n°2, 1978  

L’ÉTONNANT SKATE DES NEIGES

Pourquoi pas, apres tout ? Nous avions déjà le skate normal, le skate à voile, à moteur, à glace, le speed sail. Tout un echantillonnage qui fait rêver. À Skate France International, nous sommes ouverts à toutes les suggestions. Aussi, quand une semaine auparavant, un banc d’essai sur le skate neige nous a été proposé, toute l'équipe, a été emballée ; on avait déjà entendu parler de cet engin mais nous ne savions pas exactement de quoi il retournait. C'est ainsi que Xavier et Jean-Charles se sont retrouvés à la neige.

Inutile de dire que nous ne sommes pas passés inaperçus avec nos écrevisses en nous rendant à notre rendez-vous : dans le métro parisien, tout le monde se retournait, s'esclaffait, ou même rouspétait. À Paris, la neige n'est pas de ce que l'on pourrait appeler d'une qualité exceptionnelle, et nos premiers essais n'avaient pas été convaincants. Le skate n'avançait pas, il dérapait, et par endroit, quand la neige disparaissait en laissant voir le sol, il se bloquait. Et puis surtout, la neige commençait à fondre...

Le vendredi soir donc, tout était prêt, les skates dans la voiture, les bagages dans le coffre, les bandes Velpeau dans la trousse à pharmacie, les appareils photos. Sylvain. Gérard, Jean-Charles et moi partions pour la grande randonnée, direction " Les Arcs ", en Tarentaise !

Samedi matin

Ici, tout est beau. Il fait bon, il fait chaud. Le soleil tape tellement fort que nous sommes obligés d'enlever les gros pulls. Les gens sont bronzés, souriants. Nous effectuons nos premiers tours de patins. On nous regarde passer d'un air interrogateur. Les plus petits viennent vers nous : M'sieur c'est un skateboard pour la neige que vous avez là ? Déjà, cela change de Paris, le skate file beaucoup plus vite, mais il est instable, très instable, et les premières descentes se terminent en chutes magnifiques. D'entrée, je me foule les quatres doigts de la main gauche. Sur le coup, j'ai très mal mais je mets un bandage et repars.

Une colonie de vacances s'est arrêtée et nous regarde pendant vingt minutes au moins. Ah ! nous faisons sensation. Mais faire du skate sur la neige est très désagréable. Les pieds ne tiennent pas sur la planche : il y a toujours une couche de neige qu'il faut nettoyer entre la plaque et les chaussures. On se croit parti et tout à coup les deux pieds glissent ; on se retrouve assis sur le sol sans avoir compris. Le skate ne tient pas en traversée et il semble impossible d'exécuter le moindre virage ; le sabot arrière ne cesse de s'enfoncer dans la neige profonde, ce qui, avec la vitesse bloque tout d'un seul coup et nous expédie la tête la première dans la pente. Bouh ! Elle est complètement glacée cette neige qui rentre par le col et qui vous coule insidieusement dans le dos, sur la colonne vertébrale. En neige poudreuse, il est pratiquement impossible de conserver son équilibre les deux sabots s'enfoncent en totalité dans la couche de neige empêchant toute progression vers l'avant. Enfin, le système des trucks ne semble pas convenir parfaitement à l'appareil. Nous décidons, dans ces conditions d'abandonner la tentative. En apprenant la nouvelle nos photographes poussent un soupir de soulagement : ils s'étaient résignés à l'idée d'une randonnée incertaine et dangereuse pour leurs appareils sur des pentes neigeuses hostiles.

Dimanche

Au réveil, nous remarquons des nuages noirs et gris dans le ciel ; des chutes de pluie ont dû se produire durant la nuit et la luminosité est moins grande ; le ciel est plombé, les reliefs sont effacés. La déception se traduit sur notre mine : " C'était bien la peine de faire 800 km pour trouver un ciel comme celui-là ! ". Tout comme des testeurs professionnels, nous discutons de notre emploi du temps " aujourd'hui, je pense que nous devrions faire des essais techniques, c'est-à-dire des virages courts ou larges, des valses, des 360°...". "Oui, me réponds Jean-Charles, d'autant plus que je commence à sentir cette drôle de machine."

Dès que nous reprenons nos essais, nous remarquons une facilité plus grande dûe au radoucissement de la neige. La température est remontée depuis la veille et le revêtement neigeux s'est transformé en une sorte de soupe : jargon de ski ! Les rails des sabots accrochent bien mieux sur ce type de revêtement. Alors le champ de bosses devient un plaisir, on se croirait sur des montagnes russes, ça monte, ça descend, ça remonte... un vrai toboggan !

Mais notre descente est à chaque fois interrompue par une chute. Ou bien c'est une course effrénée derrière le skate qui continue tout seul. Il glisse jusqu'en bas de la pente et termine systématiquement sa course - il le fait exprès ma parole - sur les skis du moniteur de service qui nous fait remarquer que la luge est formellement interdite sur les pistes de ski ! ??? Finalement, las de toutes ces cavalcades nous trouvons un remède sous la forme d'un " fil à la patte" attaché au skate. En ski, c'est l'équivalent de la lanière de sécurité. En surf, c'est le leash.

Mais, ce problème résolu, d'autres apparaissent soudain : le sabot arrière a très peu de spatule et il a toujours tendance à s'enfoncer dans la neige. Utilisant notre idée première, nous perçons un trou à l'avant du sabot et passons une ficelle pour la relier à la planche. Cette dernière l'empêche ainsi de culbuter. Nous effectuons alors des descentes plus longues.

Sur le plan technique " le ski board ", c'est son nom, tourne très bien en 360°, les sabots avant et arrière à plat sur la neige toujours du fait de l'absence de rails directeurs. Quant à la valse, la ficelle que nous avions mise nous empêchait de soulever le skate.

Lundi

Le soleil est revenu sur Les Arcs. Durant la nuit, la température s'est abaissée, la neige a durci et nous avons du mal à tenir, en traversée et en virages. Aujourd'hui, après avoir fait subir au skate des tests techniques, nous essayons de le pousser à fond dans les épreuves de vitesse et de saut.

Vitesse : au-delà de 40 km/h, la planche se comporte de façon très instable, des vibrations apparaissent. Et puis, phénomène curieux, le skate est plus stable quand on est debout plutôt qu'accroupi. En effet dans cette position accroupie, il transmet les inégalités du terrain : bosses, neige vierge, plaque de verglas. En position debout, les jambes jouent le rôle d'amortisseurs, on peut également guider le skate et ainsi, éviter les chutes. Quant au saut, il procure des sensations fantastiques :

sauter à skate sur le macadam est souvent dangereux à cause de la réception sur un sol très dur. Ici, la neige vous accueille en souplesse. Alors, fini la peur des sauts et laissez-moi vous dire que lorsque l'on se trouve suspendu entre ciel et neige avec un skate sous les pieds, on a l'impression que le temps s'arrête et l'on déguste ce moment fantastique ! Conclusion de ces trois jours de tests, je peux vous confier qu'en tant que surfer/skieur/skateur que le skate-neige s'apparente beaucoup plus au surf qu'au skate et moins au ski comme on pourrait le penser.

Effectivement, les réflexes exigés en ski-board proviennent bien plus du surfing, sans doute à cause d'une similitude dans la conduite en traversée et dans les virages. Toutefois, il est impossible de virer sec type "rebond" (ski), ou du type " contre virage/virage" (skate) car les carres n'accrochent pas, et la nervosité de l'appareil est inexistante.

Néanmoins, il est très agréable de pratiquer ce sport car il faut toujours se tenir en rappel et en concentration pour prévenir un éventuel et fréquent dérapage du sabot arrière. Sur ce point, le skate-neige ou " ski-board", peut être un excellent moyen d'entraînement pour le skate "normal" des jours de pluie, lorsque les roues arrière chassent et que l'on voit venir la chute sans pouvoir rien y faire.

Xavier Lannes.

SKATE NEIGE : COMPTE RENDU TECHNIQUE

I. Fiche technique d'un sabot : (le skate en comporte deux fixés sur les trucks).

Longueur : 75 cm
Largeur trucks : 10cm
Largeur cuillère: 23,5 cm
Rainures; a peine 0,5cm de profondeur
Hauteur sous trucks: 5 cm
Emplacement des trous pour fixation par rapport à l'arrière du sabot : 16 cm.

Il. Considérations techniques

a) Défauts

Le sabot tourne autour d'un axe, celui de la fixation sur le truck. On se passerait volontiers de cette demi-rotation car le sabot arrière a toujours tendance à s'enfoncer dans la neige, bloquant l'ensemble.

La rainure n'est pas assez importante et pas assez dure ; de ce fait, le skate à tendance à déraper un peu dans tous les sens.

On se demande à quoi sert la largeur de la cuillère, le skate est inutilisable en poudreuse.

La partie arrière du skate est un véritable ramasse neige ; cette partie accumule toute la neige en quelques secondes, ce qui alourdit considérablement le truck et renforce la rotation indésirable.

Pourquoi la partie arrière du sabot n'est-elle pas relevée ?

À cause de sa forme, il se transforme en pelle et racle la neige tout le long de son trajet.

La longueur ne semble pas suffisante pour la poudreuse, la portance est trop faible.

b) Qualités

La seule qualité que l'on puisse trouver est d'avoir pensé à faire un skate-neige. Toute la conception de l'engin est à reconsidérer.

c) Modifications à apporter
Trouver un système pour empêcher le sabot de tourner autour de son axe, avec de la ficelle, on peut y remédier mais ça n'est qu'un palliatif.

Faire une rainure beaucoup plus importante, avec, ne serait-ce qu'un semblant de carré, ceci améliorerait la tenue latérale sur la neige.

Relever l'arrière du sabot, et le fermer hermétiquement de manière à ce que la neige ne s'y accumule pas.

Sur le système entier, serrer les trucks au maximum.

Quelles seraient les réactions de l'engin si les deux sabots n'en faisaient qu'un ? Nous n'avons pas eu le temps matériel de le tester, mais cela nous est apparu comme une excellente suggestion.

Sur la planche, prévoir un système qui empêche la neige de coller sur la planche (possibilité de poser des crampons).

Prévoir un " fil à la patte", extrêmement utile en cas de chute.

Conclusion sur l'ensemble

L'idée d'un skate-neige est excellente, il est très agréable de "vaguer" entre les bosses et cela change un peu du ski.

Si l'engin possédait une stabilité latérale, il serait viable et deviendrait vite, au minimum, une mode chez les jeunes, car c'est au moins, un jouet beaucoup plus intéressant que la luge à cause des réflexes d'équilibre qu'il demande. Malheureusement, tel qu'il est actuellement, il ne peut pas servir encore à grand-chose. Attendons les quelques modifications essentielles et on pourra peut-être penser à l'avenir.

 

 

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