LÉTONNANT
SKATE DES NEIGES
Pourquoi pas, apres tout ? Nous avions déjà
le skate normal, le skate à voile, à moteur, à
glace, le speed sail. Tout un echantillonnage qui fait rêver.
À Skate France International, nous sommes ouverts à
toutes les suggestions. Aussi, quand une semaine auparavant, un
banc dessai sur le skate neige nous a été proposé,
toute l'équipe, a été emballée ;
on avait déjà entendu parler de cet engin mais
nous ne savions pas exactement de quoi il retournait. C'est ainsi
que Xavier et Jean-Charles se sont retrouvés à la
neige.
Inutile de dire que nous ne sommes pas passés
inaperçus avec nos écrevisses en nous rendant à
notre rendez-vous : dans le métro parisien, tout le monde
se retournait, s'esclaffait, ou même rouspétait. À
Paris, la neige n'est pas de ce que l'on pourrait appeler d'une
qualité exceptionnelle, et nos premiers essais n'avaient
pas été convaincants. Le skate n'avançait pas,
il dérapait, et par endroit, quand la neige disparaissait
en laissant voir le sol, il se bloquait. Et puis surtout, la neige
commençait à fondre...
Le vendredi soir donc, tout était
prêt, les skates dans la voiture, les bagages dans le coffre,
les bandes Velpeau dans la trousse à pharmacie, les appareils
photos. Sylvain. Gérard, Jean-Charles et moi partions pour
la grande randonnée, direction " Les Arcs ",
en Tarentaise !
Samedi matin
Ici, tout est beau. Il fait bon, il fait
chaud. Le soleil tape tellement fort que nous sommes obligés
d'enlever les gros pulls. Les gens sont bronzés, souriants.
Nous effectuons nos premiers tours de patins. On nous regarde passer
d'un air interrogateur. Les plus petits viennent vers nous : M'sieur
c'est un skateboard pour la neige que vous avez là ? Déjà,
cela change de Paris, le skate file beaucoup plus vite, mais il
est instable, très instable, et les premières descentes
se terminent en chutes magnifiques. D'entrée, je me foule
les quatres doigts de la main gauche. Sur le coup, j'ai très
mal mais je mets un bandage et repars.
Une colonie de vacances s'est arrêtée
et nous regarde pendant vingt minutes au moins. Ah ! nous faisons
sensation. Mais faire du skate sur la neige est très désagréable.
Les pieds ne tiennent pas sur la planche : il y a toujours une couche
de neige qu'il faut nettoyer entre la plaque et les chaussures.
On se croit parti et tout à coup les deux pieds glissent
; on se retrouve assis sur le sol sans avoir compris. Le skate ne
tient pas en traversée et il semble impossible d'exécuter
le moindre virage ; le sabot arrière ne cesse de s'enfoncer
dans la neige profonde, ce qui, avec la vitesse bloque tout d'un
seul coup et nous expédie la tête la première
dans la pente. Bouh ! Elle est complètement glacée
cette neige qui rentre par le col et qui vous coule insidieusement
dans le dos, sur la colonne vertébrale. En neige poudreuse,
il est pratiquement impossible de conserver son équilibre
les deux sabots s'enfoncent en totalité dans la couche de
neige empêchant toute progression vers l'avant. Enfin, le
système des trucks ne semble pas convenir parfaitement à
l'appareil. Nous décidons, dans ces conditions d'abandonner
la tentative. En apprenant la nouvelle nos photographes poussent
un soupir de soulagement : ils s'étaient résignés
à l'idée d'une randonnée incertaine et dangereuse
pour leurs appareils sur des pentes neigeuses hostiles.
Dimanche
Au réveil, nous remarquons des nuages
noirs et gris dans le ciel ; des chutes de pluie ont dû se
produire durant la nuit et la luminosité est moins grande
; le ciel est plombé, les reliefs sont effacés.
La déception se traduit sur notre mine : " C'était
bien la peine de faire 800 km pour trouver un ciel comme celui-là
! ". Tout comme des testeurs professionnels, nous discutons
de notre emploi du temps " aujourd'hui, je pense que nous devrions
faire des essais techniques, c'est-à-dire des virages courts
ou larges, des valses, des 360°...". "Oui, me réponds
Jean-Charles, d'autant plus que je commence à sentir cette
drôle de machine."
Dès que nous reprenons nos essais,
nous remarquons une facilité plus grande dûe au radoucissement
de la neige. La température est remontée depuis la
veille et le revêtement neigeux s'est transformé en
une sorte de soupe : jargon de ski ! Les rails des sabots accrochent
bien mieux sur ce type de revêtement. Alors le champ de bosses
devient un plaisir, on se croirait sur des montagnes russes, ça
monte, ça descend, ça remonte... un vrai toboggan
!
Mais notre descente est à chaque
fois interrompue par une chute. Ou bien c'est une course effrénée
derrière le skate qui continue tout seul. Il glisse jusqu'en
bas de la pente et termine systématiquement sa course - il
le fait exprès ma parole - sur les skis du moniteur de service
qui nous fait remarquer que la luge est formellement interdite sur
les pistes de ski ! ??? Finalement, las de toutes ces cavalcades
nous trouvons un remède sous la forme d'un " fil
à la patte" attaché au skate. En ski, c'est l'équivalent
de la lanière de sécurité. En surf, c'est le
leash.
Mais, ce problème résolu,
d'autres apparaissent soudain : le sabot arrière a très
peu de spatule et il a toujours tendance à s'enfoncer dans
la neige. Utilisant notre idée première, nous perçons
un trou à l'avant du sabot et passons une ficelle pour la
relier à la planche. Cette dernière l'empêche
ainsi de culbuter. Nous effectuons alors des descentes plus longues.
Sur le plan technique " le ski board ",
c'est son nom, tourne très bien en 360°, les sabots
avant et arrière à plat sur la neige toujours du fait
de l'absence de rails directeurs. Quant à la valse, la ficelle
que nous avions mise nous empêchait de soulever le skate.
Lundi
Le soleil est revenu sur Les Arcs.
Durant la nuit, la température s'est abaissée, la
neige a durci et nous avons du mal à tenir, en traversée
et en virages. Aujourd'hui, après avoir fait subir au skate
des tests techniques, nous essayons de le pousser à fond
dans les épreuves de vitesse et de saut.
Vitesse : au-delà de 40 km/h, la
planche se comporte de façon très instable, des vibrations
apparaissent. Et puis, phénomène curieux, le skate
est plus stable quand on est debout plutôt qu'accroupi. En
effet dans cette position accroupie, il transmet les inégalités
du terrain : bosses, neige vierge, plaque de verglas. En position
debout, les jambes jouent le rôle d'amortisseurs, on peut
également guider le skate et ainsi, éviter les chutes.
Quant au saut, il procure des sensations fantastiques :
sauter à skate sur le macadam est
souvent dangereux à cause de la réception sur un sol
très dur. Ici, la neige vous accueille en souplesse. Alors,
fini la peur des sauts et laissez-moi vous dire que lorsque l'on
se trouve suspendu entre ciel et neige avec un skate sous les pieds,
on a l'impression que le temps s'arrête et l'on déguste
ce moment fantastique ! Conclusion de ces trois jours de tests,
je peux vous confier qu'en tant que surfer/skieur/skateur que le
skate-neige s'apparente beaucoup plus au surf qu'au skate et moins
au ski comme on pourrait le penser.
Effectivement, les réflexes exigés
en ski-board proviennent bien plus du surfing, sans doute à
cause d'une similitude dans la conduite en traversée et dans
les virages. Toutefois, il est impossible de virer sec type "rebond"
(ski), ou du type " contre virage/virage" (skate)
car les carres n'accrochent pas, et la nervosité de l'appareil
est inexistante.
Néanmoins, il est très agréable
de pratiquer ce sport car il faut toujours se tenir en rappel et
en concentration pour prévenir un éventuel et fréquent
dérapage du sabot arrière. Sur ce point, le skate-neige
ou " ski-board", peut être un excellent moyen
d'entraînement pour le skate "normal" des jours
de pluie, lorsque les roues arrière chassent et que l'on
voit venir la chute sans pouvoir rien y faire.
Xavier Lannes.
SKATE NEIGE : COMPTE RENDU TECHNIQUE
I. Fiche technique d'un sabot : (le skate
en comporte deux fixés sur les trucks).
Longueur : 75 cm
Largeur trucks : 10cm
Largeur cuillère: 23,5 cm
Rainures; a peine 0,5cm de profondeur
Hauteur sous trucks: 5 cm
Emplacement des trous pour fixation par rapport à l'arrière
du sabot : 16 cm.
Il. Considérations techniques
a) Défauts
Le sabot tourne autour d'un axe, celui de
la fixation sur le truck. On se passerait volontiers de cette demi-rotation
car le sabot arrière a toujours tendance à s'enfoncer
dans la neige, bloquant l'ensemble.
La rainure n'est pas assez importante et
pas assez dure ; de ce fait, le skate à tendance à
déraper un peu dans tous les sens.
On se demande à quoi sert la largeur
de la cuillère, le skate est inutilisable en poudreuse.
La partie arrière du skate est un
véritable ramasse neige ; cette partie accumule toute la
neige en quelques secondes, ce qui alourdit considérablement
le truck et renforce la rotation indésirable.
Pourquoi la partie arrière du sabot
n'est-elle pas relevée ?
À cause de sa forme, il se transforme
en pelle et racle la neige tout le long de son trajet.
La longueur ne semble pas suffisante pour
la poudreuse, la portance est trop faible.
b) Qualités
La seule qualité que l'on puisse
trouver est d'avoir pensé à faire un skate-neige.
Toute la conception de l'engin est à reconsidérer.
c) Modifications à apporter
Trouver un système pour empêcher le sabot de tourner
autour de son axe, avec de la ficelle, on peut y remédier
mais ça n'est qu'un palliatif.
Faire une rainure beaucoup plus importante,
avec, ne serait-ce qu'un semblant de carré, ceci améliorerait
la tenue latérale sur la neige.
Relever l'arrière du sabot, et le
fermer hermétiquement de manière à ce que la
neige ne s'y accumule pas.
Sur le système entier, serrer les
trucks au maximum.
Quelles seraient les réactions de
l'engin si les deux sabots n'en faisaient qu'un ? Nous n'avons pas
eu le temps matériel de le tester, mais cela nous est apparu
comme une excellente suggestion.
Sur la planche, prévoir un système
qui empêche la neige de coller sur la planche (possibilité
de poser des crampons).
Prévoir un " fil à la
patte", extrêmement utile en cas de chute.
Conclusion sur l'ensemble
L'idée d'un skate-neige est excellente,
il est très agréable de "vaguer" entre les
bosses et cela change un peu du ski.
Si l'engin possédait une stabilité
latérale, il serait viable et deviendrait vite, au minimum,
une mode chez les jeunes, car c'est au moins, un jouet beaucoup
plus intéressant que la luge à cause des réflexes
d'équilibre qu'il demande. Malheureusement, tel qu'il est
actuellement, il ne peut pas servir encore à grand-chose.
Attendons les quelques modifications essentielles et on pourra peut-être
penser à l'avenir.
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