C'est la gloire.
Pas pour longtemps. Les adversaires du Skate dressent la tête c'est dangereux, c'est bruyant, c'est une mode de voyous. Des médecins Californiens qui s'ennuient entament une campagne contre ce " fléau qui blesse plus de jeunes que la bicyclette ! " (épouvantable tragédie ! ). Et le résultat de tout ça ne tarde pas : Coast-to-coast (de la Californie à la Floride) le Skate est interdit de séjour dans les rues. Mais comme on est libéral, on n 'empêche personne de s'amuser entre la chambre à coucher et la cuisine... C'est un certain Frank Nasworthy qui va sauver le Skate du naufrage : le principal reproche qu'on fait à ce nouveau sport est d'être trop bruyant : les roues en acier font, sur le béton un bruit d'enfer. Nasworthy a une illumination : utiliser le polyuréthane, un composé plastique à la fois souple et résistant qui adhère bien au sol et ne fait aucun bruit.
Il a toutefois un léger défaut : il roule moins vite que les produits traditionnels. Et c'est l’échec. Natif d'Encinitas, Nasworthy a le crâne dur des gens du coin. Il s'entête et finit par convaincre deux sociétés d 'unir leurs efforts pour trouver une solution. En 1973, c'est chose faite : Creative Urethanes Inc et Cadillac Wheels conçoivent et réalisent la première roulette en Uréthane " spéciale Skateboarding ". C'est plus qu'un succès, un raz-de-marée. Du coup, les professionnels du surf recommencent à s’intéresser au Skateboard et c'est un autre surfer d 'Encinitas Bob Bahne qui décide d'appliquer au Skate les techniques délicates de la fibre de verre qu'il a acquises en fabricant des surfs et des skis.
Grâce a Bahne et Nasworthy, le Skateboard est enfin au point. Silencieusement, il repart à la conquête des Etats-Unis, traverse l’Atlantique et le Pacifique et envahit en moins d’un an la vieille Europe et le Japon. En France, le patin à roulettes qui était encore assez bien implanté est littéralement laminé. Suivi par le mini-vélo et même le solex Bien sûr, on n'en est pas encore aux quarante-cinq millions de Fans comme aux States, mais quand on voit que les plus grands journaux consacrent des articles entiers au Skate, (trois pages dans MINUTE il y a deux mois, trois pages dans ELU, deux pages dans LE JOURNAL DU DIMANCHE, LE PARISIEN, FRANCE-SOIR, etc) on se dit que c 'est bien parti.
Aujourd'hui, le Skate est devenu un sport complet et populaire et il va bien falloir que les responsables s’en rendent compte et acceptent cette évidence. Après tout, toutes les villes de France ou presque ont aujourd'hui leur terrain de foot, leur piscine, leur patinoire et leur bowling. On ne voit vraiment pas pourquoi, elles n'auraient pas leur Skate-Park. Ça ne coûte pas plus cher à construire qu'un parking public. Et c'est au moins aussi utile…

 
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