LÉTOFFE
DUN CHAMPION
Alexis Lepesteur
Alexis Lepesteur a 17 ans. Il fait du skate
depuis 1 an 1/2 et déjà, il figure parmi les trois
meilleurs Français. Très bon en slalom, en free-style,
et au saut en hauteur, excellent aux banks, il n'a qu'une petite
faiblesse, la vitesse. Quand, en 1976 on lui a offert sa première
planche, il pratiquait déjà différents sports.
Peu à peu, la passion du skate s'est emparée de lui...
A part le skate, quelles sont tes autres activités ?
- Je vais au lycée ; auparavant
je pratiquais beaucoup d'autres sports, mais j'ai tout abandonné
au profit du skate.
Suis-tu un entraînement régulier
?
- Pas du tout, je fais du skate pour mon
plaisir. Je ne me suis jamais imposé de faire une figure
pendant une heure ; j'en vois qui ne pensent qu'à cela, moi,
quand j'ai envie de faire un kick-flip, je fais un kickflip ; si
j'ai envie de tourner, je tourne. Une fois cependant, je me suis
entraîné réellement pendant longtemps, je revenais
de vacances de ski et je n'étais plus du tout habitué
à ma planche.
J'ai l'impression que lorsque l'on s'arrête
pendant assez longtemps, on n'arrive plus à sentir sa planche.
- C'est une question de sensations, mais
ça revient au bout de 3 ou 4 jours ; en fait, il ne perd
jamais son acquis.
Quelle figure réussis-tu le mieux
techniquement ?
- Le 360° ; j'en ai déjà
exécuté 23 de suite, mais régulièrement,
je n'en fais que 15.
Quelle est la figure la plus incroyable
que tu aies vue ?
- C'est une figure exécutée
par Stacy PERALTA lors de son passage à Paris, 15 tours de
suite en 360 one-foot-nose-wheelie.
Comptes-tu aller en Europe avec ton club
?
- Oui, mais pas pour faire des démonstrations,
on se déplacera uniquement pour les compétitions et
les grands congrès de skateboard.
Quel est ton meilleur souvenir en démonstration ?
-C'était à Nancy. Il y avait
un très bon public qui participait, qui applaudissait souvent
et nous encourageait quand on était sur les banks que nous
avions amenés pour l'occasion ; et puis, Nancy nous a permis
de retrouver Pierre LAWTON, un très bon skateur que nous
voyons peu, c'est dommage d'ailleurs, et nous nous sommes tous bien
amusés et bien entraînés.
As-tu été influencé
par des skateurs de très haut niveau dans ta technique ?
- Oui, par les Américains
avant tout, et d'ailleurs quand Ty PAGE et Stacy PERALTA sont venus
à Paris, ils ont remarqué que tous les Français
étaient largement influencés par les figures de free-style
des Californiens.
Quels sont tes coucurrents les plus directs
?
- Il y a tout d'abord José DE MATOS
le champion de France 1977, le Bordelais Pierre LAWTON en free-style,
Alain MARSAC de Vieux-Boucau en slalom, et puis Patrice ALMUZARA
en saut en hauteur ; il y a également un nouveau, encore
inconnu, mais il passe très bien, Rémi DISSOULE. Il
fait d'ailleurs partie de notre équipe.
Quels sont les meilleurs endroits pour
s'entraîner ?
- Jusqu'à maintenant le meilleur
endroit que je connaisse à Paris reste le Trocadéro,
il y a un truc pas mal à Courbevoie, La Courneuve c'est loin
et un peu lassant à la fin, sinon il y a les skateparks;
celui de La Villette et Béton Hurlant à Issy-les-Moulineaux
; ce n'est plus qu'une question de semaines.
Préfères-tu t'entraîner
devant tout le monde, au Trocadéro par exemple avec ton équipe,
ou bien carrément seul ?
- Non au Trocadéro c'est vraiment
pénible, et tout seul, ça n'est pas marrant, c'est
triste, je skate avec les gens que j'aime bien, ceux de mon équipe
bien sûr, mais aussi d'autres skateurs. Plus ils sont forts,
mieux c'est, car on s'apprend réciproquement des petits "trucs
".
D'après toi, comment doit être
construit le skate-park idéal ?
- Je crois qu'il faut prendre le modèle
américain; ils ont fait quelques erreurs au début,
mais maintenant c'est très bon, là où on trouve
des snakes runs, des grands bowls, des piscines, une aire de free
style et une descente de slalom, il y a même des pipes. Si
les Français se mettent à inventer des skateparks
eux-mêmes ils vont tomber sur les problèmes que les
Américains ont déjà résolus ; inutile
de perdre du temps et de l'argent à vouloir créer
quelque chose qui existe déjà; La Villette n'a pas
lair mal. Béton Hurlant a l'air bien technique aussi.
Il faut attendre.
Que préfères tu dans un
skatepark; les virages relevés, ou le vertical ?
- Il n'y a pas de problème ! Plus
c'est haut, plus c'est vertical, et plus je préfère.
Quelles sont les villes ou le niveau
en skate monte en ce moment ?
- Il y a Bordeaux où Pierre LAWTON
se trouve un peu seul en ce moment ; à Marseille, il y a
l'air d'y avoir un ou deux types ; je n'ai rien vu de formidable
pour le moment, il y a peut-être un gars à Annecy,
je ne connais pas son nom, mais il n'est pas mauvais ; je suis très
déçu de voir que peu de skateurs soient réellement
forts. J'ai l'impression que la majorité des personnes qui
font du skate ne pense quà s'amuser, ne font
que des catamarans ou des choses comme ça, et qu'il y a seulement
un tout petit groupe de personnes qui pensent à s'améliorer
techniquement, pour pouvoir être au moins présentable
en compétition. Il y en a seulement une trentaine qui soient
au niveau national ou international. Et encore... même pas
!
Au niveau international, il y en a 10, on
les compte très facilement.
On parle beaucoup des skateurs allemands,
tout le monde les dit très forts en free-style ; qu en penses-tu
?
- Ils ne sont pas tous très forts,
j'en ai vu qui étaient assez bons ; mais il faut dire aussi
que Russ HOWELL est venu y créer une école pendant
un an et demi, ils ont donc de très bonnes bases.
On dit les Anglais très forts
en slalom...
- Là, je ne sais pas du tout ; Stacy
PERALTA les a vus, il a dit que finalement, les skateurs allemands
et français étaient encore meilleurs que les anglais.
Comptes-tu te rendre aux Etats-Unis?
- Oui cet été, à trois
ou quatre de l'équipe, on va partir un mois et demi, pour
faire du skate mais aussi pour visiter le pays parce que c'est un
chouette voyage, la Californie.
Le professionnalisme te tente-t-il dans
le skate ?
- A priori, non, je veux d'abord terminer
mes études, et voir si le mouvement chute ou non ; si le
mouvement s'arrête d'ici 5 ans, ce n'est pas la peine que
je stoppe mes études pour les reprendre ensuite et m'embêter
derrière une table d'école. D'autant plus que je suis
en première ; il ne me reste plus qu'un an et demi avant
le BAC, je verrais bien ce qui se passera ensuite.
Si tu poursuis tes études, que
comptes-tu faire après le BAC ?
- Je n'en sais rien encore, peut-être
une école de commerce, c'est intéressant, à
priori, et puis je crois que j 'ai le sens du commerce, mais en
fait, il n'y a aucun métier qui m'intéresse réellement.
Si le skate marche bien, je serai professionnel et j'essaierai d'avoir
des skates à mon nom, ou de m'imposer dans un circuit commercial.
Arrives-tu à concilier tes études
et le skate ?
- Je vais peut-être changer justement,
à partir de l'année prochaine, parce que j'ai des
problèmes de scolarité. Je ne peux pas assister à
tous les cours et faire du skate en même temps, donc j 'essaie
de mêler les deux, mais ça n'est pas facile; de plus
je suis redoublant cette année ; je me trouve donc avec des
gens que je connais mal, je me sens un peu seul dans la classe,
et on me critique un peu.
Comment cela se passe-t-il quand tu dis
à ton proviseur " je ne serai pas là, parce que
je dois faire une démonstration"; et comment tes copains
prennent-ils cela ?
- Dans la classe, et même au niveau
du lycée je suis connu; ça m'embête d'ailleurs
parce que la seule chose dont les gens me parlent, c'est de skate,
24 heures sur 24, et ça finit par être énervant.
Le proviseur prend ça assez bien parce que mon lycée
est relativement sportif. On me permet mes déplacements,
mais je crois que j'en fais quand même un peu trop.
Penses-tu qu'il faudrait créer une section sport/études
pour le skate?
- C'est difficile car il n'y a pas assez
de pratiquants, mais j'ai envie de présenter un dossier au
ministère de façon à pouvoir suivre les sports/études
d'une autre section, et m'entraîner presque tous les jours.
Tu fais aussi du ski ; le préfères-tu
au skate, ou à un autre sport que tu ne pratiques pas ?
- Non, je préfère le skate
; le ski, c'est bien, j'aime bien parce que j'ai beaucoup de bons
copains là-bas, mais le skate c'est mieux. J'ai entendu dire
que le surf était très bien aussi, j'ai essayé
d'en faire cet été pendant un mois mais ça
n'a pas été très réussi. On verra plus
tard pour ce genre d'exploit.
Comment vois-tu le futur du skate en
France ; va-t-il y avoir des compétitions, le niveau va-t-il
s'améliorer ?
- C'est sûr, il y aura des skateparks,
j'ai vu pas mal de contrats pour des constructions ; le mouvement
je ne sais pas s'il va rester, c'est justement ça mon problème.
Les gens ont l'air de s'y intéresser, mais quelquefois, même
ceux qui le pratiquent, ne considèrent pas le skateboard
comme un sport ; ils s'amusent ! J'espère que les skateparks
les feront changer d'avis.
Xavier LANNES
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